La danseuse

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Carte électronique. Tu la sors. Tu la passes. Tu ouvres; mais, pas trop brusquement, pas tant qu'ils peuvent te voir. Referme la porte calmement. Ne t'arrête pas sur le seuil; tu t'y effondrerais. Repasse la carte pour fermer. Avance vers la cuisine. Arrête de trembler. Soulève tes manches: débarbouille-toi vite. Tu as le droit de frotter trop fort, maintenant. Mais ne pleure pas tout de suite. Ta respiration est erratique; arrête. Frotte. Arrête! Tu enfonces la porte du meuble sous l'évier. Ton genou ne répond plus. Mais tu n'as pas mal, jamais. Tu boites jusqu'à la douche. Tu arraches ces vêtements plutôt que tu ne les enlèves. Tu veux les brûler. Tu entres dans la douche: tu aperçois la balafre violacée qui s'étend sur ta jambe, à l'articulation; au-delà, une constellation d'éclaboussures bleues et rouges t'apparaissent sur la réserve de ta peau. Tu augmentes la pression de l'eau; le pommeau crache des trombes trop chaudes. Tu prends le gant, tu frottes, encore. Tu effaces les traces grasses qu'ont laissées les yeux lubriques et les mains moites sur ta peau. Tu insistes, compulsive. Ils ne partent jamais vraiment. Tu lâches le gant. Tes jambes veulent se dérober : tu rejoins le sol. Recroquevillée sous la pluie brûlante, tu supplies les flammes mouillées en silence, qu'elles te purifient. Tu as de l'eau plein les yeux, tu les imagines rougis : comme des balles en mousse, qui s'engorgent et gonflent, tu les presses, et ils pleurent. Tu t'entends : tu espères que la douche enterre le bruit de tes sanglots. Te voilà qui râle et gémit sans discontinuer : arrête. Tu veux hurler. Tais-toi. Continue simplement de chialer en boule, comme une victime : sens toi martyre tant que tu le veux. Mais.

Relève-toi. Éteins l'eau. Sors. Regarde ton reflet. Tu vois : pour ton corps, tout est déjà effacé : il n'y a plus que ton genou qui témoigne, et son bleu se résorbe à vue d'œil. Tu frissonnes ; enveloppe toi. Tu vois : tu t'es calmée. Tu es épuisée. Tu quittes la pièce, lâche la serviette. Tu te fonds dans le lit : pour quelques instants, enfin, tu disparais.

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