Le soupir d'un cobaye

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"-Et bien ? Je n'ai pas eu d'enfance. A quoi t'attendais tu ? Je crois que tu penses me comprendre, n'est-ce pas ? Car tu as souffert, mais tu as aussi couru longtemps, porté par des amours juvéniles, dans de larges champs où l'infini semblait s'offrir sans conséquences. C'est ça, l'enfance, il me semble. Tu l'as eu, elle. Et contrairement à ce que vos cœurs ont longtemps cru, vous ne vous êtes jamais perdus tout à fait. Pour ma part, dès le moment où j'ai inspiré ma première bouffée d'air, j'ai été arraché à toutes formes d'attachement. Je n'ai été entouré que de machines, et de créatures grotesques et masqués, des fantômes qui auraient dû m'effrayer, si j'avais eu quelque espoir : car l'on n'a pas peur quand on a accepté son destin, et l'on ne m'avait pas offert d'autre choix que de l'accepter, ce destin aseptisé, déshumanisé, où je n'étais qu'un pantin, un tas de chair expérimental, un moyen. Ne me plains pas ; je ne me plains pas. Cela m'indiffère. Et c'est le propos : que veux-tu donc que cela me fasse, cette souffrance, comment veux-tu que je sache aimer ? Sache-le maintenant : je ne le peux ; ne me dérange plus sur le sujet, ce serait inutile, rébarbatif, et l'inefficacité m'est aussi pénible que peuvent l'être certains insectes trop collants. J'écrase ces insectes-là."

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