CHAPITRE I : Poudre d'escampette

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(Pdv de Romie Corbot)

Je ferme mes yeux ambrés comme pour me remémorer le doux visage d'un être aimé. Privée de ma liberté depuis légèrement plus de deux ou trois mois, je passe des heures entières à contempler le plafond blanc-cassé de ma cellule. Tout me manque ici bas. Il y a le vent qui venait caresser mon visage, la lumière qui révélait ma peau pâle... et toi, bien plus qu'autre chose. Oui, c'est toi qui me manque le plus. Mon amour, mon sang, ton sourire qui s'étirait avec tendresse, le son de ta voix qui résonnait telle une aubade, ta main dans la mienne lorsque nous faisions le mur, et puis ce parfum d'herbe coupée que tu dégageais au moindre de tes mouvements. J'aurais préféré que tu sois mon bourreau plutôt que je ne sois le tien. J'aurais préféré que ton sort s'entremêle plus longtemps au mien. J'aurais préféré partir avec toi. Parce que sans toi, mon amour, sans toi rien ne vaut la peine d'être vécu. Si je ne peux partager mes joies et mes pleurs avec toi alors je ne veux les partager avec personne. Cindel...

Une larme vient traîner le long de ma joue et ainsi nourrir une blessure immuable. De ma main, je ne tarde pas à l'essuyer et me retourne dans ce lit pitoyable que l'on m'a attribué. Il craque sous mon poids. Salopards. Qui donc vous donne le droit de me retenir dans ce trou à rat où je vais crever aux côtés de tous ces meurtriers. Oui, je suis en colère. Oui, je suis furieuse que l'on m'ait mise ici. Je ne suis pas un assassin, je ne suis pas comme eux. Nous ne partageons aucune valeur. J'ai tué, c'est vrai. Seulement c'était par pure fidélité, par ce trop plein d'amour qui m'a condamné, moi aussi.

- Alors Romie, tu fais la sentimental ? M'adresse Virginie.

Virginie, c'est la vieille qui partage mon cachot. Elle est ici depuis bien avant mon arrivée. D'après les rumeurs, elle aurait, un beau jour d'été, agressé et tué un garde qui voulait la déloger. Les raisons ? Je n'en sais pas plus. Tout ce que je sais c'est qu'elle est chiante. Elle m'insupporte avec sa sale tronche.

- Ferme ta gueule. Je ne suis pas d'humeur, lui dis-je.

Je la regarde avec froideur, prête à lui bondir dessus. Il ne lui en faut pas plus pour qu'elle me laisse tranquille. Cette bonne vieille V a su comprendre la leçon. Il y a quatre jour de cela, elle a été évacuée à l'infirmerie. Si elle n'avait pas vendu mon oreiller au marché noir, elle n'aurait jamais eu ces quatorze points de suture à l'arcade. Souviens toi de ce jour Virginie. Cherche moi encore une fois et tu devras en subir les conséquences. Cette malheureuse histoire m'a valu trois coups de fouets, en revanche... Mais la douleur, je ne la crains pas, tout est dans la tête. La véritable douleur est celle du cœur. Quoi qu'il en soit, j'ai eu le respect qui me revenait de droit ainsi que le droit de me servir dans les repas de V si l'envie m'en prend. Plus jamais elle ne me fera de coups bas. Elle sait que je me venge toujours. Tout le monde le sait ici.

Mes voisins criminels commencent soudainement à s'exciter. Je me redresse et viens m'approcher des barreaux. Virginie me rejoint. Ces cinglés se mettent à hurler et à taper sur ces barres en métal qui nous retiennent enfermés comme de vulgaires chiens.

- C'est quoi ce bordel encore, vous n'avez rien d'autre à foutre ? Je crie tel Zeus qui répand sa fureur.

- C'est Ligie, elle a encore agressé un gardien, me répond le gars hideux d'en face.

- Cette jeune fille finira au bout d'une corde, c'est moi qui vous le dit, rajoute V.

Je détourne mon visage et lance dès lors :

-Je ne t'ai pas dit de te la fermer toi ?

J'aperçois au cœur de ses yeux une part de désolation. Alors, je me surprend à éprouver de la peine pour elle. Puis, en redécouvrant son arcade, je cesse immédiatement. De l'autorité que je mène, je la regarde reculer jusqu'à s'écrouler sur son lit, au fond même de ce taudis qui est le notre.

Balmeon05Where stories live. Discover now