Chapitre 33

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          Calypso

          Les mains enfouies dans le sweat trop grand de mon frère, la tête baissée, je m'avançai telle une ombre entre les maisons. Le soleil était couché depuis peu, j'avais attendu une heure seule en forêt après le départ d'Annabelle. Même si ces retrouvailles avaient été merveilleuses, elles n'en restaient pas moins ce qu'elles étaient : une trahison pour les nôtres. Et nous devions protéger notre secret. À tout prix.

          Ma maison se dessina enfin. Arrivée dans l'herbe, je me figeais. La lumière du bureau de ma mère était allumée, comme les chambres de mes frères. Un silence de mort régnait. En flairant un peu, je perçus l'odeur de Cameron et Caleb. Les deux étudiants étaient rentrés en semaine. Connor avait dû les appeler après « l'incident ».

          Tiens c'est marrant ça d'avoir des guillemets dans ma tête. Fait à retester.

          Ne pouvant décemment pas escalader toute la maison pour me réfugier dans ma chambre, je me résignai à entrer par la porte comme une pauvre humaine.

          À peine entrée, la propreté de la pièce me frappa. Tout avait été nettoyé, alors que ma mère m'avait frappée à peine quatre heures plus tôt. Il ne restait rien, pas même un bout de verre. Bien sûr, le vide laissé par la table basse et les bibelots sur la commode étaient flagrants, mais pouvait être dû à un changement de décoration, et non une attaque vampirique.

          Je sursautai en entendant des pas dans l'escalier. Connor se tint devant moi, blafard. Il étudia mon visage avec attention, notant certainement que je devais ressembler à Quasimodo.

          — Calypso...

          Avant qu'il n'ajoute quoi que ce soit, je me blottis contre lui et posai ma tête sur son épaule. Je ne voulais ni excuse ni pitié. Je ne voulais pas non plus qu'il me demande comment j'allais.

          Parce que j'allais bien. Merveilleusement bien. Le fait que ma mère me haïsse du plus profond de son être et ait essayé de me tuer n'avait aucune importance. Aucune.

          Même avec le visage tuméfié, des côtes cassées et des plaies partout, je me sentais entière, enfin moi. Ce corps que j'avais toujours chéri comme l'arme de destruction massive qu'il était m'importait peu. Mon apparence, j'en m'en fichais. Parce que je respirais, je vivais, j'aimais.

          Contre mon frère, je compris que je ne pourrais jamais revenir en arrière. C'était trop tard. J'avais emprunté un chemin dangereux, qui menait je ne sais où. Un chemin le long duquel j'allais beaucoup souffrir et faire souffrir, cela ne faisait aucun doute. Pourtant, je n'avais aucun regret. Parce que je marcherais avec la main d'Annabelle dans la mienne, et c'était tout ce qui comptait.

***

          À tout juste six heures du matin, je m'habillai et remplis discrètement un sac avec de la nourriture. J'enfilai mes baskets et une veste de sport, puis filai avant que quiconque se réveille.

          Bien sûr, elle était déjà là.

          — Putain mais t'as une horloge biologique de mamie sérieux ! Je suis sure que tu n'as pas mis de réveil, la provoquai-je en tombant dans ses bras.

          — Pas besoin, j'ai à peine dormi.

          Nous nous enlaçâmes avec délice puis nous installâmes pour petit déjeuner. Installées sur notre couverture au milieu des bois, c'était comme si rien n'avait changé.

HowlingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant