CHAPITRE IV : Traqueuses traquées

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(Pdv de Romie Corbot)  

Il est incontrôlable, insaisissable. Il passe trop vite, il est si long. Il anime en moi l'instinct face aux circonstances brûlantes et pourtant, il me ramène aussi vers mes pires instants. Le temps est fourbe, vicieux. Je ne le comprends pas, il ne me comprend pas non plus. Et pourtant, il fixe des limites. De sa main, je ne suis qu'une marionnette. Il me trouve, il me perd et me trouble.

Je ne sais pas depuis combien de temps je suis à la recherche de Ligie. L'Aube s'est éveillée. C'est un paradoxe, vraiment. Le tremblement s'est calmé alors que le nuit se dissipait. Je suis exténuée et si fatiguée. Mon cerveau ne me permet pas de penser, il ne me rappelle pas que j'ai faim ni encore que je dois boire tant ma gorge est sèche. Non, il me répète sans cesse, tel le réveil matinal, que j'ai perdu Opale. A cet instant précis, je suis lente, inutile, inefficace. Que quelqu'un me trouve, par pitié. Ou bien... que quelqu'un la trouve. J'ai besoin d'arrêter de penser à la retrouver parce qu'honnêtement, sincèrement, j'aimerai m'éteindre pour ne plus sentir ce cœur qui, au fond de ma poitrine, se serre lorsque l'image d'une Ligie morte apparaît.

A bout de force, je m'arrête quelques secondes au pied d'un arbre. Je ne sais pas où je suis... La Terre semble tourner lorsque je regarde le ciel, c'est affreux. Non, attends... C'est somptueux. Je ne pense pas avoir la force de crier à l'aide. J'ai envie de dormir, voilà ce dont j'ai réellement besoin. Une odeur putride vient fouetter mon nez. C'est mon épaule et ce sang séché. Je grimace et laisse tomber ma tête en arrière, sur ce tronc qui paraît si confortable pour mon dos. Pour tout dire, je n'ai rien senti lorsque je suis tombée. Je ne voyais que de vulgaires égratignures face à ce séisme qui abattait tout sur son passage. Ma blessure me paraissait si risible, alors que je me battais pour ma propre survie. Mais avec ce sommeil qui me guette, je sens quelques picotements gênants. Mais c'est positif, je crois. Au moins, mes yeux restent plus ou moins ouverts. Aller Romie, continue.

Je me relève soudainement. Penser à s'écrouler, c'est comme abandonner. Lentement mais sûrement, un pas devant l'autre, je tente de continuer ma route. J'ouvre grands mes yeux. J'aimerai juste apercevoir cette chevelure auburn fougueuse, ces yeux bleus et ce regard chafouin. Sans compter cette saloperie de combinaison kaki... Un sourire éphémère craquelle mon visage. Je secoue ma tête et attrape un bâton. Je m'appuie sur ce dernier pour alléger mes jambes tremblantes. Le temps est doux, l'air frais. C'est une réelle source de vie pour une fille comme moi. J'apprécie sans vraiment apprécier, mais j'ai cette sensation que c'est bon. Oui, c'est vraiment bon. 

Alors que je marchais interminablement, je me surprends à emmêler mes pieds et me retrouve dès lors projetée vers l'avant. Les bras tendus, je limite la chute qui se termine en glissade. Mon être est comme entraîné par cette pente et le tout s'enroule jusqu'au terminus. Des feuilles pleins les cheveux, je suis immobilisée sur le dos.  De vulgaires douleurs s'animent en moi comme des rappels à l'ordre. Mais qu'est ce que tu fous Romie... Retrouve plutôt les autres et partez ensemble à la recherche de la disparue. Je ne peux pas... Revenir sur mes pas ne serait-il pas une perte de temps ? Suis-je efficace dans cette forêt affriolante ? Ne t'ai-je pas manqué, Opale ? Es-tu étendue comme je le suis, désespérée, seule, vulnérable ou peut-être mourante ? Je suis désolée... Pourquoi avoir désobéit aux ordres constructifs de Park ? Et toi alors, pourquoi m'avoir suivi ? Tu sais, j'ai apprécié que tu le fasses et tu veux savoir pourquoi ? Parce que je ne voulais pas vivre cette découverte seule. C'était bien d'avoir ce secret entre toi et moi. Et puis, tu sais lire mon regard de braise comme je sais lire ton regard givré. Enfin, je crois... je le sens et puis tu le sais, toi. Je t'imagine regarder ce ciel flamboyant qui semble tant te fasciner. Dis moi juste que tu vis, que tu es encore là. Puis surtout, que ça n'est pas ma faute, que je ne suis pas une nouvelle fois cette misérable coupable. 

Balmeon05Where stories live. Discover now