Chapitre 1

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L'étrange garçon, Iseul de son nom, n'eut finalement pas rejoint le club de littérature. Il fut intégré à la classe des secondes et se fit beaucoup d'amis, il attisait chez les autres une sorte d'intérêt déconcertant et se fit rapidement connaître de par sa réputation d'être charismatique. Plus jamais n'eut-il eut l'expérience de parler à nouveau à cette fille qu'il avait rencontré lors de son premier jour. Il l'avait trouvé assez spéciale, on lui dit alors qu'elle est étrange, que tout le monde la trouve ainsi. Il acquiesce sans y réfléchir et corrige donc mentalement « spéciale » par « étrange » et finit par oublier leur rencontre sans vraiment en enterrer le sentiment. Une année passe, il pense être tombé amoureux d'une camarade de classe et ils finirent par sortir ensemble. On trouve qu'ils sont assortis. Elle est assez jolie, les yeux en amande, les cheveux très noirs, les doigts fins. Il l'aime, il pense l'aimer, il la raccompagne chez elle, et parfois ils s'embrassent sur le chemin. Tout cela semble normal, tout cela fait partie d'une stricte routine. Il s'est habitué à cette vie de campagne, à ce confort isolé, il est heureux.

Iseul a déménagé à Hyebaek avec sa mère, suite à ses problèmes pulmonaires, lui causant de fuir la pollution de la ville. Il aime généralement lire et passe la plupart de ses soirées à bouquiner sur son lit et à ne jamais finir les livres qu'il commence. Il est tant effrayé de la fin, qu'arrivé aux dernières pages, il en oublie toujours toute l'histoire.

C'était le deuxième trimestre de l'année de première, une fin d'après-midi calme et un temps chaud, d'une manière à reconnaître la venue de l'été. Le ciel est beau aujourd'hui. Rose, orange, jaune, Iseul se sent remplit de chaleur, les doigts entrelacés avec ceux de sa petite-amie. Comme chaque jour, il marche sereinement dans la ruelle qu'il connaît à présent par coeur. Il remarque qu' aujourd'hui, son amie possède des yeux assez mélancoliques, tristes, comme des coquilles d'escargots, dit-il. Mais il pense aussi au fond, comme il l'a toujours fait, que la fragilité de ses traits, qui laissaient deviner de la lassitude sous ses paupières, la rendent continuellement aussi jolie.

« Idiot » Elle rit puis elle l'embrasse pendant un long moment. « Bonne nuit » Ils se séparent comme toujours.

Iseul ne viendra pas en cours le lendemain, ni le surlendemain ou la semaine qui suivra.

Sang Su-Jin le sait, elle a l'habitude de le voir sortir de l'école depuis la salle du club de littérature. Jamais ne fut elle particulièrement intéressée par ce garçon, et sûrement pas suite à leur première discussion, il y a maintenant plus d'un ans de cela. Elle eut même ressentit le besoin de ne plus jamais l'approcher, ou de lui adresser la parole, tel qu'il serait mieux ainsi.

La rumeur s'eut très vite répandue dans les couloirs que la fille aux yeux d'amandes avec laquelle Iseul était en relation venait de mourir, dans de circonstances étranges qui s'apparentaient à un suicide. La jeune fille se serait pendue au dessus du puit de son jardin, sans aucune trace de dépression ou de situation difficile. Iseul était dit « dévasté », ce qui n'était pas surprenant, et attendu de la part d'un petit ami. Une semaine passa, remplie de rumeurs au sein du village, et sans nouvelles du garçon. On l'avait probablement aperçu aux funérailles, disait-on. La fumée du crématorium était montée au ciel en colimaçon, tout le village à présent savait.

Les cours prirent fin. La nuit venait de tomber et les fenêtres s'illuminaient de lumières le long des allées cabossées. Sang Su-Jin décida de rentrer en marchant, le bruit paisible du dérailleur de son vélo retentissait. Ses yeux voguaient de maison en maison, dont aucune ne lui était pas familière. Tandis que le ciel se couvrait de nuages et les couleurs s'assombrirent enfin, la maison près de la rivière était toujours loin et la marche de Su-Jin demeura lente et régulière. Elle écoutait le bruit de ses mocassins sur le bitume, ou sentait les herbes chatouiller ses mollets nus, sous la jupe de son uniforme scolaire, elle s'arrêtait parfois, dans le but simple d'observer, ou fermait les yeux, pour entendre le vent. C'était ce qu'elle appréciait.

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