Amnesia

5

J'avais réglé mon réveil pour six heures le lendemain matin, pensant me rendre au labo avant que mon père se lève. J'avais dû l'éteindre par mégarde parce qu'il était déjà huit heures passées quand je me réveillai. Le temps que je descende, mon père était au travail. J'étais presque soulagée ; je ne savais pas bien quoi dire à Ashton.

Mon estomac gargouillait et je glissai quelques tranches de pain dans le grille-pain. Puis j'avalai deux cachets d'ibuprofène tout en me massant les épaules. Que j'aie mal dormi cette nuit n'avait bien entendu pas arrangé mes affaires et mon prochain cours d'autodéfense était dans deux jours. Je suivais ce cours depuis quelques années ; je savais que l'entraîneur n'était pas du genre à m'épargner.

Mais loin de moi l'idée de me plaindre. Quand je quittais la salle, je me sentais en général forte, déterminée et détendue. Je regrettais que les garçons ne puissent me voir, j'aurais aimé qu'ils sachent que j'étais capable de faire autre chose que des biscuits et des diagrammes.

En attendant mes toasts, j'observais par la fenêtre le va et vient des arbres bercés par le vent. Puis une colonne de fumée au loin attira mon attention, et j'aperçu une file de 4x4 noirs sur le chemin de terre menant à la ferme.

Je tressaillis. Connor ! J'avais oublié qu'il venait aujourd'hui. Je précipitai dans ma chambre, enlevai mon pyjama et enfilai un jean, un T-shirt tunisien à manches longues et une paire de baskets. Déjà les véhicules s'avançaient dans l'allée et se garaient là où ils pouvaient. Riley sortit de se voiture en premier ; derrière lui se trouvaient Connor et quelques autres agents.

Les agents encadraient Connor de près. Ce dernier longea la maison et poussa la porte d'entrée sans même prendre la peine de frapper. Je les rattrapai alors qu'ils atteignaient la cuisine.

-Bonjour, lança Connor en me gratifiant d'un sourire plus blanc que blanc.

Connor était grand et beau, charismatique à bien des égards. Il me faisait souvent des compliments que je savais hypocrites.

En principe, j'essayais de l'éviter, le simple fait de le voir me filait la chair de poule. Mais aujourd'hui, c'était différent. Il ne s'était jamais présenté avec une telle escorte. Et encore moins habillé de cette façon.

Les agents portaient des vestes cintrées sombres, rembourrés au niveau des épaules et des coudes, et fermées jusqu'au menton. Par-dessus leur veste, ils avaient un blouson noir épais. A la ceinture de leur pantalon était accrochée une arme à feu. Ils avaient des gants en cuir, rembourrés eux aussi.

En attendant les ordres, ils s'amassèrent entre la cuisine et le salon. Ils étaient huit, sept hommes et une femme. Deux agents par garçon.

Malgré mon insistance, ils refusèrent de croiser mon regard. Ces blousons servaient-ils de gilets pare-balles ? À présent, tous mes sens étaient en alerte.

-Venez avec moi, déclara Connor.

Il conduisit son équipe au sous-sol. Je les suivis en silence, craignant qu'on me remarque et me renvoie.

Riley tapa le code d'entrée et la porte se déverrouilla. Ils entrèrent. J'entendis mon père saluer Connor, puis Riley.

-Arthur, répondit Connor en saisissant mon père par l'épaule. La direction nous a informés ce matin de l'arrêt du projet. On emmène les unités avec nous.

Mon père ne protesta pas. Les agents se répartirent par deux devant chaque cellule tandis que Connor, Riley et mon père échangeaient des murmures dans un coin. Ashton toisa les agents face à lui, les poings serrés. Luke me regarda d'un air paniqué.