quarante et un ✵ balcon

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Tout changea. Je tournai en rond dans le couloir, une journée et demie après le fameux "Oscar". La fièvre avait chuté et j'allais bien mieux. La mâchoire crispée et le corps tendu je travaillais ses mots avec attention. Je sentais quelque chose de sombre, mauvais et tragique émanait de ce nom et c'était horripilant.

Elle avait l'air souriante, lisant des bouquins dans son fauteuil avec la couverture couvrant son joli corps relié. Quelques fois je la voyais rêvasser, cligner des yeux avidement en s'accrochant désespérément du regard au vide et en écoutant des chansons des années 70.

Je passais mon temps à glisser sur les pistes près de Théodore qui avait du mal à déraper sans tomber dans la poudreuse. Moi je pensais à elle, à ma vie et 100's.

Ma-ry-lin, fille avec qui j'avais rompu et qui avait sûrement un lien étroit avec Chrystal. De l'amitié passée? Aucune idée. Mais j'avais besoin de savoir, connaître certaines réponses avant de me poser d'autres questions et comprendre ce que voulait dire ma tempête rouge.

Sur le coup, j'étais perdu dans mes interrogations et la sagesse de ma mère me manquait. Elle me manquait en réalité. Je n'avais plus 12 ans et à mon grand étonnement, ma mère arrivait à creuser un vide en moi.

On partait demain matin, ce soir Chrystal allait rendre visite à une sorte de cousine éloignée et Duke avait envie de refaire une soirée comme pour Noël. Les cadeaux de Théodore et Chrystal n'avaient pas encore été ouverts, fallait que je le fasse une prochaine fois.

Une nouvelle année, une addition à faire, des recherches plus variées et un vide moins prenant, c'était mieux, j'évoluais. Je fus réellement surpris par ce fait, cette évolution.

Pour moi, le nouvel an avait toujours été un prétexte pour avancer dans le temps, pour se cacher de ses erreurs et tenter de se montrer moins con. Pour d'autres, c'était une chance de renouveau, un nouveau départ.

Cette année m'avait permis de voir le monde d'une façon légèrement moins fade. Et cette perception nouvelle m'ouvrait de nouvelles portes, me permettait de mûrir et grandir dans une nouvelle objectivité profonde.

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Mon frère était déchiré, avec ses bouteilles de vodka à la main et ses joues rougies. Demain il aura l'air moins content avec le mal de crâne qu'il possédera. Théodore devait sûrement être en train d'appeler Isabelle, c'était mignon. Il avait l'air de vraiment tenir à elle.

Les gens criaient le décompte alors que je fumais seul ma clope sur le balcon. Les feux d'artifices firent écho aux « bonnes années » hurlés partout derrière moi.

Les invités se pressèrent de sortir près du lac, criant de joie à la vue des lumières luisantes parsemant le ciel. J'hésitai à fumer une seconde clope, la première de cette année. Mais je devais réduire ma consommation coûte que coûte.

J'entendis soudainement la porte coulissante glisser et je me retournai. Diana, une roulée entre les lèvres, s'allumait sa clope avec un briquet. Je l'ignorais.

Elle déplia une seconde chaise avant de s'installer un peu plus loin. Ce fut tout d'abord un silence pesant accompagné des éclats de rire du monde. Puis, elle se tourna vers moi avant de me passer sa roulée, me proposant une taffe.

Je l'acceptai avec hésitation.

- Est-ce que je peux te poser une question ? Demandai-je en lui rendant la clope.

Elle marmonna un bref « non ».

Diana avait des cheveux blonds attachés, le menton fin et les lèvres fines qui tiraient vers le haut quand elle fronçait les sourcils. Ses sourcils se froncèrent quand j'insistai en lui posant la question qui me tenaillait :

- Quel est le rapport entre Chrystal et Marylin ? Si tu es sa meilleure amie, tu dois tout savoir d'elle non?

Elle soupira, me lançant un regard sournois.

- Franchement ce n'est pas bien de fouiller dans les histoires tordues de Chrystal. Surtout de cette orgueilleuse Marylin... Remarqua-t-elle avec un petit rire moqueur.

Je la foudroyai du regard, les sourcils froncés, les pieds au sol et le cœur lourd.

- Tu sais, faut pas chercher trop loin... Me demander pour essayer d'aboutir à la vie de Chrystal, c'est carrément stupide. Tu n'as qu'à juste lui demander la vérité, à ta copine ou ton ex. Oh ça sonne bizarre. Continua-t-elle en s'étouffant légèrement avec sa fumée.

Pensait-elle vraiment que cela pouvait être aussi évident et simple? Marylin ne me parlait plus et Chrystal n'avait pas l'air prête à aborder le sujet.

- Tu te fous de ma gueule ? Interrogeai-je les yeux dans le vide.

Elle répliqua par un simple haussement d'épaules. Le silence revint mais elle reprit de plus belle :

- Je te vois venir. Tu vois Aris, Chrystal question mecs, n'a pas beaucoup d'expériences. Elle est comme moi d'habitude, relations d'un soir comme on dit. En fait non elle déteste ça, c'est surtout moi qui la force à fréquenter des gars à la place de se défoncer en joints comme l'année dernière. Oh tu ne le savais pas, dommage... Mais depuis quelques temps, elle adore les mecs dans ton genre, paumé, abstrait. Mais au fond tu le sais aussi, t'es un gros naze et tu ne la mérites absolument pas. Une pourriture de la nature qui se cherche et qui ne donne aucun sens à sa minable existence. Tu dois sûrement dégoûter des gens. Avec tes clopes qui te donnent un semblant de « style » et qui font croire aux autres que ce sont des échappatoires miniatures que tu fumes par besoin. Ridicule. T'es ce genre de paumé qui se cherche comme s'il pouvait laisser la recherche de buts pour un autre jour. Tu ne te trouves toujours pas hein. Tu essayes de cerner le monde qui t'entoure sans te cerner. Tu veux le « bonheur » de ceux que t'aiment et le « malheur » des autres, et surtout le tien. Tu me détestes n'est-ce pas ? Évidemment que oui. Pimbêche, chiante, peste, tout ce que je suis. Mais tu ne vois pas que l'image que tu fais paraître ressemble trait pour trait à la mienne ? Blasé, égoïste et fatiguant. Tu te sens supérieur au monde qui t'entoure, pourtant tu es si rude et terne. T'es un monde sans couleur Aris. Vide, oh oui tu es vide. Tu dois juste creuser pour comprendre comment changer tout ça. Monologua-t-elle d'un ton glacial.

Comment faisait-elle ? Commenta arrivait-elle à me cerner ainsi ? Je ne comprenais pas.

Elle finit :

- Tu te demandes comment ça se fait que je peux lire en toi ? Parce que je suis pareille que toi. Chrystal ne peut pas te comprendre et te voir comme tu es. Tu es son héros. Pour moi, tu es juste un mec piteux. Je te vois comme t'es, un sale con snobe, et c'est bien dommage. Je fais face à mon reflet masculin dans un pauvre miroir brisé. Tu es fichu tout comme moi, une âme errante. –Elle inspire bruyamment- Et non je ne me fous pas de ta gueule connard.

Ce fut à partir de ce soir-là, l'esprit embrouillé sur ce balcon, que Diana devint une amie, une confidente et rapidement, ma meilleure amie.




Trente minutesWhere stories live. Discover now