15. Crépuscule

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New York. Ces mots avaient retenti comme un horrible acouphène dans mes oreilles. Ce bruit assourdissant avait été accompagné des lourds bruit de mon cœur. J'avais perçu la peur de Lauren dans son regard transparent. Elle ne savait pas quoi dire, et moi j'ignorais les mots qu'il ne fallait pas que je prononce. Toute la pièce ce mît à peser sur mes épaules et je me sentis peu à peu glisser vers un océan de doutes dans lequel j'allais peut être me noyer. Elle, Lauren, essayait de paraître paisible, comme elle avait l'habitude de le faire. Elle respirait calmement, la main entrelacée avec la mienne et elle avait vu que les cendres de ma cigarette se faisaient grosses, elle la posa dans un cendrier. Je fixais maintenant mon jean, dont le bleu me paraissait totalement flou et incompréhensif. Comme quand vous vous regardez dans un miroir et que la personne en face de vous devient quelqu'un que vous ne connaissez pas réellement.
-"Dis quelque chose, s'il te plaît. J'ai besoin de ton avis." implora la brune, plus inquiétée.
Je plongeai dans ses iris et essayai de réfléchir à la situation. Le métier de Lauren était toute sa vie, mais j'en faisais partie à ce moment là. Comment allaient procéder les choses? J'avais aussi une vie, une famille non loin et de l'ambition. Lauren en avait aussi, et sa famille aussi vivait à côté. Il y avait tout ce petit engrenage parfaitement bien orchestré et Lauren était le grain de sable. Il fallait que je démonte tout et que je replace tout. Impossible de le faire quand le grain de sable s'avère être la personne dont vous êtes amoureux(se) et que vous allez le perdre. Mon cerveau bouillait et malgré mon envie, je ne dis rien jusqu'à que Lauren me redemanda de le faire. Je fermai les yeux.
-"C'est à toi de choisir Lauren. J'ai aussi ma vie en Europe."
J'avais fermé les yeux par peur de voir le choix qui pouvait apparaître au sein du visage de Lauren. Moi? New York? Londres? Qui et surtout, où? Lauren soupirai doucement, en me caressant les cheveux.
-"J'ai pas à choisir. Je veux les deux. Toi et New York."
Je rouvris les yeux, pour découvrir ceux de Lauren qui pétillaient sous une ribambelle de feux verts. Les deux? New York et moi? Ça m'était inconcevable, à ce moment précis. Il me fallait plus de détails et surtout, de sûreté.
-"J'ai besoin que tu sois claire et précise sur tout ça, Lauren. C'est pas petit ce que tu me demandes, là."
-"En gros, ils m'ont dit qu'ils me tiendraient au courant mais que je devais donner une réponse d'ici la semaine prochaine. C'est le job de mes rêves, Camila! Tu te rends compte?! New York, putain. Et en plus on m'offre le job, c'est pas comme si j'avais cherché quoi que ce soit. Et j'aimerais vraiment que tu me suives dans cette aventure, ce serait un nouveau départ pour toutes les deux même si tu viens de commencer le tien."
J'acquiesçai et elle continua à débiter ses paroles de rêveuse.
-"Écoute, je conçois tout à fait que tu aies un peu peur du tournant que ça puisse prendre toute cette histoire. Tu vis pas loin de Paris, t'as un job aussi, une famille et ça fait pas longtemps qu'on se connaît et je sais que nos parents vont nous engueuler mais, réfléchis-y. Je t'aime de tout mon cœur, Cam. Je sais que ça paraît super inattendu, crois moi j'étais sur le cul quand ils me l'ont dit mais suis-moi, bébé."
Mes pensées faisaient des allers-retours de la raison jusqu'à l'amour. Il fallait que je réfléchisse à ce qui pouvait se passer. Pourquoi je le faisais et qu'est-ce que j'allais faire là-bas aussi. Comment est-ce que notre couple allait être. M'adapter, vivre, aimer et rester professionnelle et garder des bonnes racines avec ma famille. J'avais dressé un pour et un contre, mais cela ne servait plus à rien. J'étais jeune et amoureuse et elle, ambitieuse. Elle avait dit ça solennellement, en caressant mes cheveux et en m'embrassant comme si elle essayait de me convaincre, mais elle l'avait déjà fait. Elle avait gagné ma tête, mon cœur et mon esprit une fois de plus parmi tant d'autres et l'adrénaline m'envahit, comme elle avait l'habitude de le faire en présence de la peintre. Je venais déjà de m'embarquer dans un périple solo dans une ville inconnue et j'étais au point d'y mettre à terme pour tout recommencer au bout du monde? Cela ne me ressemblait pas, mais j'adorais ça, je ne pouvais pas m'en lasser, je faisais tout ce qui nous chantait et je n'allais pas m'en passer non plus. J'allais devoir tout expliquer à ma mère et elle n'allait pas réagir comme elle l'avait fait plus tôt. Je devais être aussi convaincante que Lauren, et c'était très dur. Elle m'avait eue. Une fois de plus. Je contemplais son regard amande et pus y voir tout l'amour du monde à l'intérieur. Je pense que les miens aussi rayonnaient de cette manière à ce moment précis, et nos lèvres étaient si près qu'on avait pas besoin de s'embrasser pour se sentir uniformes. Il n'empêche que j'avais envie de prendre encore un peu de cette délicieuse paire. Je le fis et Lauren me rendît le baiser avec encore plus d'entrain.
-"Dis-moi que tu m'aimes." quémanda Lauren, toujours aussi proche de mon visage.
-"Je t'aime, Lauren." dis-je en me penchant à nouveau.
Cela continua plusieurs instants jusqu'à qu'elle me supplie d'accepter.
-"Dis oui, je t'en prie."
Les choses s'étaient amplifiées entre nous, et elle jouait de son charme pour me convaincre mais je jouais avec ses nerfs en faisant mine d'avoir refusé. Je me retirai gentiment de son étreinte et essayai de prendre un air sérieux.
-"Lauren..."
Elle se figea et je sentis son cœur s'arrêter. Elle s'écarta de moi.
-"Tu refuses??"
-"Non!!"
Elle n'entendit pas, se leva et des larmes se formèrent aux coins de ses yeux. Elle avait tout mal interprété.
-"Lauren!! Je suis d'accord, on partira pour New York."dis-je en me levant et en la prenant par les épaules.
Elle s'écroula dans mes bras.
-"J'ai cru que t'allais dire non, j'ai eu tellement peur."
Elle pleurait un petit peu. Je lui caressait le dos en riant. Son téléphone sonna et elle sécha ses larmes pour répondre.
-"Oui?
Bah. J'pensais que je pouvais pas venir?
Oui, oui, elle a accepté. Je te raconterai.
C'est où? Y a qui?
Oh. Attends.
Camila, tu veux sortir avec Frantz ce soir?"
-"Non, mais merci, je dois passer la journée avec ma mère demain, je dois me coucher tôt."
Elle hocha la tête.
-"Bon pour moi. J'arrive dans 30 minutes."
Elle raccrocha.
-"J'y vais seule, ils veulent tous célébrer ma nouvelle offre, je rentrerai pas tard, promis."
-"Prends ton temps, t'en fais pas pour moi."
Elle sourît et m'embrassa sur les lèvres avant de prendre son manteau sur le canapé.
-"À plus tard, bébé."
Je lui embrassai la joue et elle quitta le salon.

Je fus réveillée par des bruits de clés de de talons. Je ne savais pas quelle heure il était, mais je savais que Lauren approchait la chambre. Je m'étais endormie avec la lumière allumée et j'ouvris les yeux pour découvrir Lauren, décoiffée et dépitée. Elle s'approcha du lit, la mort dans les yeux. Je me redressai, elle avait vraiment l'air anéantie.
-"Qu'est-ce qui va pas, Laur?? Qu'est-ce qui s'est passé??"
De là coulèrent des millions de larmes. Elle pleura plus fort que je ne pouvais l'imaginer et je ne comprenais pas pourquoi et je ne savais pas quand elle allait arrêter. Elle pleurait de tristesse, de colère, de désespoir mais elle ne disait rien. J'essayais de lui enlever les mots de la bouche mais elle n'arrivait pas à prononcer une seule chose. Elle ne se calmait pas et j'étais paniquée, effrayée. De plus, elle sentait un peu l'alcool et semblait perdue.
-"Lauren, dis moi ce qu'il se passe, je t'en supplie."
Elle ne dit toujours rien. Qu'est-ce qu'il lui était arrivé?
Elle se leva du lit et tourna en rond dans la chambre, en respirant (suffoquer était plus juste) dans l'espoir de se calmer.
-"Je m'inquiète pour toi."
Elle me regarda dans les yeux.
-"Tu mérites pas ça, Camila."
Sa voix s'était brisée, sur des milliers de morceaux de verres coupants, je sentis une tristesse immense.
-"De quoi parles-tu?"
-"Je te mérite pas, tu m'entends? Je sais même pas ce que tu fais ici, je suis un monstre."
Je pris encore plus peur à ce moment là. Ma poitrine tressautait.
-"Explique-moi, Lauren."
-"Tu vas me détester, je le sais. J'veux pas, je suis amoureuse de toi."
Je commençais à avoir l'impression que mes larmes montaient.
-"Parles."
-"Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça."
-"Tu as recommencé?"
Elle secoua la tête.
-"Non, mais j'aurais préféré faire ça à la place."
Qu'est-ce qu'elle avait fait?
-"Lauren..Dis-moi. Tu me fais tellement peur."
-"J'ai..."
Elle sanglotât encore plus fort, en tombant par terre cette fois.
Je me levai et commençai à craindre le pire. Je la secouai et elle prît son visage entre ses mains.
-"Camila, je me déteste!!"
-"Qu'est-ce qui t'es arrivé, merde?!"
-"J'ai couché avec une fille."
Elle avait dit ça en se couvrant la bouche juste après et en criant, tout en continuant à déverser ses larmes. Quant à moi, j'avais l'impression de tomber d'un gargantuesque précipice. Ou que le sol s'effondrait en dessous de moi. Une indescriptible douleur au cœur suivit et un mal de tête atroce, d'une part dû aux larmes. Je ne sentais plus rien pendant quelques instants et tout ce qui se trouvait autour de moi devint flou. J'entendais Lauren pleurer. Puis une vague de colère, de haine, d'incompréhension m'envahit.
-"Pourquoi t'as fait ça? Pourquoi?!"
-"C'est une de mes exs, je-"
-"Une ex en plus?! Mais tu te rends compte de la gravité?! Je suis pas assez?!"
-"Si, bien sûr que si-"
-"Je te déteste, Lauren. J'comprends pas, comment t'as pu faire ça?! Y a quelques heures tu pleurais parce que tu voulais que je t'accompagne à New York et tu m'apprends que tu as couché avec ton ex?!"
Je ne pouvais plus rien supporter dans mon l'atmosphère, même plus l'air. J'avais envie de partir, pour respirer.
-"Pourquoi ça a toujours été compliqué de t'aimer, Lauren?! Tu penses que c'est facile, franchement?!"
Elle ne me regardait plus, elle avait le visage dans les mains.
-"J'aurais jamais dû te prêter ce putain de briquet, et dire que je t'aime c'est ça le pire, je fais quoi maintenant?! Je te pardonne?! Je pars avec toi, et toi, tu comptes t'excuser?!"
-"Je peux pas m'excuser, c'est pas pardonnable."
-"Donc quoi?! C'est fini?!"
Elle hurla que non et on se cria dessus pendant des heures. Du moins, je lui hurlais dessus et elle essayait de répondre. Je pleurais et elle n'avait pas arrêté. J'avais perdu la notion du temps, j'étais épuisée. Qu'allais-je faire? Il m'était impensable de la pardonner sur le moment et surtout de la perdre. Tout allait trop vite et trop lentement, comment pouvais-je réfléchir? Je ne savais pas quoi faire et j'ignorais comment elle avait pu me faire ça? Je l'aimais tellement, que ça faisait mal. Ça faisait peur de souffrir comme ça et de se sentir trahie, salie et laissée pour contre. Qu'avait cette fille en plus de moi? J'avais le cœur de Lauren, si je suivais bien les choses. Mais elle? Quel sort avait-elle jeté sur ma petite amie? J'avais l'impression de devenir folle dans la chambre qui se rétrécissait et mon corps n'avait tout simplement plus la force de supporter la situation. Qu'allait-elle faire de moi? Où allais-je vivre? Allais-je la pardonner? Allais-je vivre avec elle aux États-Unis? Je me posais énormément de questions mais la rage m'empêchait de voir les réponses. Peut être qu'elles n'existaient pas. Pas pour l'instant. J'étais anéantie. Elle avait l'air de s'en vouloir vraiment mais je n'en prenais pas considération. Elle m'avait plus que blessée et elle devait réparer chacune des lésions. J'étais partie sur le balcon fumer et elle ne m'avait pas suivie. Quand je retournai dans le couloir pour dormir dans une autre chambre, je m'aperçus qu'elle était partie. Elle n'était nulle part et je n'eus même pas envie de la chercher. J'étais dégoûtée et drainée. Je me retrouvais face à moi même, face à une situation que je ne pouvais pas maîtriser. Cet amour était de trop.

                   FIN

ÉvidenceWhere stories live. Discover now