L'Institut

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Malgré ses réserves envers le conglomérat pharmaceutique dont dépendait l'Institut Mayer, Wyndt tomba instantanément sous le charme de leur immense parc aux pelouses hirsutes. Des bosquets asymétriques et trois chênes millénaires émergeaient ici et là entre les constellations de pâquerettes. Il posa une main contre le tronc du plus proche avant d'entrer dans l'ensemble de bâtiments austères —froissement de l'écorce sur sa paume, les rainures épaisses comme des stries dans la peau.   

« Vous avez l'accord de confidentialité ? » fut la première chose qu'on lui demanda lorsqu'il se présenta à l'accueil du vaste hall d'entrée. Le réceptionniste prit la peine de vérifier chaque page du document avant de prévenir madame Ward de son arrivée.   

Il dut attendre qu'elle le rejoigne, car on ne pouvait circuler sans laisser-passer dans l'Institut.   

« Vous êtes bien jeune » déclara cette dernière en guise de salut.  

Elle plissa les yeux comme si cela pouvait lui permettre de mieux évaluer ce critère. « Vous êtes sûr d'être à la hauteur ? On ne vous confie pas n'importe qui. »  

Wyndt éluda la question par un bref rappel de son curriculum et demanda comment elle comptait procéder.  

« On va monter dans sa chambre. Vous avez lu son dossier ? » Il opina du chef. « Dans ce cas vous savez en théorie comment composer avec ses particularités ; mais la théorie n'est pas la pratique. Suivez-moi. »  

Elle ne lui laissa pas le temps de réagir et lui tendit un badge visiteur qu'il épinglait tout juste alors qu'elle arrivait déjà au pied de l'ascenseur. « Les enfants prennent l'escalier, sauf ceux qui n'en n'ont pas la capacité, bien sûr... mais les visiteurs n'ont accès aux bâtiments que via l'élévateur, et accompagnés. Si vous vous perdez, vous serez coincé à l'étage ; attendez-moi près de la cabine. »  

Il n'y avait aucune raison de se perdre.  

Wyndt ne releva pas et se contenta d'observer tranquillement l'ascenseur, ses boutons, son système de verrouillage, la trappe qui permettait d'accéder à la cage de l'élévateur.   

Ils débouchèrent dans un couloir rectiligne, à gauche d'un accès coupe-feu fermé et probablement verrouillé. Sur leur droite, des portes de différentes couleurs s'alignaient en symétrie dans les murs.   

Wyndt croisa les bras en avalant sa salive. « Sa chambre est là ? »  

— C'est la porte blanche, expliqua madame Ward en la désignant d'un geste. Selon nos études, il est plus efficace d'identifier une porte à sa couleur plutôt qu'à un nom. Pour certaines personnes les motifs fonctionnent mieux, mais nous l'avions déjà appliqué à un autre couloir.    

Elle vint badger à l'extérieur de la seule porte blanche, tout de même étiquetée « ALBÂTRE » ; cette dernière s'ouvrit sans bruit mais Wyndt se tendit quand même.   

La chambre était vide.   

— C'est l'heure du déjeuner, expliqua madame Ward. Il aime rester dans le parc quand il fait beau. Nous irons le rejoindre tout à l'heure.   

Wyndt referma la porte derrière lui. Son battant comportait une poignée mais pas de serrure à l'intérieur, ce qui accru encore son malaise. « Il sait qu'on doit venir ici ? »  

— Je vous ai récapitulé ses horaires dans le dossier ; la qualité et la quantité de ses repas sont calculées d'après eux donc soyez gentil de ne pas les modifier et de bien suivre nos recommandations.  

L'un des murs n'était qu'une longue série d'étagères peuplée de vêtements gris, avec une tringle où pendaient deux manteaux au-dessus d'une paire de chaussures. Ward attrapa une série d'objets qu'elle jeta au fur et à mesure sur le lit étroit collé contre le mur adjacent. « Voici le plus important. »  

L'Eau viveWhere stories live. Discover now