10. Berceau

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Lauren m'avait déposée chez Mrs Price vers dix-huit heures. La jeune mère allait partir toute la semaine jusqu'au week-end d'après et j'étais payée neuf livres de l'heure. Mais j'avais vraiment très peur de ne pas assurer. Comme d'habitude. J'avais mon brevet de secourisme et j'avais essayé de m'occuper de ma petite sœur plus jeune, donc j'avais de l'expérience (très maigre). Je savais que je n'allais pas tout foutre en l'air mais être jeune fille au pair du jour au lendemain m'inquiétait un peu. Heureusement, tout le processus avait été simple car Mrs Price était française.

Devant la maison en briques rouges qui se trouvait à quelques rues de Big Ben, Lauren s'arrêta et me regarda. Elle pris ma main et la serra dans la sienne.
-"Ça va me manquer de pas te voir tout le temps. Tu m'oublies pas, hein?" demanda-t-elle en fixant mes doigts.
-"J'pourrai jamais t'oublier. Je t'appelle ce soir."
-"D'accord, j'attendrai. Tues pas ce bébé, je connais pas de bons avocats ici."
Je riais tout en me penchant vers elle pour l'embrasser une dernière fois. Elle prit mon visage dans ses douces mains et l'embrassa en retour, et partout ensuite. Elle lâcha mes joues et entrelaça encore nos doigts.
-"Prends-soin de toi, Lauren."
-"Promis. Allez, vas-y, je veux pas te mettre en retard."
Elle m'avait cette fois regardée dans les yeux, et elle avait l'air un peu triste. Je me penchai encore vers elle pour lui voler un baiser et ré-ouvrai la portière pour quitter la voiture. J'avais déjà mis mes bagages sur le côté de la voiture le temps de dire au revoir à Lauren. En les prenant, je me retournai et fis au revoir de la main à l'artiste. Elle me sourit, secoua sa main et redémarra le moteur. J'avançai vers le portail et sonnai. J'avais attendu à peine une minute avant que Mrs Price sorte de sa ravissante maison. Elle était blonde aux yeux bleus, un classique, et portait des vêtements tout aussi classiques, voire vintage. Elle ressemblait étrangement à Celia Foote dans La Couleur des Sentiments. Sauf que dans le film, c'est beaucoup plus triste. Ce genre de blonde hystérique qui meurt d'envie d'avoir plein de bébés et de réussir ses tourtes. Elle s'avança vers moi en courant et paraissait très contente de me voir.
-"Bonjour, Camila!" dit-t-elle joyeusement.
-"Bonjour, Mrs Price."
-"Oh je vous en prie, vous pouvez m'appeler Charlotte."
-"Comme vous voudrez." répondis-je en souriant.
Elle ouvrit le portail noir et me serra la main. Elle proposa de m'aider à porter mes valises mais je refusai poliment. Elle refermai le portail et je la suivis jusqu'à chez elle. Son intérieur était très anglais. C'était tout en moquette. Il y avait des motifs à fleurs partout et ça sentait le café. Il y avait des grosses valises en plein milieu de l'entrée mais j'entendis des gazouillements de bébé.
-"Suivez-moi dans la cuisine!!"
J'obéis. Dans la cuisine, je découvris son bébé, qui était sur sa chaise. Elle était minuscule et potelée, avait les mêmes yeux que sa mère et les cheveux très clairs, presque blancs. Elle mettait sa peluche dans sa bouche et s'agitait. Mrs Price alla la prendre et lui fis un bisou sur sa grosse joue droite.
-"Regarde Neens!! C'est Camila!!" dit Mrs Price à sa fille. Elle me la tendis et je la pris un instant. Elle était un peu lourde. Je pris son petit auriculaire dans le mien.
-"Bonjour toi."
Mrs Price semblait très contente mais repris la petite pour la remettre dans sa chaise, sans doute pour éviter que je me fasse des crampes. Je remarquai qu'il y avait plein de petites fiches Bristol sur la table ronde. Elles étaient toutes classées par couleur.
-"Bon! Autant commencer très vite car mon taxi arrive dans 20 minutes! Les fiches roses concernent les menus de Nina. Il y a toutes les recettes de chaque repas de la journée. Ensuite nous avons les jaunes! Les jaunes rassemblent les habitudes médicales et pédiatriques. Les vertes concernent les activités que Nina semble apprécier...C'est encore un bébé elle n'en sait rien, vous me comprenez. Finalement, les bleues. J'y ai répertorié pas mal d'informations si vous en avez besoin. La clinique la plus proche, le parc le plus proche, les épiceries ou grandes surfaces les plus proches pour faire les courses. Il y aura aussi d'autres petites notes partout dans la maison. Je l'ai sûrement mentionné mais vous n'aurez pas à faire le ménage, j'ai déjà quelqu'un pour ça."
Sans vérifier si je suivais vraiment, elle se tourna et me montra l'intérieur de ses placards.
-"Conserves, soupes, purées, sucreries, cafés ou thés, épices...Tout est là dans ces placards. En bas ce sont les féculents et les ustensiles. Tous les couverts sont dans les tiroirs et le petit électroménager est dans le grand placard là-bas. Il y aussi un lave vaisselle juste-là et tout ce qui est frais est au frigo. Le grand réfrigérateur est au sous-sol en revanche. Quand vous ferez les courses, pour l'amour du ciel prenez les mêmes marques que moi."
-"Pas de problème."
-"Merci! Il y a un sellier où faire le linge, j'y ai laissé une note aussi, au cas où. Suivez-moi, je vais vous faire visiter!"
Je lui obéis, elle prît son bébé et elle m'emmena au salon, au bureau, à la chambre d'invités qui se trouvait au rez-de-chaussée, au sellier, au sous sol, à l'étage avec deux autres chambres et les deux salles de bain. Elle m'avait tout expliqué dans chaque pièce jusqu'à qu'on entre dans la chambre de Nina. Elle était très spacieuse et avait l'air parfaite pour s'occuper de la petite. Elle me détailla les vêtements, la marque des couches, les tétines. Puis elle m'annonça que Nina avait déjà mangé, que sa couche venait d'être changée et qu'elle attendait d'aller au lit.
-"Si elle pleure la nuit, faites lui un biberon d'eau froide avec de la fleur d'oranger et éteignez son lustre lumineux, ça l'excite. Et si elle persiste, dormez avec elle, j'ai tout installé dans votre chambre."
-"D'accord, votre maison est très jolie."
-"C'est vrai, vous trouvez?! Merci!!"
Son enthousiasme paraissait superficiel mais je la pensais sincère et dès que son départ fut imminent, elle s'assombrit. Quand son taxi arriva, elle quitta douloureusement Nina et me la confia.
-"Bon courage, Camila, et merci infiniment. À samedi matin." dit-t-elle en souriant et en quittant le perron. Quand je refermai la porte, je pris une de mes valises ainsi que Nina dans mes bras pour monter dans la chambre qui m'était destinée. Je répétai l'action jusqu'à épuisement car à force, je réalisai que Nina était un gros bébé. Je la posai dans le berceau qui était collé à mon lit et commençai à défaire mes bagages. Il était à peine dix-neuf heures et en finissant de défaire mes bagages, je remarquai que Nina s'était endormie. Moi qui pensais que c'était dur. Je voulais la déplacer dans son berceau car j'allais sûrement regarder la télé et je ne souhaitais pas la réveiller. Je la pris doucement en dessous de son crâne et de ses petites cuisses et la mis contre mon torse en direction de sa chambre. Je revins dans la mienne et activai le baby phone.

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