3. Croquis

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L'hôtel était somptueux. Littéralement, j'avais sauté des milliers de fois sur le lit qui était gigantesque et les repas étaient grandioses. Ma mère avait fait un excellent choix, même si je l'avais engueulée au téléphone en lui disant que ce n'était pas raisonnable. Tout était beau et Lauren avait raison pour les iPod et le spa. J'avais visité les alentours aussi, j'avais aussi écrit et cela faisait maintenant trois jours que j'étais à Londres. Je dormais comme une princesse.
Le quatrième matin, en me séchant les cheveux, j'entendis le téléphone de ma chambre sonner. Même si je n'avais aucune idée de qui ça pouvait être, je décrochais quand même.
-"Good morning Mrs Cabello. You have a call from Mrs Jauregui, would you like to take it?"
-"Oui! Euh, yes"
J'entendis une détonation.
-"Allô? C'est Lauren."
-"Bonjour, Lauren."
-"Ça va? Je t'appelais pour savoir si tout se passait bien."
-"Oui, tout est parfait. Merci d'y avoir pensé! Et toi?"
-"C'est normal et tout va bien ici."
-"Tant mieux."
Il y eût un blanc. Lauren fut la première à reparler.
-"Tu veux qu'on se voie aujourd'hui?"
-"Ouais!! Ça serait super, tu veux qu'on fasse quoi?"
-"Hm...Tu veux venir chez moi? Je suis encore au lit, j'ai la flemme de bouger."
-"Ok pas de problème. J'appelle un taxi et j'arrive."
-"D'accord, je vais essayer de me rendre présentable pendant ce temps là. Y a environ 30 minutes de trajet entre Barbican, ton quartier, et Convent Garden."
-"J'en avais aucune idée, merci pour le tip."
-"De rien, est-ce que t'as déjà pris ton petit déjeuner?"
-"Nah. Mais je peux commander ici et l'apporter chez toi, si tu n'as rien pris."
-"Je viens de me réveiller. T'es un génie. À tout à l'heure, Camila." répondit-t-elle avec douceur.
-"Bye, Lauren."
Elle raccrocha et je commençais à m'habiller. Je ne savais pas comment. J'avais pourtant toute ma garde-robe. J'optai pour le plus simple mais c'était quand même un petit peu sophistiqué. J'appelai un taxi et le room service pour commander un petit déjeuner, que je demandais à emporter.
Une fois que j'avais tout récupéré et que le taxi était là, je partis.

Le coin où habitait Lauren était charmant. Tout était en pierre, toutes beiges et c'était très mignon. Il y avait une église, une place (comme elle me l'avait dit), un Ladurée, un Barkley et un petit marché dans une galerie appelé Apple Market. Je me demandais si elle allait m'emmener visiter un de ces jours. Je sonnai à son interphone et elle ouvrit. Elle habitait au dernier étage.
-"Coucou!" dis-je en lui faisant la bise.
-"Salut, Camila."
Elle n'était pas maquillée mais elle était quand même magnifique et elle avait les cheveux attachés. Elle portait une combinaison prune et ses pieds étaient nus. Elle sentait encore plus bon que l'autre jour. En entrant, je découvris la beauté de son duplex. Tout avait l'air d'avoir été pensé par elle, et tout s'accordait parfaitement. Les sofas étaient verts, en velours, les coussins restaient dans une gamme de dorés qui allaient avec le brun clair et l'ocre des murs, des poutres et des tapis. Il y avait des toiles, partout, elles étaient sublimes. Son trait était très fin, très réaliste. Elle peignait très bien ce qu'elle voulait représenter et je la félicitai.
-"C'est incroyable. Si tu m'avais dit que tu peignais aussi bien, je serais déjà venue, pourquoi es-tu si humble?" demandais-je en posant mon sac sur un des sofas.
-"Merci infiniment. Je n'aime pas me faire mousser, je préfère laisser ce privilège à mes spectateurs." répondit-t-elle ironiquement.
Je ris et elle continua de faire visiter. C'était vraiment très grand. La cuisine était immense, tout comme la terrasse, les salles de bains et son atelier. Chaque mur était témoin d'une de ses œuvres et il y avait des croquis et des feutres ou crayons partout. Une fois dans sa chambre, elle se précipita vers sa table de chevet et me demanda de m'assoir.
-"Je voudrais te montrer quelque chose." m'annonça-t-elle, timidement.
-"Hm?"
Elle me tendit un carnet de dessin, avec un croquis dessiné sur la page en évidence. Il était fait au fusain, et ME représentait MOI, en train de dormir. J'étais choquée de la précision de mes traits, de chaque détail, la moindre parcelle de mon visage était perfectionnée par la main d'artiste de la jeune femme à côté de moi.
-"Mon dieu, Lauren c'est magnifique! Pourquoi ne me l'as tu pas montré à l'aéroport?"
Je lui caressai le bras, touchée.
-"Bah...J'voulais pas passer pour la psychopathe qui dessine des gens en dormant. Mais toi t'as un truc, tu es vraiment très belle quand tu dors." répondit-t-elle sincèrement.
J'avais sans doute rougi à ce moment là, mais je sentais bien que mon cœur devenait fou. Par peur de paraître émue, je reportais attention à son croquis. Je l'examinais et je sentis le regard de Lauren sur moi. Je ne regardais pas, j'avais trop peur de créer une ambiance bizarre. Mais je le fis quand même, je la regardais dans les yeux et y vis de la chaleur, de la tendresse, qui brisait la froideur du vert de ses iris. Elle respirait calmement mais j'avais l'impression de m'étouffer. J'avais l'impression qu'elle me noyait de l'amour qu'elle portait dans ses yeux, et je ne comprenais pas pourquoi elle pouvait m'en porter autant.
-"J'ai...J'ai toujours notre petit déjeuner, Lauren."dis-je en interrompant le silence.
-"Vas le chercher, je t'attends ici."
Une fois de retour, Lauren n'avait pas bougé. Nous mangeâmes, tout en discutant de tout et de rien. Elle me faisait rire et je me sentais bien avec elle. Elle me rappelait la douceur de Paris mais elle me faisait penser à l'esprit vif et l'âme rebelle de Londres. Elle avait dévoré ce que je lui avais apporté, même si c'était froid. Pendant tout l'après-midi, j'en avais appris sur elle, sur son vécu, et je m'étais aussi confiée. Elle était passionnante, pleine de vie et elle était rayonnante, brillante. Il était presque dix-huit heures quand elle me demanda: "L'expo est demain et ... j'aimerais te peindre. Ça ne prendra que quelques heures, on commandera des sushis." Pourquoi aimerait elle me peindre? Étais-je si inspirante à ses yeux? Ne me voyant pas lui refuser cela, j'acceptai et elle en fut ravie, voire comblée. Elle me remercia chaleureusement.  Elle commanda directement le dîner et m'emmena dans son atelier, qui était à l'étage. Elle fila derrière un paravent qui était posé là, comme au hasard, et je l'entendis se changer. Je pris place sur la méridienne qui était dans la pièce.
-"Tu veux que je m'endorme?" demandais-je sarcastiquement.
-"Haha, non, il serait parfait que tu lises ou que tu écrives. J'aimerais peindre la concentration que tu contiens lorsque tu fais ce genre de truc, et de profil, par préférence." dit-t-elle en saisissant son matériel. Elle s'était fait un chignon et portait une longe chemise blanche tachée qui ressemblait à une robe. Elle avait pensé à chaque détail qu'elle désirait peindre. Elle me parla de teintes, de couleurs primaires, secondaires et complémentaires, de lumière et d'axes, j'avais complètement perdu le fil. On sonna à la porte et elle partit payer. Elle revint avec le sac en Kraft.
-"Devine qui s'est faite draguer par un livreur londonien?" me demanda-t-elle, narquoise.
-"Putain j'voulais pas que ça se sache!"
Elle rit et me tendit ma boîte de California rolls et une pile bouquins qui traînait par terre, pour que je pose en lisant. Tout se fît dans un silence phénoménal, et souvent je perdais la ligne que je lisais. Le livre parlait de peinture, et je comprenais un peu mieux ce que Lauren m'avait dit tout à l'heure.
Le temps passa et j'avais fini deux livres déjà.
-"Me voilà Delacroix." dis-je en lui souriant et en posant le livre. J'en pris un autre.
Elle rit doucement et paraissait très concentrée. Elle n'avait presque pas touché à ses sushis et je sentais que l'inspiration fusait en elle. L'inspiration qui la faisait glisser délicatement sur la toile. Etais-je cette inspiration? Lui donnais-je cette énergie dont j'avais aussi besoin? J'avais perdu une part de mon inspiration à Paris mais je la sentais revenir au contact de la ville et au contact de l'artiste. Elle pétillait à travers des couleurs que moi seule pouvais voir et dont j'avais besoin d'écrire les mots. Mon imagination allait faire le reste.
-"Où est-ce que tu trouves cette inspiration, Jauregui?"
-"Je suis altruiste. J'adore l'humain. Le corps, l'esprit, l'âme, la peau. Ça me donne envie de tout mettre en perspective. Et toi, tu es une sacrée humaine. Si je puis mieux m'exprimer, il y a un tas de choses que j'aimerais peindre chez toi."
-"Comme?"
-"Hm...Tu es très séduisante. Tu as des lèvres extrêmement jolies et tes cils sont superbes. Tu as des courbes que je jalouse et tes mains sont fabuleuses." répondit-t-elle avec honnêteté, sans quitter son travail des yeux. Ses mots m'avaient comme transpercé l'estomac. Je demeurai silencieuse, pensive et sonnée. Je ne savais pas quoi dire d'une telle franchise, venant d'une nouvelle connaissance. Elle avait dit ça comme si c'était évident, comme si elle avait attendu durant toute sa vie pour me dire ça. J'étais très flattée.
-"Merci." chuchotais-je.
Elle sourit et continua de peindre.
-"Tu l'es encore plus." ajoutais-je après quelques minutes.
-"De?"
-"Séduisante."
-"Oh, j't'en prie." dit-t-elle, désinvolte.
-"Je te jure! Tu es...parfaite. Même si t'as des traces de peintures sur le visage et les mains, t'es atrocement belle."
Elle me porta attention à ce moment là, enfin. Elle me regarda avec la même tendresse que dans sa chambre, qui avait l'air amplifiée.
-"Merci. Maintenant tais-toi et pose."

// voilà, le chapitre 3. je me mets au quatrième au plus vite :)
-@laurensdeluxe (twi) \\

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