Jour bleu

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Chapitre six :

Dana se tient devant moi. Elle ne m'a pas encore vu arriver. Elle fixe d'un air vaguement intéressé la publicité en face d'elle, les doigts serrés sur son café.

Elle est belle, Dana. Elle a les cheveux auburn légèrement en bataille ramenés dans un chignon, un sweat vert trop grand, un collier noir à son cou. Elle se tient droite, après tout, elle fait de la danse, et ça se voit, oui, ça se voit dans son attitude, dans sa posture, dans son regard qu'elle est décidée, assurée. Elle sait où elle va, elle.

Elle est pas complètement paumée comme moi.

Et elle ignore sûrement à quel point je suis perdue, à quel point je souffre à l'idée de lui avouer que oui, je l'ai trompée, trahie et que non, je ne me suis pas moquée d'elle. Mais je n'ai pas fait exprès, enfin oui, j'ai fait exprès, comment ne pas faire exprès ce genre de choses, mais je ne sais pas comment ça s'est passé, pourquoi et si j'agirais différemment si c'était à refaire.

Je ne sais pas comment expliquer puisque je suis incapable de me comprendre, je veux dire, de vraiment me comprendre.

Je ne sais pas comment on dit ce genre de choses, j'ai même cherché sur internet « Comment avouer à sa copine qu'on l'a trompée par inadvertance ? » puis, j'ai effacé le « par inadvertance » , parce que c'était faux.
J'ai rien trouvé de transcendant, pas de méthodes miracles, pas de situations similaires, pas de youtubeur pour faire un petit tutotoriel, à la manière tuto make-up.

J'ai eu beau me creuser la tête, écrire des lettres, des sms, lui parler dans ma tête, inventer des situations, inventer des mensonges, tenter de dire la vérité, je n'ai pas trouvé, vraiment pas trouvé comment j'allais pouvoir la regarder dans les yeux.

Ses yeux si bruns, ses yeux qui m'ont regardé avec amour, bienveillance, gentillesse, je ne veux pas qu'il me regardent avec haine.
Elle sait où elle va, Dana.

Elle ne se laisse pas marcher sur les pieds, on se fout pas d'elle, je ne me fous pas d'elle. Elle refuse. Je sais qu'au moment où elle comprendra, elle partira. Elle me laissera seule, face à mes erreurs.

J'hésite. Je n'ose pas m'approcher.

Soudain, elle m'aperçoit et me lance un sourire merveilleux, qui fait fondre toutes mes doutes, comme la neige au soleil.

Je traverse la route et elle me court dans les bras.

On s'étreint un instant.

– Tu m'as tellement manqué, elle murmure.

Je ne dis rien, je la serre encore plus.

– Toi aussi, je chuchote.

Et c'est vrai. C'est terriblement vrai. Mais je me sens coupable de l'avouer. Je ne crois pas que j'en ai le droit.

Elle lève le visage et ses lèvres effleurent les miennes. Je reste figée. Il faut que je lui dise, je pense, c'est maintenant ou jamais.

– On va boire un café ? me demande-t-elle, inconsciente des pensées qui tempêtent dans ma tête.

Je hoche la tête. Elle me sourit. J'ai l'impression qu'elle me regarde pour la première fois.

Je me demande si elle sent que quelque chose ne va pas.

J'ai l'impression de la voir pour la première fois, moi aussi. Et je comprend, je comprend vraiment que moi, je l'aime.

Cette idée, cette pensée me frappe tellement que je titube.

J'ai pris ma décision. Je me demande si je ne l'ai pas prise dès le moment où j'ai réalisé ce que je l'avais trompée.

Cela m'arrache presque un sourire tellement je me trouve pathétique. Je vois tous les serpents, tous ces remords qui sifflent autours de moi. Et je fais ce que j'ai toujours fait : je les ignore.
Je me dis que je suis un être détestable, égoïste, menteur et je me hais.

Mais c'est pas grave, je me dis, elle, je l'aime.
Et ça, ça vaut tout les mensonges du monde.

– Café glacé pour moi, murmuré-je en lui rendant son sourire.

C'est maintenant ou jamais, me suis-je dit.
Et j'ai choisi.

Jamais.

Séance n'3 :

- Vous n'avez rien dit ?

- Non.

Le psy a noté quelques mots sur son carnets. Je me gratte la gorge.

– C'était difficile.

Il ne dit rien pendant un instant et rive son regard sur moi.

C'est parfois plus difficile d'être lâche que courageux.

- Vous pensez ?

- C'est à vous de me le dire.

- Vous pensez que je suis une lâche ?

Il soupire.

- Et vous, vous le pensez ?

Je me marre.

- Ah okay, vous êtes vraiment la caricature du psy.

Il a un petit sourire mais ne commente pas.

- Je crois que j'étais incapable de me confronter à moi-même.

Il hoche la tête et gribouille sur son carnet. Je raille :

- Euh. Sinon, vous alignez des fois des phrases à l'oral ou elles sont réservées à votre bloc-note?

En guise de réponse, il sourit et note quelques mots, d'un air concentré.

Note :
Hey ! Merci à tous pour vos commentaires, vos votes et vos lectures ! C'est juste génial que cette histoire vous plaise 💜
N'hésitez pas à me dire ce que vous pensez d'Heloïse, de Dana ou de Fly..(ou même de son psy haha)
Je vous embrasse fort,

BlueCalifornie

Sous extasyWhere stories live. Discover now