Nuits noires

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Chapitre 3 :

Le problème de l'été, c'est qu'il y a pas grand monde dans la ville, alors au final, on finit toujours par croiser les mêmes personnes. Plus ou moins toutes les deux semaines, le groupe change. Les uns partent à Malibu, Londres ou en Espagne, les autres reviennent bronzés, du soleil dans les yeux, détendus, le sourire aux lèvres.

Moi, je pars pas. Je pars jamais. Je reste là, et je les regarde d'un air faussement intéressé me décrire leurs hôtel, le sable fin, les lumières sur la plage. Ils m'ennuient, ils m'ennuient tous. J'ai l'impression d'être plongée dans une sorte de léthargie, dans un sable mouvant qui m'étouffe la poitrine. J'attend quelque chose. Un évènement. Une personne. Une idée. Je suis dans cette attente obsessionnelle, insensée.

Dana me manque, j'imagine. Je revois ses yeux brillants de larmes suite à notre dispute. Notre énième dispute. Elle a raison, ça je le sais mais je ne peux pas l'avouer. Cela fait trop mal.
On se dispute toujours avec Dana. On s'excuse jamais. On se retrouve juste. Parce que c'est comme ça. On peut pas, on peut vraiment pas l'une sans l'autre.

C'est fou comment on peut aimer quelqu'un, puis la haïr de toutes nos forces parce qu'on se sent faible, beaucoup trop faible face à elle. On sait qu'elle comprend ce qu'on veut cacher, dissimuler.

- Hey, m'a interpellé Fly en m'attrapant le bras, une semaine après que je l'ai abandonné dans l'herbe.

Je sortais de la maison de Julia, la fille qui avait organisé une petite soirée pour son anniversaire.

- Hey...ai-je répondu.

- Tu vas où ?

-Je rentre chez moi, ai-je dit en haussant les épaules.

- Je t'accompagne.

- Si tu veux, ai-je grogné.

On a marché en silence.

- Tu sembles triste.

- J'aime pas l'été.

- Héloïse, la fille qui n'aimait ni les mots, ni l'été.

- C'est ça.

J'ai refoulé un sourire et ses yeux ont brillé.

- Mais j'aime la peinture et l'hiver, ai-je ajouté.

- Pourquoi l'hiver ?

- Car c'est la saison la plus chaleureuse.

Il a fait une grimace amusé.

-Si tu le dis. Et la peinture ? C'est pas le contraire des mots.

- Ah ?

- C'est le silence, le contraire des mots.

J'ai secoué la tête.

- Le bruit est le contraire du silence.

Il a dodeliné la tête.

- Admettons.

- Pourquoi tu viens me parler ? l'ai-je questionné.

-Tu es pas la seule à t'ennuyer. Et puis tu es marrante.

-Ah.

On me dit pensive, sarcastique, hautaine pour certains, sympa pour d'autres, taciturne, lesbienne, jolie, fêtarde, artiste, cool, pas cool, égoïste, dealeuse, cupide.

Les qualificatifs changent en fonction du temps et des gens. C'est étrange. C'est pour ça que les mots ça craint, parce qu'il ne peuvent pas définir quelqu'un, non, vraiment pas. 

Sous extasyWhere stories live. Discover now