Balmeon05

CHAPITRE III : Tohu-bohu

(Pdv de Romie Corbot)  

Sous cette beauté étoilée qu'est le ciel qui nous surplombe, j'observe Branwell faire les cent pas de l'autre côté de la plage. Dans quelques heures, notre escouade prendra la route en direction de cette abstruse croix rouge. J'ignore ce à quoi nous devrons faire face, mais une chose est sûre, je ne vais pas quitter d'une semelle le détenteur du Walther PP. 

Par ailleurs, quelque chose semble le tracasser. Il y a de ça un petit moment, je l'ai aperçu parler à Opale. J'ignore quel a été l'objet de leurs propos et c'est pour ça que je vais rester sur mes gardes, du moins pour le moment. 

Pendant que certains roupillent dans les bras de Morphée, je me contente d'enterrer ce bon vieux Jack. Par la sueur de mon front et par l'effort de mes bras, je creuse une tranchée dans laquelle je plongerai son corps. Avec toute l'agitation dont nous avons été victime pour ce premier jour, je n'ai pas eu l'occasion de le faire plus tôt. Je ne le connaissais pas, que ce soit de nom ou autre mais je tiens à le faire. Nous avons été embarqués de force sur cette île et j'estime que malgré tout, malgré ce que nous sommes tous devenus, le respect des morts est un lien nécessaire pour ne pas oublier notre humanité. Qui plus est, Opale a vu quelque chose que jamais personne n'avait encore vu en moi. Une trace de l'acte impardonnable que j'ai commis. Face à la mort de Jack, c'est toute mon histoire avec Cindel qui s'est illustrée dans mes yeux. L'espace d'un instant, j'ai été comme pétrifiée. C'est ton doux visage, Cindel, tes yeux clos sur ce canapé, ton corps inanimé, la froideur de tes membres que j'ai perçu face à ce supplice. En revanche, j'apprécie le fait que Ligie ne m'en ait pas reparlé. Venant de son manque de compassion, je dois avouer que j'ai été relativement surprise. C'est une étrange relation qui semble se tisser entre nous. Peut-être que nous ne sommes pas si différentes que ça, elle et moi. Elle est directe, elle sait ce qu'elle veut et gare à celui qui entravera son chemin. Peut-être plus impulsive que stratégique, c'est vrai, mais c'est de personnes comme elle dont nous avons besoin ici. Les mystères nous guettent, nous entourent. La vigilance est de mise.

Je termine de reboucher le trou et me relève habilement. De mon avant bras, je balaie la moiteur de mon front. Voilà qui est fait... En me retournant, j'aperçois Branwell face à l'océan. C'est comme s'il dévisageait la vaste étendue indigo qui lui fait face. A ma droite, un groupe de naufragés commence à se réveiller. Je pense que nous sommes tous dans la même situation, nous sommes tiraillés par la faim qui se manifeste de façon grandissante. Les borborygmes qu'émet mon estomac dévoilent ce cratère béant qui ne demande qu'une seule chose : être remplit. Je ne sais pas de quoi est faite cette île mais je prie sincèrement pour qu'elle soit emplie de ressources qui feraient frémir mes papilles. Rien que d'y penser, j'en ai des frissons qui courent du bas de mon dos jusqu'aux creux de mes clavicules. 

Je pars me laver les mains à l'aide de cette eau salée qui vient lamentablement se heurter au sable doré. Je m'accroupis et frotte activement ces dernières afin d'enlever la terre qui y figure. Je cure mes ongles et fait disparaître la noirceur qui s'était immiscée sous eux. 

Brusquement, quelqu'un me pousse de sa jambe ce qui me fait légèrement vaciller à tribord. Je me redresse et me rend compte que c'est ce moins que rien de Silver.

- Qu'est ce que tu veux ? Je questionne, le regard tendu.

- Ces abrutis dorment. Alors je me disais, toi, moi, toi et moi ?

- Dans tes rêves, je grogne.

Au même moment, je saisis une poignée de sable et lui balance vivement dans la figure. Silver lâche un juron tout en se frottant les yeux. Je tourne les talons et m'éloigne de lui. Il se met alors à beugler :