Je ne sais pas quoi lui dire. Je ne sais pas quoi lui faire entendre. Si j'en rajoute une couche, il se sentira certainement encore plus mal qu'il ne l'est déjà et vice versa. C'est comme se renvoyer la balle à chaque fois. Si ce n'est pas de sa faute, c'est de la mienne mais jamais, pas une seule fois, on s'est dit que cela pouvait être aussi « notre » faute. Non. Il n'y a jamais eu « nous » en vérité. Juste deux individus maladroits et assez handicapés pour combler le vide de l'autre. C'est de ça qu'il s'agit.
On ne sait pas si on s'aime ou si cela peut s'apparenter à de l'amour. On ne sait jamais quoi dire à l'autre pour qu'il entende notre pensée mais on sait, à notre façon que si nos mots ne disent rien alors nos gestes, nos actions, elles, elles peuvent atteindre un endroit que les paroles n'atteignent pas.
Donc je me suis assise à côté de lui. Tout bêtement. Je me suis assise là, gardant mon silence et mes regrets pour moi et j'ai attendu. Il ne bouge pas. Il reste allongé là, sanglotant en silence. J'aurais aimé le prendre dans mes bras. J'aurais aimé lui dire que tout ira bien maintenant, que quoi qu'il puisse arriver, on y arrivera. Mais ce n'est pas vrai. Je ne ferais que lui mentir. Un énième mensonge pour au final, un énième casse-gueule.
Il a raison quand il dit que ça fait mal. Ça fait mal de réaliser qu'on a cet impact-là et cette puissance-là sur l'autre. Ça fait mal de savoir qu'on peut briser l'autre d'un seul mot. Ça fait mal de comprendre qu'on peut être la source de toutes ces larmes.
Ça fait mal de se dire ô combien on a été naïfs de croire que l'on sait ce que l'on fait.
Je m'en rappelle encore, de ces romans à l'eau de rose. De ce bad boy adoré de toutes rencontrant par hasard, au détour d'un couloir, la cruche timide de service. L'invisible contre l'inaccessible. C'était l'idée. Je me rappelle de cette définition pauvrette qu'ils vous donnent dans ce genre d'histoire. Cela finit toujours en « happy end » avec un « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants » mais la vérité, c'est que l'on n'est jamais vraiment heureux en amour. On doute tout le temps. On a peur tout le temps. On se remet en question constamment et puis au bout d'un moment, on craque. On craque parce qu'on ne sait pas où on met les pieds. On craque parce que « franchir le pas » est plus qu'une expérience... C'est une aventure. Ô comme j'aurais aimé être cette fille cruche et timide et j'aurais souhaité que Caleb soit ce bad boy tant adoré et idolâtré. J'aurais aimé que l'on passe nos journées à s'aimer puis à se détester pour X raisons. J'aurais aimé que notre histoire soit dans un roman d'amour mais quand j'y pense, on fait plutôt dans la tragédie.
Parce qu'on n'y arrive pas. À surmonter tout ça. On n'y arrive déjà pas.
— Et maintenant ? Qu'est-ce que l'on fait hein ?
Il ne se redresse même pas. Il dégage juste son bras, laissant apparaître ses yeux gris teintés de tristesse.
On se fait mal nous-mêmes au final.
— Je ne sais pas... Peut-être qu'il est là le problème, on devrait arrêter de « faire » quelque chose. On devrait arrêter de prévoir ce que l'on va faire. On ne devrait rien se promettre. On ne devrait rien espérer. On devrait seulement profiter. Profiter d'être là. Profiter d'être comme ça. Rien que toi et moi. On devrait être contents et oublier tout le reste. On devrait oublier tout ça.
— Tu sais... Parfois j'aimerais que ma vie soit comme un film. Je t'aurais ainsi proposé de fuir avec moi.
— Fuir ? Pourquoi ? Nous ne craignons rien. Le seul danger qui nous colle à la peau, c'est nous. On ne peut pas se fuir. On peut essayer mais on réalisera qu'on ne peut pas.
— Au fond, tu as raison. On devrait sûrement se secouer et se sortir de ça.
— On devrait oui... Mais on ne le fera pas. Pas ce soir en tout cas.
— Dis-moi Alexandra... Dormiras-tu ici ?
— Je n'en sais rien... Je n'ai pas mon pyjama.
Il sait que je lui tends une perche et en la comprenant, un sourire, bien que faiblard, vient s'installer sur son visage et éclairer ses yeux d'un gris que j'aimais tant. Un gris clair. Un qui brille.
— Alors tu n'as qu'à dormir toute nue.
On rigole tous les deux. On rigole enfin. Ensemble. On rigole jusqu'à ne plus pouvoir respirer parce que cette phrase, c'est la nôtre.
— Tu me feras une place dans ton lit ?
— Je suis bien obligé, je n'ai guère de matelas de camping à te proposer.
— Théoriquement, tu sais que ce n'est pas très gentleman de proposer à la dame de dormir par terre.
— Et tu crois que c'est dans les bonnes manières de dormir dans le lit d'un jeune homme ?
— Je n'en sais rien. Là de suite, tout à fait entre nous, j'emmerde les bonnes manières.
— Et moi aussi.
Il se redresse, passant ses bras autour de moi et m'attirant contre lui de sorte à ce que j'ai ma tête plaquée contre son torse. Le torse de Caleb. Il paraissait tout fin et élancé il y a trois ans... Mais Caleb a changé. Physiquement. Il a grandi. Il a pris du muscle. Je présume que la puberté frappe un garçon de cette façon. C'est fou.
Son cœur bat tellement vite. Je peux l'entendre. Il est anxieux. Je le sais.
— Il en fait du bruit...
— Hmm ?
— Ton cœur.
— Ah... Désolé. C'est juste que... Ça me fait bizarre que tu sois là.
— Genre contre toi ?
— Oui et non. Quand je suis revenu, j'avais deux scénarios en tête. Le premier était le meilleur. Tout se passerait bien et on reprendrait là où l'on s'était arrêté il y a trois ans.
— Et le second ?
— Son inverse. Mais je ne compte pas abandonner. On dit qu'on différencie un homme d'un garçon car le garçon séduit plusieurs femmes et un homme séduit une femme plusieurs fois. Je vais recommencer avec toi. Encore et encore. Je recommencerai autant de fois qu'il le faudra.
— Oh ? Je présume que je devrais te laisser alors me reconquérir si je t'écoute.
— Tu peux mais quelque chose me dis que tu n'en as pas envie.
— Non c'est vrai... Je trouve que l'on a assez perdu de temps comme ça.
Il sourit tout en approchant son visage du mien, glissant habilement sa main sous mon visage pour le relever vers le sien. À sa hauteur. Ses lèvres viennent se poser sur les miennes. C'est notre deuxième baiser et pourtant, celui-là a un goût de première fois. Comme si à travers ce baiser, on se glissait mutuellement une promesse à l'autre. Comme si on se jurait silencieusement, de s'attendre l'un et l'autre.
Parce que je veux l'attendre. Caleb est de ceux que l'on attend.
Il est de ceux pour qui se brûler n'est rien. Il est de ceux pour qui on ferait tout. On donnerait tout. Il est de ceux à qui on offrirait tout. Tout ce que l'on a. Tout ce qui nous fait. C'est ce que je veux.
Même si l'on ne veut rien se promettre, ce baiser, il signifie tout ce que l'on n'osera jamais dire à haute voix.
C'est notre serment secret.
C'est ce qui nous lie.
Ce qui fait que l'on s'aime à notre façon.

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Miss Kilos 2 - La revanche d'une grosse !
Teen FictionTome 2 de Miss Kilos ! *** Trois ans après le premier défilé d'Alexandra, la revoilà projetée sous les feux des projecteurs quand une célèbre marque cherche une égérie pour sa nouvelle campagne publicitaire. Le choix se porte évidemment sur elle, qu...