8. Celle qui se sentait seule

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_ C'est quoi cette histoire de médecin craquant ? Demanda Esmeralda avec un sourire en coin.

Ariel agita brusquement les mains pour lui faire signe de se taire avant de jeter des coups d'œil inquiets autour d'elle. Il n'y avait aucune raison d'être aussi suspicieuse, mais la jeune fille détestait faire étalage de ses sentiments, surtout depuis son accident. Elle fit rouler son fauteuil jusqu'à l'ascenseur qui menait à la cour.

_ Moins fort, protesta-t-elle, ça ne sert à rien de venir ajouter de l'eau au moulin de Blanche. Il s'appelle Eric. C'est mon nouveau kinésithérapeute...

_ De quoi te donner envie d'aller à l'hôpital apparement, répondit son amie.

_ Rien ne te donne envie d'aller à l'hôpital. Enfin, si tu es normalement constituée.

_ Ce qui n'est pas mon cas, donc tout va bien.

Dans un tintement aigu, les portes métalliques s'ouvrirent pour laisser passer les deux amies. Ariel s'engouffra dans l'ascenseur, et, alors qu'il s'apprêtait à descendre, un main vint s'interposer : une peau d'albâtre et des ongles rouges, aucun doute sur l'identité de sa propriétaire.

_ Vous n'allez pas essayer de vous enfuir comme ça, grinça Blanche, flanquée d'Aurore. Vous faites encore partie du comité, et ce soir on décide des décorations pour la soirée de rentrée. Vous devez être la.

Esmeralda esquissa une moue boudeuse. Si l'année précédente les deux adolescentes étaient toujours fourrées ensembles, et qu'elles sautaient toujours sur l'occasion de s'amuser de concert, cette fois c'était différent. L'incident de la réception avant l'été avait jeté un froid entres elles, et Ariel avait choisit son camp.

_ Des ballons bleus et rouges, lança Esmée avant d'appuyer frénétiquement sur le bouton de l'ascenseur. Voilà c'est décidé, maintenant on peut y aller ?

Blanche grimaça, puis fit un pas en direction d'Ariel.

_ Je ne comprendrai jamais ton choix.

La jolie rousse ne répondit rien. À quoi bon ? Blanche ne voyait rien, et ne voulait rien voir. Sur ces mots son ancienne amie sortit de l'ascenseur et les laissa partir.

_ Merci, souffla Esmeralda sans quitter le plafond des yeux.

Ariel prit la main de la jeune femme et la pressa contre sa joue.

_ Tu devrais lui dire la vérité, murmura Ariel. Elle ouvrirait enfin les yeux. Je suis certaine qu'elle te pardonnerait.

_ Je n'ai rien à me faire pardonner. Tout ce que Blanche a retenu c'est que j'ai couché avec son mec. Elle ne réalise pas à quel point Adam est un monstre, qu'il la traite comme une moins que rien. Tant pis pour elle. Je n'ai pas d'excuses à présenter.

Les deux lycéennes traversèrent l'institut en longeant les arcades jusqu'à la sortie. Le trottoir qui jouxtait l'établissement était envahit par les élèves libérés de leur première journée de cours, discutant et plaisantant sans se douter des drames qui se jouaient presque sous leurs nez.

Une fois à l'écart de la foule, Esmeralda arrêta le fauteuil roulant de son amie devant une jeune femme à la longue chevelure brune. Son regard clair était rehaussé de noir, sa taille fine accentuée par une ceinture colorée et ses jambes galbées allongées par de hauts talons.

_ Merci d'être venue me chercher Alana, dit Ariel en s'arrêtant devant elle.

Sa soeur leva tout juste le nez de son téléphone pour esquisser un rapide sourire, puis entra dans une voiture suffisamment large pour accueillir le matériel de l'adolescente. Elle se plaça au volant tendis qu'Ariel bataillait pour s'installer dans le véhicule. Esmeralda se chargea de ranger le fauteuil de le coffre avant d'embrasser son amie sur le front.

_ Tu m'appelles ce soir si tu n'arrive toujours pas à dormir, ok ?

Ariel opina du chef.

_ Avec un peu de chance les calmants qu'on m'a donné m'empêcheront de faire des cauchemars.

Esmeralda tourna ensuite les talons et Alana démarra la voiture. Le début du trajet se fit dans le silence le plus total. Ariel eu beau se dandiner pour trouver une position confortable, elle se sentait toujours aussi mal. L'ambiance pesante n'aidait en rien à la calmer. Depuis son accident, ses relations avec ses six sœurs étaient tendues. Plus aucune d'elle ne lui adressait la parole, bien qu'elles aient été très proches auparavant. Même leur père n'était plus aussi présent, perdu dans le tourbillon de son travail.

_ Comment s'est passé ta journée ? Finit par demander l'adolescente pour tenter de briser la glace.

_ Bien, répondit sèchement Alana. Tu seras toute seule ce soir, je pense que papa ne rentrera pas avant minuit, et les filles ont toutes quelque chose à faire.

_ Sebastien restera avec moi ? Interrogea la
plus jeune d'une voix presque implorante.

_ Peut-être.

Après cet échange palpitant, Ariel se tourna vers la fenêtre et posa son front contre la vitre. Heureusement que leur majordome était là pour lui tenir compagnie. Lui seul savait la faire rire comme avant.

Si son accident lui avait coûté ses jambes, il avait coûté la vie à leur mère. Ariel était persuadée que sa famille la tenait pour responsable, que son père détestait l'idée que sa fille ai survécu tandis que sa femme avait succombé à ses blessures.

Ariel aurait donné tout ce qu'elle avait pour revenir en arrière et empêcher sa mère de monter dans ce jet. Chaque nuit, elle revivait ce tragique événement, espérant pourvoir la sauver. Chaque matin elle se réveillait en sueur, convaincue d'avoir réussi, uniquement pour se rendre compte que tout cela n'avait été qu'un rêve. Uniquement pour se rendre compte qu'elle était toute seule.

Les Princesses pas si charmantes...Where stories live. Discover now