Brouillard

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Sael eut la chance de ressentir une telle douleur en tombant sur son bras qu'iel ne pu même pas crier. Iel resta un long moment à terre à trembler de tout son corps, mais l'essentiel était fait : iel était dehors.

L'esprit embrumé par la douleur, iel remis ses chaussons et se servit de la bande de tissu qui lui restait pour improviser une attelle. Iel ne se sentait pas en état de porter la couverture et l'abandonna dans l'herbe.

Après tout, le drapeau blanc de ses draps qui s'agitait mollement à la fenêtre signalait déjà très visiblement sa fuite.

N'ayant pas accès à la clef des véhicules motorisés de la cour, et trop affaibli pour tenter de retourner dans la maison y voler un vélo, Sael se convainquit que la meilleure solution était désormais de rejoindre au plus vite le bois entre ici et la ville.

Cette petite forêt se trouvait cependant en direction de la route et, si quelqu'un rentrait tôt, ou si l'une des gardiennes se mettaient en tête de sortir ou de regarder par la fenêtre, elle repèrerait probablement la petite tâche blanche courant dans le paysage.

Tant pis. S'iel se cachait près du château, iel n'auraient pas de mal à lae retrouver ; marcher restait sa meilleure option.

Son bras, les parties de son corps qui s'étaient écorchées contre le rebord de la fenêtre ou avaient heurté le sol brûlaient comme une fièvre sourde ; Sael fit de son mieux pour les ignorer et se forcer à contourner la mansion jusqu'à apercevoir sa façade : personne.

Iel hésita quelques secondes, jeta un regard à la forêt lointaine, aux toits minuscules de la ville encore plus petite au-delà.

Puis iel prit son courage à deux mains et se mit à courir.

*

La brume tomba d'un coup, alors que le ciel brillait pourtant très clair ce matin-là.

Le nuage de brouillard blanc s'immisçait dans la fibre de ses habits, avait tout humidifié ; ses chaussons désormais en piteux états s'étaient alourdis et rendaient à chaque nouveau pas un bruit spongieux.

D'un autre côté, Sael apercevait à peine la façade de la mansion qu'iel essayait de fuir.

Les arbres, supposément devant luiel, se perdaient dans la brume.

Iel ne voyait pas très bien où iel marchait, perdit ses chaussons tant de fois qu'iel finit par les tenir à la main pour éviter d'avoir à se baisser encore pour les ramasser dans une ornière.

L'herbe mouillée de rosée avait trempés ses chaussettes. Dissimulé par le brouillard, iel pris le temps d'en ôter une paire pour la nouer au bout de tissu qui tenait son bras en espérant qu'elle sèche.

Courir lui avait donné chaud ; cela faisait des heures qu'iel marchait, faisant de son mieux pour ignorer la douleur lancinante de son bras et de ses côtes. Auparavant, chaque fois qu'iel se retournait, la mansion lui semblait presque plus proche ; mais ne pas la voir ne lui donnait pas l'impression de s'en éloigner d'avantage.

La plaine semblait déserte, silencieuse maintenant que la brume s'y était abattue comme de l'ouate imbibée d'éther ; seul résonnait dans l'espace l'écho désordonné de sa fuite.

Une plaine n'est pas si plate qu'on le croit, et Sael manqua souvent de s'étaler par terre lorsqu'un talus, une pierre instable ou un trou dans les herbes se dévoilaient soudain.

Lorsque la première voiture passa à quelques mètres à peine de luiel dans le brouillard, lentement, la lumière de ses phares se réverbérant sur le nuage, Sael n'eut que le temps de se jeter à plat ventre.

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