8. Orphelins

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Cela faisait maintenant trois jours que j'étais à bord de ce navire. Trois jours que je n'avais pas revu Jaden. Trois jours que j'attendais éperdument que celui-ci me retrouve d'une quelconque manière.

Cela m'étonnait qu'il ne soit pas encore venu à mon secours. Je connaissais assez mon meilleur ami pour savoir qu'il aurait remué ciel et terre pour moi, et c'était pareil de mon côté. Regardant la mer qui s'étendait à perte de vue, j'imaginais que Jaden arrivait soudainement à ma rescousse et me sauvait d'une manière ou d'une autre, comme il savait si bien le faire. Puis, me rendant compte que j'étais pitoyable, j'ai interrompu mes rêveries et je suis allée retrouver Rupert.

Depuis ma «victoire» d'hier soir, les choses ont beaucoup changé. Tout d'abord, j'ai eu droit à un repas. À peine m'étais-je remise du combat que Rupert m'amenait dans la cave pour voir Titus, le cuisinier. En plus d'avoir une odeur particulièrement repoussante, celui-ci avait un surplus de poids — et de poils — et ne semblait pas très sociable. Après m'avoir fixée longuement et avoir grogné que l'heure du repas était passé, il a fini par me donner un pichet d'eau et une galette de riz, ainsi qu'une miche de pain avec une confiture à l'allure suspecte. J'ai remercié Titus et j'ai avalé le tout en moins d'une minute. Affamée que j'étais depuis presque deux jours, ça m'a paru comme le meilleur repas que je n'avais jamais mangé.

Ensuite, quand l'heure du couché est arrivée, Rupert m'a indiqué un hamac inoccupé un peu à l'écart des autres. J'en ai profité pendant que le reste de l'équipage était encore sur le pont pour m'étendre sur le hamac sans que personne ne me dévisage. Pas besoin de spécifier que c'était beaucoup plus confortable que dormir ligotée à un poteau. À peine couchée, le sommeil m'a envahie et même le cri d'Harold ne m'a réveillé, quand il est descendu dans la cave et a vu qu'une fille dormait dans la même pièce que lui.

Bref, l'équipage était généralement déconcerté par le fait que je sois libre sur le bateau. Lorsque je passais à côté d'un groupe de garçons, ils semblaient désemparés par ma présence et s'éloignaient en vitesse de moi. C'est pourquoi je restais toujours en compagnie de Rupert, mon seul ami ici. D'ailleurs, lorsque je lui ai demandé pourquoi tout le monde m'évitaient, il a répondu, en riant :

- C'est normal, ils sont intimidés, tu viens de gagner un duel contre le Capitaine !

Je n'ai pu empêcher mon sourire d'apparaître. Je dois avouer que j'aimais bien qu'ils aient tous peur de moi.

Vers midi, j'ai suivi Rupert dans la cabine du Capitaine, où tout l'équipage se regroupait pour le repas. J'essayais de cacher mon anxiété, que j'ignorais si elle était due au fait que c'était la première fois que je mangeais avec eux ou au fait que j'allais revoir le Capitaine.

Dans la salle, les garçons riaient et bavardaient, en se servant de la nourriture des plats au centre de la table. Rupert est allé s'asseoir à côté d'Isaac et m'a indiqué de venir sur la chaise voisine. En m'y dirigeant, j'ai croisé le regard du Capitaine, au bout de la table, et mon coeur s'est mis à battre à se rompre. Ses yeux me lançaient des éclairs et sa mâchoire était contractée.
Je l'ai ignoré et j'ai pris place à côté de Rupert. Isaac s'est tourné vers moi.

— Je ne devrais peut-être pas dire ça, a-t-il chuchoté, mais tu as été vraiment excellente au combat d'hier. Je crois que c'est la première fois que quelqu'un vainc le Capitaine.

— Merci ! me suis-je exclamée, un peu trop heureuse que quelqu'un, autre que Rupert, m'adresse la parole.

Puis, j'ai ajouté, en indiquant le Capitaine d'un signe de tête :

— Et oui, je crois qu'il ne s'en est toujours pas remis.

Isaac et Rupert ont jeté un léger coup d'œil au Capitaine. Celui-ci regardait dans notre direction et affichait un air haineux. Nous nous sommes retournés en pouffant de rire.

La Voleuse des MersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant