7. Celle qui provoquait un esclandre

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Les élèves entrèrent en masse dans la petite salle de classe. Esmeralda observa discrètement la nouvelle se frayer un chemin parmi ses nouveaux camarades avant que le professeur ne referme la porte. Belle alla déposer ses affaires sur une table au premier rang, sur le côté tandis que les autres optaient pour leurs places habituelles. Au milieu, comme la reine qu'elle était, Blanche avait réuni sa meilleure amie Aurore et son petit ami Adam comme une véritable clique. Esmeralda haussa les épaules avant de s'assoir non loin d'Ariel, une des rares filles de la classe qui lui adressait encore la parole.

Phoebus, leur professeur principal, se posta derrière son bureau pour faire face au parterre d'élèves. Une fois le calme installé, il écrivit la matière qu'il enseignait sur le tableau noir : Littérature. Esmeralda tenta de capter son attention en le fixant intensément. Peine perdue. Depuis qu'ils avaient rompus, il ne lui adressait plus la parole, ne répondait a aucun de ses messages. Encore une fois, ce sentiment d'abandon que la jeune fille détestait tant lui serra la poitrine.

Elle sortit son cahier ainsi qu'un stylo bille. Ariel se pencha dans sa direction :

_ Tu lui as parlé ? Murmura son amie en arquant un sourcil.

Esmeralda secoua négativement la tête.

_ Bien, commença monsieur Commel avec un air sérieux, cette année marque un tournant décisif dans votre parcours scolaire. Vous allez choisir votre spécialité. Je sais que parmi vous, beaucoup se sentent l'âme de scientifiques. Si l'Institut Molière se détache pour son département de sciences, elle est aussi très connue pour sa filière littéraire. Vos résultats dans ma matière seront donc scrutés si vous souhaitez poursuivre dans cette voie. Combien parmi vous veulent faire une première L ?

Quelques mains timides se levèrent. Il n'y en avait pas beaucoup. Sans surprise, Blanche Pommery affirma devant tous les autres un choix qui n'était inconnu de personne. Esmeralda pivota vers la petite nouvelle, Belle, et constata avec une surprise amusée qu'elle aussi avait levé son bras.

Même si les choix d'avenir de l'adolescente n'étaient pas arrêtés, elle voulait plus que tout attirer l'attention de leur professeur. Elle fit alors surgir sa main du bureau, et la pointa haut dans les airs. Son acte fit mouche. Les yeux bleus de Phoebus se posèrent sur elle avec un léger mouvement de recul. Elle pu y lire de la stupeur qui grisa la jeune fille.

_ Parfait. Ceux qui entreront en L seront assuré de m'avoir comme professeur, mais pour l'instant, voyons un peu ce que nous allons faire cette année. Nous étudierons quelques oeuvres majeures de la littérature française. Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, mais aussi Madame Bovary, et le deuxième semestre sera consacré aux philosophes des lumières. Vous aurez des épreuves groupées juste avant les vacances de Noël et de Pâques. Je vous conseille vivement de commencer à travailler régulièrement dès maintenant.

Durant le restant de l'heure, monsieur Commel leur présenta leur programme avant de commencer à étudier la première oeuvre : Notre-Dame de Paris. Esmeralda adorait cette histoire. Une des rares qu'elle ai d'ailleurs jamais lu. Elle n'était pas vraiment une grande lectrice, mais ce récit l'avait profondément touchée.

Quand la sonnerie retentit, l'adolescente eut un pincement au coeur. Elle aurait aimé rester en compagnie de Phoebus plus longtemps. Ses camarades rassemblèrent leurs affaires avant de se mettre a discuter bruyamment. Tandis que l'attention de tous était focalisée sur Blanche et ses péripéties de l'été, Esmeralda se leva de son siège et rejoignit leur professeur principal. Elle posa ses mains sur le bureau en mettant en avant son décolleté pigeonnant. Un sourire enjôleur se peignit sur son visage d'ange, ce qui sembla décontenancer monsieur Commel.

_ Qu'est-ce que tu fais ? Souffla-t-il d'une voix alarmée.

_ Quoi ? Je ne fais que venir poser une question à mon professeur, rétorqua-t-elle calmement.

_ Arrête de plaisanter avec ça. Je pourrai être viré si on remarquait quelque chose. On s'est déjà fait voir, tu veux vraiment prendre ce risque ?

Avec un regard rapide en direction de Belle, Phoebus attrapa sa mallette et enfila sa veste, prêt à sortir. Esmeralda lança un coup d'oeil vers la nouvelle et constata qu'elle les regardait. Quand elle se sentit observée, la jeune fille détourna la tête et fit semblant d'être absorbée par la suite du roman qu'ils venaient de commencer. 

_ Ca suffit, souffla-t-il en faisant un pas vers la porte, maintenant je ne veux plus que tu viennes me voir. Si tu as des questions, pose-les a tes amis. Je suis sur qu'ils seront ravis de te répondre.

Sur ces mots, il sortit de la salle de classe, laissant les élèves livrés à eux-même jusqu'a l'arrivée du prochain professeur. Esmeralda se retourna pour faire face au visage austère de Blanche. Elle ne l'avait pas vue arriver. Son ancienne amie lui jeta un regard assassin qui fit frémir l'adolescente.

_ Les garçons du lycée ne te suffisent plus ? Lança Blanche d'une voix forte. Maintenant il faut que tu t'en prennes aux professeurs ?

_ Je ne faisais que lui poser une question, rétorqua vivement Esmeralda sur la défensive.

La reine de Molière laissa échapper un ricanement moqueur qui glaça le sang de sa proie.

_ Tu crois vraiment que je suis naïve à ce point là ? On sait tous très bien ce que tu es : la pire des traînées.

La réaction d'Esmeralda fut immédiate : sa main vola et alla gifler la joue immaculée de son adversaire. Toute la classe retint un hoquet de surprise. Blanche tourna la tête et porta sa main à l'endroit de l'impact, qui commençait déjà à rougir. Elle ouvrit légèrement la bouche, prête à répliquer, quand Ariel l'arrêta en faisant rouler son fauteuil pour s'interposer.

_ Arrête Blanche ! Tu ne sais pas de quoi tu parles.

_ Ce que je sais, c'est que cette histoire ne tardera pas à tomber dans les oreilles de la directrice. Si je n'ai pas pu te faire payer pour ce que tu m'as fait, sois certaine que ça tu vas le regretter pétasse...

Sur ces mots, elle tourna les talons et partit rejoindre son groupe. Aurore se précipita vers elle pour s'enquérir de son état quand Ariel pivotait vers son amie.

_ T'es malade ? Chuchota-t-elle. Tu sais très bien qu'elle est a fleur de peau, alors pourquoi la provoquer ?

_ Je ne l'ai pas provoquée, c'est elle qui m'a insulté je te signale. Elle campe sur ses positions depuis l'histoire du diner en blanc. On étaient amies et elle ne m'a pas crue, je ne veux plus rien avoir a faire avec elle et sa stupide clique.

Alors qu'elle terminait sa phrase, la porte s'ouvrit sur une femme a l'embonpoint prononcé. Elle fit signe aux élèves de rejoindre leurs places. De retour a sa table, Esmeralda échangea un rapide coup d'oeil avec Belle, visiblement choquée par ce qui venait de se passer. Elle devrait s'y faire. Ce genre de scène était monnaie courant à Molière.

Les Princesses pas si charmantes...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant