Chapitre 9 : Hors de contrôle

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Janvier 2015 :

Chapitre 9 : Hors de contrôle

Depuis l'été dernier, Vanhaecke enquêtait sur des meurtres d'enfants. Plusieurs avaient été kidnappés, et retrouvés sans vie. Le psychopathe laissait derrière lui des victimes torturées, sur lesquelles il gravait, avec la pointe d'un compas, des signes correspondant à des messages codés destinés à narguer la police. Il s'évertuait à créer un jeu de piste morbide, à la suite de quoi il finissait par violer et tuer ses petites victimes laissant derrière lui des familles fracassées par le malheur.

Un jour d'hiver, où le chauffage faisait cruellement défaut au 36 quai des Orfèvres et où seules les tasses de café noir permettaient à chacun de se réchauffer un peu, une bande « alerte enlèvement » tournait en boucle sur les écrans. Deux enfants venaient d'être kidnappés à leur tour. Une camionnette noire avait été repérée aux abords d'une aire de jeux, lieu de l'enlèvement. Cela faisait plusieurs mois que Vanhaecke suivait avec son équipe le faucheur - c'est ainsi que l'avait surnommé la BC (brigade criminelle)-, sans jamais pouvoir le confondre. Les experts avaient fini par décrypter les indications laissées sur le corps des victimes. Un des criminologues avait conclu que le psychopathe espérait, au travers de ses inscriptions, que la police l'arrête afin de mettre fin à ses pulsions sadiques. Puis, le jour tant espéré arriva enfin. Il se souviendra longtemps de ce samedi 17 janvier 2015. Durant six mois, le criminel s'était amusé au chat et à la souris avec la police, bouffant les nerfs de chacun telle une sangsue assoiffée. Beaucoup avaient perdu le sommeil et Vanhaecke le premier. Cependant, cela fait bien longtemps que les cauchemars hantent ses nuits ne lui laissant aucun répit. Le puzzle était enfin reconstitué et la police connaissait l'endroit où le malade séquestrait les enfants. Nerveux et, devant l'annonce lugubre qui défilait sans cesse devant ses yeux rougis pour l'avoir fixé durant des jours, le commandant décida d'enfourcher son bi cylindre noir et s'élança sur le périph humide et glissant, suivi par les véhicules banalisés de ses co-équipiers. Pas question d'arrêter le tueur seul et prendre le risque que l'affaire ne lui échappe. En slalomant entre les voitures, et en grillant ostensiblement les feux de signalisation, il se souvenait de chaque visage de ces petites victimes, toutes innocentes dont le seul crime était d'avoir rencontré le mal personnifié. Le hasard ne faisait pas bien les choses contrairement à ce que disait le vieil adage. La morsure du froid s'engouffrait dans son blouson en cuir, mais l'adrénaline le dopait et le réchauffait. Il aimait l'action et il sentait que le dénouement touchait à sa fin. Il savait aussi qu'il avait intérêt à contrôler ses instincts vengeurs s'il ne voulait pas déraper. Depuis l'affaire de l'artiste, le commandant n'était plus le même homme. Comme de coutume, le périph bondé, rendait la circulation difficile ce qui le rendait nerveux. Au bout d'heure de tête à queue et de klaxon intempestif, il entrevit enfin l'entrepôt, l'antre du tueur. Chaque voiture se positionna et chacun se tenait prêt à donner l'assaut au signal du commandant. Vanhaecke était toujours sur sa monture d'acier. Le pot d'échappement de sa bécane crachait des fumées blanches qui s'unissaient aux respirations haletantes de ses hommes fébriles. Il inspecta avec minutie la position de ses troupes. Il analysa la cachette du tueur espérant trouver une entrée discrète. Il en étudia chaque recoin à la recherche d'une faille qui permettrait à l'assassin de s'enfuir. Le bâtiment de petite taille était dépourvu d'étage. Toutes les chances étaient réunies pour que le criminel se trouvât dans ce lieu sombre et crasseux. Ni tenant plus et sans plus de réflexion, se gardant bien de prévenir l'équipe de son intention, il s'élança en trombe. Dans un bruit assourdissant, il percuta sa moto à travers les vitres qui se brisèrent sous la violence du choc et devant les regards médusés de ses collègues qui ne réagissaient plus. Le bolide d'acier se fracassa sur le mur d'en face sous une pluie de verre brisé. Vanhaecke roula sur le sol, se releva arme au poing mettant en joue le violeur assis devant une misérable table, se pétrifiant face au monstre noir qui se tenait devant lui. La stupeur de l'assassin fut de courte durée. Ce dernier affublé d'un sourire mauvais se releva brusquement de sa chaise en jetant la table devant lui. Cependant, Vanhaecke se déplaça sur le côté pour l'esquiver et tira dans les genoux. Une balle dans la rotule gauche, une autre dans la droite. Comme dans un mauvais film, le psychopathe s'écroula au ralenti sur le sol, tel une marionnette désarticulée dont les fils auraient lâchés les uns après les autres. Agrippant ses genoux en hurlant de douleur, il regardait ses mains recouvertes de sang qui tentaient de juguler l'hémorragie. Les jets pourpres jaillissaient à travers ses doigts tremblants devant le regard froid du commandant qui continuait de le menacer avec son parabellum. L'assassin jurerait qu'il allait le tuer. Une lueur de folie brillait dans le regard du policier. Alors que ses inspecteurs accouraient sur les lieux, Vanhaecke, toujours casqué, se détourna de ce dernier et défonça à grands coups de pied la porte d'une espèce de placard exiguë d'où s'échappaient des pleurs d'enfants. Devant l'immense masse sombre qui venait de fracasser l'entrée, deux d'entre eux hurlèrent de peur. Comprenant la situation, le commandant de Police retira son casque pensant pouvoir les rassurer. Ce fut pire, des cris de terreur fusèrent de plus bel devant un visage dont les traits reflétaient celui d'un malade aux yeux exorbités. L'inspecteur Isabella Torine s'approcha doucement et demanda à Vanhaecke de la laisser faire. Celui-ci mordit sur ses dents, tic involontaire révélant son haut degré de nervosité. Il regarda cette dernière réussir à calmer les pleurs d'enfants. Il était médusé de voir combien elle savait s'y prendre avec les gamins elle qui ressemble à s'y méprendre à un mec. Dépité, il considéra que sa présence n'était plus utile. Il se dirigea l'air bougon vers l'extérieur et emprunta un véhicule de service, sa moto étant définitivement hors d'usage, à son grand regret. Il prit la route l'amenant jusqu'à son appartement parisien, à deux pas du commissariat, sous les hurlements des sirènes des ambulances. Tout en conduisant, il repensa à ces petits êtres morts de trouille devant son apparition. Il ne comprenait pas leur réaction lui qui venait de les sauver. Il avait toujours aimé les gosses, mais ce n'était malheureusement pas réciproque. En général, les bambins le craignaient. Il se demandait bien pourquoi. Avant le drame qui avait bouleversé sa vie, il souhaitait fonder une famille. Il désirait une progéniture nombreuse, lui qui était fils unique. Mais tous ses rêves avaient été brisés, balayés, anéantis. Désormais, il n'avait plus d'espoir, plus aucun projet d'avenir, il était vide de l'intérieur s'enfonçant chaque jour, un peu plus dans la noirceur de son chagrin, tentant de ne pas se laisser aspirer par les abymes de son âme sombre. Même si l'arrestation de cet être machiavélique le soulageait, il savait pertinemment qu'une autre enquête du même genre ferait bientôt son apparition. Le cycle éternel des enquêtes policières. Tout n'était qu'une question de temps avant qu'un autre malade ne fasse son apparition. Pour le moment, il avait un besoin impérieux de prendre une bonne douche pour se débarrasser de toute cette crasse qui lui collait à la peau depuis qu'il avait mis toute son énergie sur cette affaire. 

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⏰ Última actualización: Jun 15, 2017 ⏰

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