Nuits blanches

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Chapitre 1 :

« Rien de bien n'arrive après minuit » disait toujours Dana.
Moi, à une époque, ça me faisait rire. Je rétorquais qu'on s'était rencontré vers trois heures du matin. « C'est vrai », souriait-elle.

Désormais, je sais qu'elle avait peut-être raison.
Après tout, elle a toujours raison. Je suis le pire évènement de sa vie.
Et elle, assez paradoxalement, c'est de loin le meilleur de la mienne. L'exception qui confirme la règle, j'imagine.

« Rien de bien n'arrive après minuit ».

Effectivement.

Après minuit, il y a eu Fly.

C'est après minuit, lors de cette nuit d'été qui me faisait étouffer, ma vie acommencé à voler en éclat.

Fly, rien que son prénom, c'était du pipeau. En réalité, il devait sûrement porter un vieux prénom bien moche du style Albert ou Matamore.
Il s'était auto-proclamé Fly, va savoir pourquoi. Peut-être parce que ça attire la curiosité, et lui, les regards, il aimait les avoir sur lui.

Alors, on l'appelait comme ça.

Je le connaissais mal, Fly.

Quand je l'ai vu pour la première fois, j'ai pensé, wow, il a l'air d'un ange. Vous savez, pas un ange de cathédrale. Non. Ce n'était pas un enfant de choeur qui se baladait dans une aube trop grande pour lui.
Non, lui, c'était un ange qui sortait des rues mal famées. Un ange aux cheveux un peu trop longs, un peu trop blonds, aux mains un peu trop rugueuses, au sourire un peu trop niais par moment, un peu trop inquiétant à d'autres. Un ange, à la peau caramel, qui passe un peu trop de temps au soleil.

Cet ange un peu étrange s'est approché de moi, ce soir d'été. C'était sur un balcon qui devait faire un mètre carré.

J'avais les mains moites, le front en sueur, un arrière goût de tequila dans la bouche, la nausée et une clope coincée au coin de mes lèvres. 

– T'as pas quelque chose pour moi ? il m'a demandé, en fixant le vide devant lui.

J'aimais bien sa manière d'être désabusé. De fixer le vide d'un air pensif. De bouger inconsciemment la tête, au rythme de la musique absolument nulle, en fond.

J'avais la flemme de sortir la came de mon soutif et je me suis dit que dans l'état où j'étais, je risquais de sortir un téton avec et que ça serait tout de même gênant. Alors, j'ai haussé les épaules.

– Non, pas pour toi.

Cette fois-ci, il s'est tourné vers moi et m'a regardé, perplexe. Il semblait un brin désorienté, et j'ai trouvé ça mignon.

– Pas pour moi ?

– Tu es trop cool pour prendre ce genre de truc.

– Tu es pas censée écouler ta marchandise ? Je veux dire en tant que bonne commerçante, tu serais censée m'encourager à acheter ton stock entier.

J'ai haussé les épaules. J'avais pas envie de parler maintenant.

– Pas ce soir, pas avec toi.

– Pourquoi ? m'a-t-il demandé plaintivement.

Je lui ai jeté un regard rapide.

– Les anges n'ont pas besoin de ça pour aller au paradis, ai-je répliqué.

J'ai vu un éclair d'incompréhension passer dans ses yeux. Je dois dire que je suis restée un instant surprise par ma réponse,puis je me suis dit que c'était carrément bien trouvé.

Sous extasyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant