3. Celle qui n'avait plus de voix

2.7K 267 16
                                    

Elle appuya férocement sur le bouton rouge de son iPhone et le balança sans ménagement dans l'ouverture béante de son sac en daim, éventré sur le sol. Ses yeux parcoururent frénétiquement la salle d'attente, occupée par d'autres patients parfaitement calmes. Mais sa patience à elle était mise à rude épreuve. Elle avait horreur d'attendre, surtout quand ça allait bientôt faire une heure. Son attention restait accrochée comme à une bouée de secours à l'horloge qui surplombait une plante verte en plastique.

Elle allait abandonner quand la voix guindée et haut perché de Grimsby retentit.

_ Ah Docteur Priance vous êtes arrivé ! Mademoiselle Flot vous attend, et ensuite vous serez en consultation avec Monsieur Simon.

_ Merci beaucoup, répondit une voix jeune qu'Ariel ne voyait pas. Euh...

_ Grimsby, se présenta le réceptionniste avec entrain. C'est par ici.

Au loin, l'adolescente vit le vieillard indiquer le chemin au retardataire. Ariel fulminait. Heureusement qu'Esmeralda lui avait changé les idées avec ses peines de coeur, sinon elle serait probablement devenue chèvre.

Elle aperçut un pan de blouse derrière les feuilles de la plante quand le vibreur de son téléphone l'interpella. En baissant les yeux, elle vit un message de sa sœur.

De : Alana Flot
Alors, ta séance de rééducation ?

Comme elle s'apprêtait à répondre et à déverser toute sa frustration, la voix du médecin vrilla ses tympans :

_ Ariel Flot ? Appela-t-il.

L'adolescente releva aussitôt le nez, bien décidée à passer ses nerfs sur lui, mais demeura coi en tombant sur le docteur. Loin de ressembler à son prédécesseur maladroit, celui-ci était jeune, très jeune, avec un visage aux traits anguleux et aux cheveux aussi noirs que la nuit. Seulement ce qui frappa le plus la jeune fille était les yeux bleus océans du retardataire qui firent s'envoler tout ressentiment envers lui.

Dans le mégaphone de l'hôpital, la voix d'une infirmière retentit pour appeler un médecin au bloc. Mais Ariel ne l'entendit pas. Elle était trop obnubilée par son contemplation de ce jeune homme bien trop séduisant pour être médecin.

Un sourire en coin se dessina sur son visage, tirant ainsi la jeune fille de sa torpeur. Elle remarqua alors qu'elle le fixait d'une façon étrange depuis une bonne minute.

_ On y va ? Demanda-t-il finalement.

Ariel opina timidement avant de prendre son sac. Elle le posa sur ses genoux, desserra le frein et poussa sur les roues pour arriver à sa hauteur. Il lui tendit une main amicale qu'Ariel s'empressa de serrer, puis voulut l'aider à faire avancer son fauteuil mais elle refusa brusquement.

Elle entra dans la salle, encombrée de barres, d'énormes ballons et d'une table d'examen cerclée de fer.

_ Je suis navré pour ce retard, lança le jeune homme en refermant la porte derrière eux. Je suis le Docteur Priance, mais vous pouvez m'appeler Éric si vous voulez.

Enfermée dans un mutisme hésitant, Ariel se sentait perdue. Elle qui d'ordinaire était si bavarde et si fière de ses convictions semblait les avoir toutes laissées dans la salle d'attente. Elle était sans voix. Les mots mourraient dans sa gorge avant même de naître dans sa tête. Elle croisa les bras sur ses genoux et observa d'un air béat le sourire charmeur du médecin.

_ Je ne sais pas comment vous aviez l'habitude de procéder avec mon prédécesseur, mais je vous propose de commencer par détendre vos muscles.

Toujours muette, Ariel hocha la tête. Elle fit rouler son fauteuil jusqu'à la table d'examen alors qu'Eric approchait lentement. Il glissa un bras sous ses jambes et enserra sa taille de l'autre. L'adolescente accrocha son épaule quand le médecin la souleva dans les airs. Collée à son torse, elle crut entendre les battements rapides de son cœur.

Les Princesses pas si charmantes...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant