2. Celle qui volait une pomme

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Son pouce roula sur le briquet et la flamme qui s'en échappa embrasa l'extrémité d'une cigarette. Elle en aspira une pleine bouffée tout en observant discrètement les portes de l'Institut Molière s'ouvrir sur la pire sainte nitouche que le monde ai porté : d'énormes lunettes rondes, un pull blanc informe qui tombait sur un jean trop grand et des cheveux bruns attachés en chignon haut.

La fumée s'échappa de ses lèvres étirées en sourire amusé et se répandit en volute autour d'elle. Ses bracelets s'entrechoquerent en un tintement mélodieux qui ne parvint pas à ses oreilles. La sainte nitouche repartit comme elle était arrivée : en bus. Tandis qu'il s'éloignait, la jeune fille sortit de son sac de marque un portable et pianota frénétiquement dessus. Puis, elle le porta à son oreille :

_ Esmée ? Demanda une voix aiguë à l'autre bout du fil. Je vais arriver à mon rendez-vous alors fais vite pour une fois.

_ Je me suis fais cramée en train de m'envoyer en l'air avec Commel, lâcha la jeune fille tout de go.

Le silence retomba aussitôt, un silence qui manqua de provoquer un fou rire à l'adolescente.

_ Putain... Souffla son interlocutrice, tu déconnes j'espère ? Tu couches encore avec lui ? Mais par qui tu t'es fait voir ?

Esmeralda se mordit la lèvre inférieure pour s'empêcher de rire. La réaction de son amie était au-delà de ses espérances.

_ Je sais pas, une nana qui va se retrouver en cours avec nous à la rentrée je crois. On étaient dans la classe de littérature et on est tombés sur Marret dans le couloir.

Alors qu'elle terminait sa phrase, une petite porte dérobée de l'institut s'ouvrit pour laisser passer la silhouette musclée de son amant. L'homme passa une main dans ses cheveux blonds qui touchaient presque ses épaules. En apercevant sa démarche sérieuse, son air légèrement nerveux, Esmeralda se sentit fondre.

_ Ariel, coupa-t-elle brusquement, il faut que je te laisse.

_ Quoi ? Protesta son amie. Non mais attends, Esmée ! Fais pas de...

Mais l'adolescente avait déjà raccroché. Le professeur posa alors ses grands yeux bleus sur son élève. Après rapide coup d'œil autour de lui, il traversa pour la rejoindre en allongeant sa foulée. Dès qu'il arriva à sa portée, Esmeralda fit courir ses ongles le long de sa chemise qu'il avait mal reboutonnée. Puis, elle déposa un baiser appuyé à la base de son cou, en remontant de plus en plus.

_ Je crois que nous avons fais une grosse bêtise Monsieur Commel, susurra-t-elle en mordillant le lobe de son oreille.

Mais le professeur l'arrêta dans son élan en saisissant ses épaules. Esmeralda recula le menton et braqua ses yeux verts émeraude incrédules dans les siens. L'homme agita alors sous son nez un livre sur lequel elle pût lire : Notre Dame de Paris, de Victor Hugo.

_ C'était une mauvaise idée, finit-il par trancher. Je me retrouve contraint de voler les bouquins d'une gamine, de mentir et de sueur à grosses gouttes chaque fois que je croise Victoria. Ça ne peut plus durer, Esmée...

Les sourcils de la jeune fille se froncèrent. Sa bouche se tordît d'un rictus mêlé de peur et d'incrédulité.

_ Tu me fais marcher Phoebus ? Murmura-t-elle sur un ton léger avant de reprendre ses caresses. Je sais que tu serais incapable de te passer de moi...

Mais il la repoussa derechef, avec plus de force cette fois. Un voile de tristesse passa dans ses prunelles. C'est toujours les yeux qui expriment le plus le déchirement. En voyant cela, Esmeralda comprit qu'elle ne pourrait plus rien faire. Phoebus avait prit sa décision, irrévocable et définitive. Il ouvrit la bouche pour lui expliquer, mais elle le devança :

Les Princesses pas si charmantes...Where stories live. Discover now