CHAPITRE V : Le loup solitaire

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(Pdv d'Opale Blank)  

Je me réveille difficilement, un peu abasourdie. Les souvenirs de ce phénomène météorologique viennent petit à petit frapper ma mémoire. Je me rappelle de Romie, qui me tendait un fruit qui semblait succulent, avec un sourire lumineux, puis ce tremblement soudain, inattendu. Je ne comprends pas ce qui s'est vraiment passé, comment ai-je fait pour me retrouver séparée d'elle comme ça ? Je n'ai jamais été morte pour voir à quoi ressemble l'enfer, mais j'aurai juré que ça en était un. C'est comme si nous avions touché au fruit défendu, à l'instant même où nous avions eu l'idée de le dévorer, la nature s'en était prise à nous, elle nous a clairement damné. Tout s'effondrait autour de nous. Les branches des arbres ressemblaient à de longs bras, essayant de s'emparer de nos âmes. Les troncs des arbres  avaient l'ombre des démons qui rugissent dans la nuit, faisant échos aux grondements de la terre. Le sol se craquelait sous nos pieds, tentant de nous entraîner dans les tréfonds du monde. L'enfer, oui, c'était bien ça.

 J'essaie de me redresser, mais j'ai du mal. Ma jambe, qui semble elle aussi se réveiller d'un coup, me lance énormément. Je constate qu'elle est bloquée par un tronc fendu en deux. J'essaie de tirer sur ma jambe, afin de la dégager, mais je n'arrive qu'à me faire pousser des cris de douleurs horribles. C'est comme si quelqu'un s'amusait à scier ma chair, sans avoir préalablement endormie mes membres. Je m'acharne sur celle-ci, et sur l'arbre pendant quelques minutes, alors que mes forces diminuent petit à petit. Le tronc n'est pas si lourd, je le sens , c'est juste que je n'ai pas assez de force.  Je persévère, je n'abandonne pas, je lutte, je crie, je rugis presque.  Au bout d'un moment, je retombe au sol. J'ai de la sueur partout sur le front, je ne fais que me déshydrater pour rien.

Je ferme les yeux un instant et me laisse le temps de reprendre mon souffle. J'écoute ce qui m'entoure, et me délecte du silence environnant, quelque chose de si rare de nos jours. J'entends le bruissement des feuilles, le souffle du vent, le chant des oiseaux. J'entends la nature qui reprend ses droits, qui s'adapte bien plus vite que nous ne le ferons jamais. Je repense à Romie, je me demande si elle est toujours en vie ?... Mais quelle question, cette fille est bien plus tenace qu'on ne le croit, elle doit  déjà être debout sur ses petites pattes. Et moi je suis là, effondrée, telle une poupée de chiffon. Je ne peux pas me sentir aussi faible.

Je laisse tomber ma tête sur le côté. C'est alors que mon regard se pose sur un rocher. Je plisse des yeux, alors qu'une idée vient germer dans mon esprit. Bon sang Opale, pourquoi tu n'utilises pas plus souvent ton cerveau ? Je relève vivement  mon buste et analyse une fois de plus les alentours. J'examine les branches, leur tailles, les cailloux et les rochers, j'analyse tout ce qui pourra m'être utile. Je m'étire pour atteindre la roche la plus disposée pour mon projet. Elle est assez lourde, et j'ai du mal à la déraciner. Je creuse alors, avec mes doigts, tout autour de celle-ci, pour pouvoir l'extirper de la terre. Mes ongles deviennent noirs, mais je m'en fou. Quand je réussis enfin à l'attirer vers moi, je creuse un peu sous l'arbre qui me maintient emprisonnée, et je place l'aérolithe à l'endroit le plus stratégique. Ensuite, je prends un granit avec une coupe pointue, et je viens m'acharner sur une branche qui me semble assez solide. Je tape sur sa base de toute mes forces avec la pierre. Après une centaine de coups, je peux enfin l'arracher. Je fabrique alors une sorte de pivot, avec la roche que j'ai positionné sous l'arbre, ce qui devrait me permettre de la soulever assez pour m'extirper de là. Alors que je reprends mon souffle, je me lance alors dans cette expérience que j'espère fructueuse. Je place mon poids afin de faire pivoter le tronc, et à mon plus grand enchantement, la branche ne se brise pas. Le tronc se soulève juste assez longtemps pour que j'enlève ma jambe, et l'arbre retombe avec fracas sur le sol. 

Je pousse un  cris de victoire et de douleur. Je me recroqueville sur moi-même quelques secondes. La douleur est telle que des larmes viennent se loger aux coins de mes yeux. Tu ne vas pas pleurer quand même ? Tu es Opale Blank, tu n'es pas une pleurnicheuse. Je renifle et ravale cette eau salée. J'examine ma jambe, en faisant remonter mon pantalon kaki. Heureusement, la combinaison m'a protégé des échardes, je n'ai que des blessures superficielles, et  un énorme bleu, formé à cause du poids de l'arbre. Mon os ne semblent pas non plus cassé, il a prit un choc, c'est certain, mais si je fabrique une atèle de fortune, elle devrait guérir bien vite. Je commence par fendre une branche que je trouve bien droite en deux, puis, avec des lianes que je découvre aux alentours, je commence à amarrer la pseudo planche que je me suis faite derrière  et devant ma jambe. Je fais en sorte de bien serrer. Ça fait très mal, mais je supporte la douleur.

Balmeon05Where stories live. Discover now