Chapitre II : Le héros

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Chapitre 2 : Le héros

L'intérieur de la demeure s'apparente à une fournaise où le chaos règne en maître. Tout est sombre. Il ne sait pas où il doit se diriger. Il ignore où se trouve la jeune fille. Malgré l'uniforme adapté à ce genre de situation, la chaleur lui brûle le corps. Il suffoque, il manque d'air dans son masque et sue à grosses gouttes. Il essaie de se concentrer sur sa respiration pour se calmer. Inspiration, expiration, inspiration, expiration. Il entend son souffle saccadé dans son casque, son crâne bourdonne à lui faire péter les tympans. A chaque pas, il essaie de synchroniser sa respiration. Il met alors en pratique les exercices de méditation appris durant la formation de sapeur-pompier. Il fait le vide et se concentre sur son objectif. Récupérer la fille et sortir vivant de cette fournaise. Il réussit à endiguer la panique qui menace de le déstabiliser et perdre ainsi tous ses moyens. Après quelques minutes, il retrouve enfin son calme. Tous ses sens sont en alerte. Imperceptiblement, il devine un cri, plus exactement une plainte. Faible, mais il l'entend. Il ne discerne rien, la fumée épaisse brouille sa vision. Se concentrant au maximum et faisant abstraction des éléments qui se déchaînent autour de lui, Jean-Charles se dirige au son des gémissements. Ils semblent provenir de ce qu'il perçoit comme étant une cuisine, où plutôt de ce qu'il en reste. Lorsqu'il pénètre dans la pièce, une poutre du plafond se détache et tombe lourdement derrière lui faisant voltiger des flammèches incandescentes. Il sent les poils de son dos se hérisser. Inspiration, expiration. Inspiration, expiration. Des étincelles jaillissent des fils électriques qui se balancent dangereusement au-dessus de lui. Son rythme cardiaque s'emballe à nouveau, son cerveau mesurant le degré de gravité de la situation. Il se répète inlassablement comme un mantra : tu peux le faire, tu dois le faire. Tu peux le faire, tu dois le faire.

Jean-Charles n'en est pas à sa première intervention. A trente ans, il a déjà vu bien des horreurs. La vocation, il l'a eue alors qu'il n'était encore qu'un enfant. Son père, lui-même pompier, avait inculqué à son fils des valeurs telles que le respect d'autrui et le don de soi. Il vouait une véritable admiration pour ce héros qui fut plusieurs fois médaillé honorant ses nombreuses interventions périlleuses, n'hésitant jamais à se mettre en danger pour sauver des vies. Il se souvient qu'un jour son patriarche avait été appelé pour éradiquer un feu qui se propageait à la maternité de Saint Pol sur Mer. Alors que la situation semblait être maîtrisée, une jeune femme était restée à l'intérieur. Quelques jours auparavant, elle avait donné naissance à un prématuré qui nécessitait des soins particuliers. L'enfant sous couveuse ne se trouvait donc pas avec elle au moment des faits. La maman était restée prisonnière du bâtiment avec son enfant en voulant retrouver celui-ci. Dans la panique générale, le personnel n'avait pas noté sa disparition. Lorsque la situation lui fut relatée, le père de Jean-Charles s'était précipité à nouveau dans l'enceinte en flamme avec son équipe qui lui vouait une admiration sans faille. Tous mesuraient le danger qu'il y avait à retourner dans ce brasier, mais ils connaissaient Henri. Il n'aurait pas supporté l'idée d'avoir laissé mourir la jeune fille avec son bébé. De toute façon, sans leur soutien, il ne réussirait pas à s'en sortir alors ils le suivirent sans même réfléchir. Au bout d'un temps, qui sembla interminable pour ceux qui étaient sains et saufs, un homme aux larges épaules sortit du brasier en tenant dans ses bras un petit amas de tissu. Lorsqu'il se dirigea d'un pas lourd vers les ambulances, il tendit avec précaution son précieux fardeau au médecin des urgences. Des cris se firent entendre, le bébé était sauf. Il se retourna et ne put empêcher l'émotion de le submerger. Des larmes formèrent des sillons sur son visage noirci lorsqu'il vit ses coéquipiers qui s'avançaient tenant dans leurs bras un corps inerte dont les membres lourds se balançaient mollement au rythme de leurs pas. Une pensée lui traversa l'esprit : une mort pour une vie. L'enfant vivait, mais la mère avait succombé aux fumées toxiques. Son corps avait servi de protection contre les flammes tel un bouclier. Pour le fils unique qu'était Jean-Charles, cette histoire restera gravée à jamais dans sa mémoire. Son père, un homme fabuleux ressemblait à un super héros comme dans les Marvels qu'il affectionne tant.

La jupe écossaiseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant