Chapitre 2

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Iseul remuait la cuillère en métal dans son chocolat chaud, il avait le regard ailleurs et le menton reposé sur la paume de sa main. Il en ressentait presque entièrement la présence à présent, cette étrangeté incommensurable, comme un bruit grave et profondément là. Sa tête lui faisait mal depuis le maudit jour du suicide, ses sourcils se fronçèrent et il ferma les yeux. C'était assez peu fréquent qu'il puisse se fatiguer aussi facilement, mais là n'était pas le problème. D'une certaine manière, quelque qu'elle soit, Iseul ne se sentait plus en sécurité à Hyebaek. Il eut pensé que ce sentiment d'infamiliarité était originaire du fait qu'il n'eut absolument jamais vécu à la campagne auparavant, qu'au fond de lui, la capitale lui manquait, que cela n'était que naturel... mais plusieurs mois coulèrent sous ses yeux, et le sentiment avait persisté, jusqu'à pouvoir s'intensifier et devenir douloureux. Le temps était compté. Il n'en pourrait bientôt plus.

Le son de l'horloge murale de la cuisine s'exprimait dans le même tempo répétitif lorsque la nuit répétait son silence. Tic, toc, tic toc...

Il était bientôt huit heures du soir, la mère d'Iseul allait prochainement procéder à lui passer son coup de fil journalier et routinier, habituellement afin de lui demander ce qu'il avait mangé, comment s'était passé sa journée, et ces temps-ci, s'il allait mieux que le jour précédent.

Ahn Ji-Eun était une grande collectionneuse de céramiques, et avant tout une critique d'art de renommée au sein la capitale. Elle s'y trouvait par ailleurs constamment en voyage d'affaires.

Le téléphone sonne, Iseul se lève et se râcle la gorge.

« Allô

Oui

Oui je vais bien

Oui j'ai mangé,

La femme de ménage est passée hier soir

Oh ne t'inquiètes pas pour ça

Oui,

À bientôt

Moi aussi,

Bonne nuit »

Il raccroche et pose sa main sur sa paupière, se dit encore et toujours que ces douleurs vont sûrement s'en aller le lendemain, puis le surlendemain, et le jour d'après.

*

L'été s'exprima de plus en plus encombrant, l'uniforme aux manches courtes était proscrit, et les tournois sportifs de fin d'année montraient le bout de leurs nez.

Iseul était généralement un bon joueur, ensuite il était bien meilleur que les autres, si on le comparait aux habitants de Hyebaek. Les matchs n'étaient que peux rugueux, la foule était supportive, et son front était humide. Les pupilles rivés sur Iseul étaient pour lui des petits points noirs dans son champ de vision, et comme si l'humilité quitta son corps pour un temps, il ressentit une certaine aigreur face à ces regards qui pour lui étaient tous les mêmes. Le ciel était de plus en plus brûlant, et Iseul avait un besoin urgent que sa gorge entre en contact avec de l'eau.

Les vieux robinets rouillés situés derrière le lycée s'accordaient avec le liquide dans un goût assez métallique et désagréable. Il appuya plusieurs fois sur la poignée en fer et se désaltera pendant de longues minutes, le bruit lointain des matchs et des cris en fond sonore.

Iseul se releva, le t-shirt vraisemblablement trempé. Il essuyait sa bouche du dos de sa main, et brusquement, eut le réflexe de faire volte-face.

Rien.

Ses yeux vifs se remplirent de méfiance, avant qu'il ne reprenne sa trajectoire.

*

Le cri des criquets résonnait le long du chemin du retour. L'immense chaleur causa à Iseul de garder sa tenue de sport, bien que trop humide. Le pont en béton récemment rénové permettait de traverser la rivière, de l'autre côté se trouvait une longue route vide, qui s'étendait au loin à travers le vert des champs. C'était étrange, une certaine forme mouvante au sol attira son attention, Iseul cilla plusieurs fois pendant qu'un frisson atteignit la base de sa nuque. Il crut reconnaître la nature de la chose et n'en fut pas moins étonné. C'était un attroupement d'escargots sur le sol, rampant les uns sur les autres, formant une masse plus grande, comme de la vermine.

Le corps d'Iseul réagit seul d'un pas en arrière. Leurs coquilles reflétaient la lumière du soleil. Elles semblaient vouloir se dévorer entre elles.

Il déglutit. Son rythme cardiaque s'accélera, il eut craint subitement une crise d'asthme puis, aperçut avec horreur son pied s'écraser lestement dans la masse qui craquella sous son poids. Il ne sut pas si cette action était intentionnelle. Ses membres bougeaient de leur propre volonté. Les escargots. Il en restait d'autre, disait son corps frénetiquement, d'autre encore à écraser. Ses mouvements furent lents, et son regard rempli d'une lassitude extrême. Du sang se retrouva sur le rebord de sa chaussure. Un goût désagréable sur sa langue lui fit reprendre ses esprits.

Il saignait du nez.

Ses phalanges trouvèrent naturellement le chemin contre son nez tandis qu'il regardait autour de lui.

Il reconnut une voix qu'il eut malencontreusement ignoré pendant ces secondes macabres.

« Bon sang, qu'est ce que tu fais ?! »

Un ton agressif, presque effrayé.

La fille aux yeux verts.

Il éclata d'un rire ironique, tandis que son sang ruisselait entre ses doigts.

VillageWhere stories live. Discover now