Chapitre 7

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  Axelle et Pierre étaient assis dans le canapé. Ils regardaient le feu crépiter dans la cheminée en silence. Chacun se remémorait la soirée. Axelle l'avait trouvée magique. Pierre avait enfin souri et ri et l'image qu'elle se faisait de lui avait changé du tout au tout. Maintenant, Axelle était certaine que Pierre souffrait beaucoup et que ce soir, il avait retrouvé une certaine joie de vivre seulement grâce à ce sapin décoré. C'était ce qu'Axelle appelait la magie de Noël. Pierre partageait assez cet avis, sans qu'ils ne le sachent, à un détail près. Pour lui, ce qui avait fait de ce Noël le meilleur depuis cinq ans était aussi ce qui avait fait que le sapin était décoré ce soir. C'était Axelle. Et il ne savait pas comment la remercier car son cadeau était si beau. Elle lui avait redonné goût à la vie et à Noël. C'était un exploit.

- Merci ... » Murmura Pierre avec gêne.

Axelle tourna la tête vers lui et il fit de même pour croiser son regard. Il eut une envie folle de passer ses mains dans les cheveux emmêlés de la jeune femme mais il se retint. Il avait de nouveau réussi à aimer Noël mais il n'était pas encore prêt à aimer quelqu'un à nouveau. Sa femme était encore trop présente dans son cœur. De plus Axelle avait cinq ans de moins que lui, elle était jeune, pleine d'avenir et puis, il ne la connaissait que depuis deux jours et encore, la connaissait, c'était un grand mot puisqu'elle ne se souvenait plus vraiment elle-même de qui elle était.

- C'est toi qui m'a sauvée la vie. » Fit remarquer Axelle avec un sourire.
- Tu m'as sauvé la vie toi aussi, d'une certaine façon. » Chuchota Pierre en détournant le regard.
Il posa ses yeux sur le sapin avec nostalgie.
- Avec plaisir ... » Souffla Axelle en se tournant vers le feu.
- J'étais marié. A une femme magnifique, angélique, parfaite. Et nous attendions un enfant, une petite fille. » Se lança Pierre sans réfléchir.
De nouveau, Axelle se tourna vers lui avec tendresse.
- Tu parles au passé. » Remarqua-t-elle d'une voix douce.
- C'était il y a cinq ans. Je travaille pour le FBI, j'ai beaucoup d'ennemis. Il y a un homme en particulier, que j'ai passé de nombreuses années de ma vie à chasser. Je ne me suis pas arrêté avant de l'attraper. Ce fameux jour où j'ai réussi, j'étais si heureux. Il est allé en prison et c'était tout ce qu'il méritait. Il ne devait jamais en ressortir. Mais il est ressorti. »
Axelle posa sa main sur le bras de Pierre, incapable de dire quoique ce soit face à la tragédie qui se dessinait au fil de ses paroles. Pierre reprit.
- Pour chaque Noël depuis notre mariage, on venait dans ce chalet, pour fêter cela en amoureux. On adorait ça, ça nous permettait de nous retrouver pendant une semaine, rien que tous les deux. Elle était enceinte de notre petite fille ce Noël là. L'homme nous a retrouvé. Il a enlevé ma femme alors que j'étais allé chercher du bois. Je l'ai retrouvée morte quelques heures plus tard, dans la neige. Le bébé était mort avec elle. L'homme ne s'est même pas caché. Quand la police est arrivée, il s'est rendu. Il avait accompli ce qu'il voulait, il pouvait retourner en prison. J'avais une terrible envie de le tuer. De lui planter un couteau dans le ventre, plusieurs fois, avant de lui ouvrir le crâne. Je souffrais tellement. J'avais tout perdu, d'un coup, comme ça, sans m'y attendre. J'ai eu beaucoup de mal à m'en remettre, à faire mon deuil. D'ailleurs, je crois que jusqu'à aujourd'hui, je ne l'avais toujours pas fait. Mais de passer une si bonne journée alors que nous sommes le 25 décembre, ça m'a réconcilié avec cette période de l'année. Et te rencontrer, ça m'a réconcilié avec les gens, en général. Alors, même si tu es là par le plus gros des hasards, je suis vraiment content de t'avoir rencontrée. » Termina Pierre en posant sa main sur celle d'Axelle.
Cette dernière lui sourit et vint se blottir contre lui.
- Moi aussi, je suis ravie. Je ne me souviens pas de ma vie mais je ressens que ce Noël me fait un bien fou, comme si j'en avais besoin, comme s'il comblait un vide en moi. Pourtant, j'adore Noël ...
- Qu'est-ce qu'il y a ? » Questionna Pierre en voyant le visage d'Axelle se fermer soudainement.

La jeune femme sauta du canapé et posa une main sur son cœur. Des larmes se mirent à remplir ses yeux et ne tardèrent pas à déborder. Son corps fut prit de tremblements atroces. Pierre se leva à son tour et la prit dans ses bras. Il la berça, lui chuchota de se calmer, tenta de la contrôler, mais bientôt, Axelle se mit à hurler.

- Mon ... Mon père ..., bégaya-t-elle peu après, mon ... mon père est mort ... Je m'en souviens maintenant, c'était le soir de Noël, il y a deux ans ... Mon papa ... »

Pierre la regarda, décontenancé. Il ne savait plus quoi faire, plus quoi dire pour la soulager. Elle vivait pour la seconde fois de sa vie le décès de son père. C'était une situation si improbable qu'il était totalement perdu. Alors, lentement, il la conduisit jusqu'à son lit et se coucha à côté d'elle. Il la laissa se blottir contre lui et lui caressa le visage et les cheveux jusqu'à ce qu'elle s'endorme, sous le choc. Pierre lui, ne réussit pas à s'endormir. Il pensait à ce mystérieux hasard qui avait réuni deux personnes qui avaient perdu des êtres chers à Noël et qui détestaient cette fête depuis. Ce hasard qui avait fait que l'un était là pour guérir les blessures de l'autre, tout naturellement. Il y réfléchit longtemps avant de s'endormir, vers quatre heures du matin.

Il fut le premier réveillé le lendemain matin. Il regarda Axelle, blottie contre lui, qui dormait paisiblement. Il la trouva belle mais chassa cette idée de son esprit. Elle ressemblait à sa femme, voilà pourquoi il la trouvait belle. Ça ne voulait rien dire. Il l'observa encore tout de même, jusqu'à ce qu'elle se réveille. Lorsqu'elle ouvrit les yeux à son tour, il eut peur de sa réaction. Mais le choc était visiblement passé et Axelle ne se remit pas à pleurer ou à hurler. Au lieu de cela, elle le regarda, soupira un petit coup puis lui lança un petit sourire, encore un peu penaud, mais prometteur.

- Est-ce que tu as faim ? » Murmura Pierre après lui avoir souri.

Axelle hocha la tête. Pierre se leva et la tira avec lui hors du lit. Ils se rendirent dans la cuisine pour préparer le petit-déjeuner en silence, puis mangèrent, les yeux fixés sur le sapin qui brillait encore de mille feux. A la fin du petit-déjeuner, Pierre ouvrit les rideaux pour constater que la tempête s'était arrêtée.

- Je vais pouvoir t'emmener à l'hôpital, comme je te l'avais promis. Les routes doivent encore être un peu dangereuses mais je suis habitué. Par contre, il faudra dégager la voiture avant de pouvoir aller où que ce soit. » Lança Pierre en tentant de paraître enjoué.

Mais il ne réussit pas à cacher la tristesse qu'il ressentait de savoir que ces deux jours hors du temps étaient terminés et que maintenant, Axelle allait partir et sûrement disparaître à tout jamais. C'était idiot, ce n'était qu'une gamine à côté de lui. Mais il s'était attaché à elle et l'idée de reprendre sa vie, sans elle, lui était insupportable.

- Je n'ai plus besoin d'aller à l'hôpital, déclara alors Axelle, je me souviens de tout. ».  

Hello DecemberWhere stories live. Discover now