Chapitre V

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Je monte les marches qui mènent à l'entrée en quelques secondes et claque la porte en entrant.


-Caleb !


Aucune réponse... Je regarde rapidement ma montre: 16h24, il est surement en pleine méditation.

Je franchis quatre à quatre les escaliers pour arriver au premier étage où il devrait normalement se trouver.
J'entre violemment en espérant le saisir, mais il n'y a personne. La pièce, baignée de lumière, est apaisante, harmonieuse mais malheureusement vide.
C'est ici que Caleb médite et m'apprend des techniques de combat. Ce parfum délicieux et cette décoration nous font voyager jusqu'en Asie.

Je sais qu'il est à la maison, la voiture et sa moto sont là.
Je m'approche donc balcon pour voir si, par hasard, il ne serait pas dehors.
Bingo.
Monsieur, tranquillement posé sur l'herbe, médite et prend le soleil avec pour seule tenue un jogging vert pomme, parfaitement assorti à sa peau dorée.

J'aperçois sur la terrasse du deuxième étage de la maison voisine, une jeune femme rentrer rapidement à l'intérieur.
Elle se croit où ? Elle se pose gentiment là, au bord de sa terrasse pour se rincer l'œil.

Je connais cette fille que très peu, elle a invité Caleb une fois à manger chez elle lorsque nous venions de déménager.
Quand, à son tour, elle est venue à la maison pour un diner, ce fut le repas le plus étrange qu'il soit. Elle a passé presque la totalité de la soirée à s'excuser de ne pas m'avoir invitée, comme quoi elle n'avait pas pris connaissance de mon existence. Merci Caleb.
Le reste du repas elle n'a cessé d'éviter mon regard. Je ne suis pourtant pas aussi intimidante...
Pendant un bref instant j'ai quitté la table pour aller chercher le dessert et à mon retour elle était presque sur les genoux de Caleb, bénissant chacune de ses stupides paroles. Cette fille sentait la manipulatrice à plein nez.
Je lui ai lancé un sérieux regard noir et après cette soirée légèrement embarrassante elle ne s'est plus jamais manifestée.
Elle s'appelle Laura, Lola ou quelque chose dans le genre.

Je détourne le regard de la maison voisine pour à nouveau regarder "l'autre" se dorer la pilule.
Je prends une grande inspiration et je saute. Depuis l'incident de la semaine dernière mes capacités physiques ont augmenté. J'ai gagné en force, en vitesse, en souplesse, en agilité, ...
Tout ça me permet de sauter facilement depuis le premier étage jusque dans mon jardin.
Je retombe parfaitement devant les pieds de Caleb et commence à lui faire part de mon mécontentement.


- Je viens de découvrir quelque chose d'étonnant aujourd'hui...


-Raf, tu es dans mon soleil. Dit-il sans prendre la peine d'ouvrir les yeux.


-Tu n'as donc pas envie de savoir.


-La bouffe à la cafet' est toujours aussi dégueulasse.


-Quoi ? Non, enfin oui c'est clairement immangeable mais ce n'est pas de ça dont je parlais. Je viens tout juste de découvrir que ton meilleur ami enseigne dans mon lycée et, encore mieux, il sera mon professeur cette année !


Il sourit à pleines dents et ouvre un œil pour me regarder


-Ed' est ton prof ? Ça va être sympa, non ?


-Sympa... Tu te fous de moi ? Tu ne vois pas l'énorme conflit d'intérêts auquel on a à faire ? Dis-je en m'emportant légèrement.


Il se décale pour retrouver la chaleur du soleil et referme les yeux.


-Je ne vois vraiment pas où est le problème.


Je me décale également pour à nouveau me trouver en face de lui.


-Tu ne vois pas ? Sérieusement ? Oh mais ça va être splendide cette année, je vois très bien Mr Heuston me menacer d'appeler mon tuteur lorsque je suis impertinente. Et mon dieu que c'est étrange de t'appeler comme ça. Mieux encore, les réunions parents professeurs ce sera quoi ? Vous discutez de mes affreuses notes devant une part de pizza avec une bière à la main ! Cab' tu aurais pu au moins me prévenir que je me fasse à l'idée et pas me mettre devant le fait accomplit.


-Raf tu es encore dans mon soleil.


-Caleb je te parle ! Dis-je en haussant le ton.


-Ne t'inquiète pas j'avais bien remarqué, c'est d'ailleurs extrêmement agaçant la façon dont tu viens te plaindre. Et comment es-tu arrivé ici, j'avais fermé la porte de la baie vitrée.


-J'ai sauté depuis le balcon du premier. Et j'ai aperçu notre charmante voisine en train de baver sur tes beaux abdos. Note toute l'ironie avec laquelle je l'ai qualifiée de "charmante".


Caleb ne réagit pas.


-Bref ne me fais pas changer de sujet comme ça ! J'aimerais bien savoir pourquoi tu ne me l'as pas dit.


-Je ne comprends vraiment pas pourquoi tu te mets dans un tel état pour une chose aussi ridicule.


C'est vrai que cette histoire est ridicule mais je n'aime pas quand il me cache des choses qui me concernent de près ou de loin, ça a la fâcheuse tendance à me rendre dingue. De plus j'ai l'impression que lui et Edward on prit un malin plaisir à me cacher cette histoire pour se foutre de moi. Mon amour-propre en a pris un sacré coup et n'a vraiment pas apprécié. Et puis, je suis très sérieuse quand je parle de conflit d'intérêts, cette année va être... étrange, je ne trouve pas d'autre mot pour décrire la situation.


-Bon maintenant si tu as fini de te plaindre j'aimerais vraiment continuer ce que tu as soudainement interrompu. Je suis désolé d'avoir omis ce petit détail mais Edward est génial alors il n'y a vraiment pas de quoi en faire un drame.


-Ouais, c'est vrai qu'il a l'air sympa ton po...


Je n'ai pas le temps de finir ma phrase que Caleb se lève brusquement.


-Raf, arrête d'épiloguer, tu me saoules là ! Maintenant tu dégages que je puisse retourner méditer.


Je peux m'empêcher de le regarder maintenant qu'il est debout. Son torse est légèrement luisant à cause de la chaleur et son jogging tombe parfaitement sur ses hanches pour laisse apparaitre le fameux V qui nous fait toutes craquées. Je détourne le regard puis je plonge mes yeux dans les siens. Je déteste quand il me parle sur ce ton mais c'est ça le vrai Caleb, malheureusement.
Face à face, nous nous lançons un regard noir et l'air se charge d'électricité. J'abandonne bien vite, je risque d'avoir de sérieux problèmes si je m'oppose trop à lui.
Je me dirige vers la baie vitrée et lui donne un coup d'épaule au passage. Je ne le montre pas mais il est si parfaitement musclé que c'est moi qui me suis faite mal en faisant ça.
J'arrive devant la porte et effectivement il l'a bien fermée à clé.
Mon ego, meurtri par l'ordre qu'il vient de recevoir, refuse d'aller lui demander les clés.
Je fais donc le tour de la maison pour atteindre la porte d'entrée.

Caleb et moi avons passé la semaine à nous éviter. L'un comme l'autre nous refusons de faire le premier pas, cela en devient ridicule mais, lorsque nos egos parlent tout devient particulièrement ridicule. Tout ça pour une stupide histoire, on se croirait au jardin d'enfants. Cette atmosphère et cette tension sont de plus en plus pesantes et je ferais n'importe quoi pour m'en échapper.
C'est d'ailleurs ce que je vais faire sur-le-champ.
Décidée, j'ouvre mon dressing et part à la recherche d'une tenue pour ce soir.
Après une bonne heure je descends enfin pour me rendre en ville. J'ai choisi quelque chose de sobre, pas de robe ou de décolleté plongeant. Il y a des tarés partout et sortir seule en ville n'est pas sans danger. Cependant, je ne suis pas particulièrement effrayée à l'idée de me balader dans les petites rues sombres de la ville. De plus, je suis un démon, je ne crains donc rien.
Alors que je posais ma main sur la poignée pour quitter cette maison pleine de tensions, je sens derrière moi une présence indésirable.


-On peut savoir ce que tu fais ? Dit Caleb les yeux fixés sur mon dos.


-Je vais arroser les roses devant la maison.


Je sens son regard se remplir de colère et, d'un mouvement net et rapide, il me colle à la porte m'emprisonnant entre lui et celle-ci.


-Arrête de jouer à ça Raf. Réponds, où comptais-tu aller ce soir ?


Il s'approche dangereusement comme il aime le faire.


-Comptais ? Tu insinues que je ne compte plus y aller ?


-Évidemment que tu ne comptes plus y aller, tu restes ici, avec moi.


Il est physiquement impossible qu'il s'approche davantage, nos corps sont déjà collés l'un à l'autre et ils dégagent ensemble une chaleur presque insoutenable.


-Tu passes la semaine à m'ignorer mais tu veux tout de même que je reste ce soir, c'est ridicule. Ce soir, je m'amuse comme le font les gens de mon âge.


Sur ses lèvres se dessine lentement un petit rictus.


-Si tu veux, je peux te montrer comment moi je m'amuse un vendredi soir.


Il pose doucement ses lèvres sur les miennes sans aller plus loin. Il s'arrête, recommence et continue ainsi pour faire monter la frustration. Il sait comment séduire une femme, cela ne fait aucun doute. Dès que sa "proie" en veut un peu plus, il s'éloigne pour qu'à la fin sa proie n'en puisse plus d'attendre et lui saute dessus.

Mon corps me supplie de continuer, de lui céder et ma tête commence, elle aussi, à le vouloir.

Ses mains qu'il avait posées de façon à m'emprisonner entre lui et la porte glissent lentement vers mon visage. Il dégage les quelques cheveux devant mes yeux et je sens mes paupières se fermer peu à peu pour apprécier le moment.

Raf reprend toi ne te laisse pas avoir par ce manipulateur !

Pendant un instant de lucidité je m'écarte et remets mes idées au clair.
Je m'éclaircis la voix et avale difficilement.


-Je vais en ville, dans n'importe quel bar tant qu'il est loin de cette maison, que tu le veuilles ou non.


-Tu as intérêt à être rentrée pour une heure. Dit-il la gorge serrée.


-Va te faire foutre Cab'.


Je ferme violemment la porte et me rends d'un pas enragé vers le monde de la nuit.
J'abandonne l'idée de trouver un bar plus ou moins correct et me lance dans le premier bâtiment un peu animé sur mon chemin.
Tant qu'ils vendent de l'alcool sans poser de questions, c'est parfait.
J'entre pour aller rapidement m'asseoir au bar. Une violente odeur de bière, de sueur et tabac plane dans la pièce presque pleine.
La musique est plutôt bonne mais les joueurs de baby-foot au fond de la salle hurlent comme des forcenés.
À quoi tu t'attendais ?
Malgré tout le bar à son charme, avec les banquettes en cuir vert vieilli par le temps et les soirées trop arrosées, la table de billard près de l'entrée et le magnifique comptoir en bois.


-Un Cosmopolitan s'il vous plaît. Dis-je en me penchant légèrement pour que le serveur puisse me voir.


Il s'approche pour prendre ma commande qu'il n'a apparemment pas entendue et s'arrête brusquement pour me fixer. Il reste immobile quelques secondes puis s'avance devant moi avec un petit sourire.


-Comme on se retrouve mademoiselle. Dit-il avec un air supérieur qui aura vite fait de m'agacer.


Mais oui bien sûr, cette rue, ce bar, ce serveur, cet air... C'est ici que je suis venue le jour de ma rentrée.
M*rde.
Si mes souvenirs sont bons, nous n'étions pas vraiment en bons termes après ma première visite. Qu'est-ce qu'il m'avait agacé ce jour-là. Je sens que la soirée est sur un très beau départ.


-Ravie de vous revoir, dis-je avec ironie, est-ce possible d'avoir un Cosmopolitan ?


-Bien sûr, puis-je d'abord voir votre carte d'identité, Mademoiselle ?


-C'est une blague, vous pensez sincèrement que je suis mineure ? Et puis regarder deux secondes autour de vous, il y a des personnes dans ce bar qui sont loin d'avoir l'âge légal et vu leur état je pense que vous avez accepté de leur vendre de l'alcool. N'est-ce pas ?


-Je n'ai pas pour habitude de demander les cartes d'identité mais là maintenant tout de suite je vous la demande. Si vous l'avez comme par hasard oublié chez vous, buvez un thé, je pense avoir retenu que vous preniez du noir. N'est-ce pas ?


-Vous venez de perdre une cliente.


-Oh mais partez, je n'en ai rien à faire.


Si seulement il avait été un peu plus proche j'aurais pu user de mes pouvoirs mais là je ne parviens pas à l'atteindre.

Je n'ai vraiment pas le courage de marcher jusqu'au prochain bar alors je pars m'asseoir à une table libre.

Un homme vient se joindre à moi et commence son petit numéro. Il me sort son regard ténébreux aussi séduisant qu'un poulpe et mordille ses lèvres. Vu la façon absolument pas sensuelle avec laquelle il se bouffe la lèvre inférieure j'aimerais lui demander si c'est bon mais je compte bien m'amuser encore un peu, ce spectacle est trop beau.
Je ne sais pas combien de femmes il a pu mettre dans son lit avec une approche pareille mais je doute qu'elles soient nombreuses.


-Vous semblez triste mademoiselle, laissez-moi vous redonner le sourire. Dit-il est approchant sa chaise de la mienne.


Je ne daigne même pas lever la tête des sous-verres présents sur la table.


-La seule chose qui pourrait me redonner le sourire c'est un bon verre d'alcool.


L'homme se lève brusquement et revient, un verre à la main. Je reconnais tout de suite le Banana Bliss, dommage pour lui, je n'aime pas la banane avec du cognac.
J'ai une assez bonne connaissance des cocktails, Caleb a toujours aimé se prendre pour un bar man.


-Raté, je n'aime vraiment pas ça.


L'homme s'arrête déçu et reste un moment sans savoir quoi faire.
J'entends dans son dos un léger "amateur" suivi d'un petit rire puis j'ai d'un seul coup une apparition divine.
Un jeune homme tout à fait charmant s'avance à ma table et pose devant moi un Cosmopolitan avec un grand sourire. Son sourire est sublime.


-Comment avez-vous su ?


-C'était évident pour une jeune femme comme vous.


Je ris mais reste perplexe.


-Très bien, j'avoue, je vous ai entendu le commander tout à l'heure.


-Donc vous avez aussi entendu la façon dont je me suis faite recalé, comme une débutante.


-Cet homme est un idiot. Puis-je ? Il montre la chaise en face de moi.


-Je vous en prie.


-Cet homme est vraiment un idiot pour vous avoir traité de la sorte.


-C'est simplement que la dernière fois que je suis venue j'ai rapidement fait taire son air supérieur et apparemment son ego ne l'a toujours pas digéré.


Il rigole de bon cœur et pose son regard sans aucune perversité sur moi. Pas comme les autres vicieux de ce bar.


-Enchanté, je m'appelle Jayden mais appelez-moi Jay.


-Raf, enchantée également.


Les verres s'enchaînent au fil des heures et la conversation m'est très agréable. Nous avons rapidement commencé à nous tutoyer. Visiblement il voyage beaucoup, il rentre des quelques mois en Australie et à en juger sa peau délicieusement dorée, j'ai tendance à le croire. Il a des cheveux blonds assez long avec des yeux bleus océan et des tatouages aztèques sur le bras gauche. Un vrai surfeur beau, torride et en plus gentleman, ce qui ne gâche rien. Il a refusé que je paye le moindre verre tant qu'il serait là et comme il ne m'a jamais quitté, je n'ai pas dépensé le moindre centime.
Mon couvre-feu est déjà passé depuis longtemps mais je n'y pense plus, Caleb n'avait qu'à pas me traiter ainsi. Jay est la preuve qu'un homme peut être charmant sans être vicieux et charnel.

Jay se lève de sa chaise et me prend la main avant de s'agenouiller.


-Raf me ferais-tu l'honneur de danser avec moi ?


Nous sommes tous les deux déjà bien saouls et j'accepte avec plaisir son invitation.
Arrivés sur la minuscule piste de danse, nous partons tous deux dans des danses loufoques et hilarantes.

Nos regards se cherchent et se croisent puis sans m'en rendre compte, je me retrouve dans ses bras, à danser de façon bien plus intime. L'ambiance, la musique, les gens, tout me monte à la tête et l'alcool n'aidant pas, je perds de plus en plus le contrôle de moi.
Jay me regarde avec joie et je vois que ses yeux sont encore pleins de vie, l'alcool ne lui fait pas autant d'effets qu'à moi.
Nos corps sont en symbiose et notre étreinte est pleine de complicité.
La soirée continue ainsi et les heures passent sans que je m'en rende compte.







Je me réveille avec une sacrée gueule de bois et regarde rapidement l'heure: 12h37. Caleb va me tuer.
En plus de ma sérieuse gueule de bois je n'ai aucune idée de comment la soirée s'est terminée, un gros trou noir.
Je tiens ma tête entre mes mains et, les yeux fermés, tente du mieux possible de me souvenir comment je suis rentrée chez moi.
Je sens soudain la couverture bouger et j'ouvre les yeux pour regarder à ma gauche.
Oh p*tain, je ne suis pas chez moi ! Qu'est-ce que j'ai encore fait ?

Sérafine - Tome I: Appelez-moi RafWhere stories live. Discover now