Chapitre 4

143 11 0
                                    

  Axelle baissa la tête sur son corps pour voir comment elle était habillée. Elle portait un jean bleu foncé, un pull gris en laine et des chaussettes noires très douces et chaudes aux pieds. Elle était assez présentable pour sortir de sa chambre et aller à la rencontre de ce couple qui semblait si gentil. Elle prit une grande inspiration et ouvrit doucement la porte. Elle découvrit un couloir sombre et sobre, sans décoration, qui se contentait de présenter des portes. Au bout du couloir, elle vit de la lumière. Lentement, elle avança dans le couloir. Elle avait l'estomac serré par la peur. Elle ne savait pas ce qui lui était arrivé, elle ne savait même plus tout à fait qui elle était et elle se trouvait dans un chalet appartenant à des personnes qu'elle ne connaissait pas, au milieu de nulle part.

Elle n'eut pas plus le temps d'avoir peur. Elle déboucha dans une pièce meublée par une cheminée, un vieux canapé en cuir vert, un sapin de Noël sans décoration et une vieille table en bois avec quatre chaises. Toutes les fenêtres étaient recouvertes de ces rideaux bordeaux très épais si bien qu'elle ne pouvait pas voir l'extérieur. Soudain, elle tomba nez à nez avec un homme qui sembla aussi surpris qu'elle en la découvrant. Axelle recula d'un pas et l'homme soupira, l'air exaspéré. C'était l'homme de la photo, il n'y avait aucun doute, mais il était un petit peu plus barbu et plus vieux que sur la photo et il semblait aussi beaucoup moins sympathique. Surtout, Axelle ne voyait sa femme nulle part pour le moment et elle n'était pas rassurée.

- Vous êtes réveillée. » Constata l'homme en s'éloignant d'elle comme si de rien n'était.

Il s'aventura dans son salon et s'arrêta devant le feu, comme si elle n'était pas là, comme si la situation n'était pas étrange et inhabituelle. Axelle pénétra à son tour dans la pièce et le rejoignit, méfiante.

- Qui êtes-vous ? Qu'est-ce que je fais ici ? Pourquoi ma tête est bandée ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Vous êtes seul ici ? Vous pouvez m'expliquer ce qu'il se passe ! » Questionna la jeune femme, paniquée de nouveau.
L'homme la regarda avec un sang froid impressionnant qui frôlait l'indifférence puis lui fit signe de s'asseoir sur le canapé. Axelle obéit, elle était épuisée.

- Je m'appelle Pierre. Vous n'avez rien à craindre, je suis flic, vous êtes plutôt bien tombée. » Commença-t-il sans détourner son regard du feu.
- Ça ne répond même pas à la moitié de mes questions. » Fit remarquer Axelle en se massant les tempes.
- Vous n'avez qu'à me laisser finir, répliqua Pierre d'une voix agacée avant de reprendre, vous avez eu un accident de voiture. J'ai entendu le bruit de votre chute et je vous ai trouvée près de mon chalet. J'ai réussi à vous sortir de votre voiture et à vous réchauffer. Votre blessure au front est superficielle, vous avez dû vous cogner la tête contre le volant de votre voiture durant l'accident.
- Je ne m'en souviens pas ... » Murmura Axelle, la gorge nouée.
- C'est peut-être le choc, ça va vous revenir, ce n'est pas très grave. » Marmonna Pierre en s'éloignant en direction de la cuisine.
- Bien sûr que c'est grave, rétorqua la jeune femme, arrêtant Pierre, je ne me souviens de rien. Tout ce que je sais, c'est que je m'appelle Axelle et que j'ai dix-neuf ans. Je ne me souviens de rien d'autre ! Ce n'est pas normal ! » Finit-elle par s'écrier en se recroquevillant sur le canapé.
Pierre soupira pour la centième fois et revint sur ses pas. Il se planta devant Axelle et attendit qu'elle relève la tête vers lui.
- Je ne voudrais pas vous vexer, mais vous faites vieille pour avoir dix-neuf ans.
- Pardon ? » S'étouffa Axelle face au regard très sérieux du flic.
- Je suis retourné dans votre voiture, histoire d'en apprendre un peu plus sur vous. J'ai trouvé vos papiers. Vous vous appelez bien Axelle, c'est un bon début. Mais vous avez vingt-deux ans et vous êtes journaliste à New-york. » Expliqua Pierre en sortant de sa poche la carte d'identité et d'autres papiers appartenant à la jeune femme pour les lui rendre.
- Quoi ? Ce n'est pas possible je ... Je suis seulement étudiante ... New-york c'est mon rêve mais je viens d'une petite ville perdue dans les montagnes ...
- Écoutez, le choc a dû vous faire perdre un peu la mémoire. Je suis sûr que ça va vous revenir. Ne vous inquiétez pas pour ça. » Reprit Pierre d'une voix trop neutre au goût d'Axelle.
- Ne pas m'inquiéter, répéta-t-elle en riant nerveusement, j'ai eu un accident de voiture, je ne me souviens pas des trois dernières années de ma vie, je suis complètement perdue, je ne sais pas qui vous êtes et si je peux vous faire confiance et vous ne demandez de ne pas m'inquiéter ?! Je veux aller à l'hôpital ! Conduisez-moi à ma voiture !
- Ce n'est pas possible. » Répondit calmement Pierre en la regardant droit dans les yeux.
- Comment ça ?! Vous n'avez pas le droit de me retenir ici ! » Explosa Axelle en se levant d'un bond.
Soudain, sa tête se mit à tourner et elle tangua. Le flic l'attrapa par la taille et l'obligea à se rasseoir rapidement.
- Ce n'est pas moi qui vous retiens ici, reprit-il en s'approchant d'une des fenêtres, c'est cette tempête ! Votre voiture a disparu sous la neige depuis plusieurs heures, la mienne est déjà bien enterrée elle aussi et les routes sont impraticables. C'est bien trop dangereux de sortir de ce chalet pour le moment. Je conçois que vous ne me fassiez pas confiance, à vrai dire, ça m'importe peu. Mais vous n'avez pas le choix, vous devez rester ici. Dès que la tempête se sera calmée, je vous emmènerai à l'hôpital, je vous le promets. Mais si vous sortez, vous mourrez. Alors maintenant, reposez-vous, ce n'est que comme cela que vous pourrez retrouver votre mémoire, et non en paniquant à tout bout de champs ! »

Sur ce, Pierre tira le rideau et quitta la pièce. Axelle, toujours assise sur le canapé, regarda la neige qui tombait à gros flocons dehors et qui commençait déjà à atteindre la hauteur des fenêtres. Bientôt, ils seraient carrément ensevelis sous la neige à cette allure là. La jeune femme prit sur elle et tenta de ce calmer. Cet homme, Pierre, était un homme infecte et sans cœur. Mais il avait raison, elle n'avait pas le choix, elle devait rester ici, se calmer et se reposer. Ensuite seulement, elle travaillerait sur sa mémoire et à l'hôpital, ils l'aideraient très certainement aussi.

Pierre revint dans le salon avec deux tasses de café. Il lui en tendit une et Axelle le remercia bien qu'elle ne l'appréciait absolument pas. Pierre vint s'asseoir à côté d'elle, près du feu et ils restèrent silencieux. Une fois qu'elle eut fini son café, Axelle se rendormit sans même sans rendre compte. Pierre la regarda un instant puis la recouvrit avec une couverture polaire et quitta le salon pour se rendre dans sa chambre.

Il ne pouvait pas s'empêcher de se demander pourquoi le destin lui avait mis cette fille sur le dos. Il était venu dans ce chalet pour être seul, pouvoir boire et pleurer sa femme tranquillement, autant qu'il le voulait. Mais à cause de cette fille, Axelle, il ne pouvait pas. Et le pire dans tout cela, c'est qu'elle avait exactement le même regard que sa défunte femme. Bleu, très clair, sur un visage pâle d'ange ...  

Hello DecemberWhere stories live. Discover now