Perdue dans le noir - Part1

Chapitre 1

Mes mains, posées entre mon visage et le sol crasseux, étaient engourdies et gelées. Je ne savais pas où je me trouvais. Tout en me concentrant pour entendre une éventuelle présence, je tentais de me rappeler les derniers événements. Ceux qui m'avaient conduite ici, dans le noir le plus complet. Mes souvenirs semblaient flous. Je me revoyais marcher dans la rue, plongée dans le noir, pas loin de chez moi. Je rentrais après une soirée de baby-sitting. Il devait être deux heures du matin, il faisait si froid que la chair de poule tiraillait ma peau jusque dans mon dos. Je me rappelle avoir voulu couper par le square pour rentrer plus vite et avoir difficilement escaladé le mur en m'écorchant les mains au passage. Il faisait trop sombre pour avancer, alors j'avais pris mon téléphone portable pour voir où je mettais les pieds, puis plus rien. Ma sœur m'attendait chez moi, elle était en ville pour quelques jours... qu'avait-elle pensé en ne me voyant pas rentrer ? Quelque part sur ma droite de l'eau coulait, goutte par goutte, dans un récipient métallique. Un courant d'air faisait danser mes mèches de cheveux juste sur ma nuque. Le froid réveillait la douleur sur mon crâne. Mes cheveux étaient collés par le sang. Que m'était-il arrivé ? Du côté du courant d'air j'entendais des pas lents qui venaient vers moi. Sans bruit, je tournais la tête avec prudence. Ma gorge était elle aussi très douloureuse, comme si je n'avais pas bougé depuis des jours. Un rai de lumière jaune filtrait sous une porte, parfois taché par une ombre.

- Aidez-moi !

Je tentais de crier mais ma mâchoire s'ouvrait à peine. Mes mots étaient inaudibles, ma bouche sèche et pâteuse. Réunissant toutes mes forces je me fis violence pour ramper jusqu'à la porte. Dans le faible halo qui filtrait je vis mes mains écorchées et sales, couvertes de terre et de sang. Je frappai une fois, mollement. La porte était en métal et trembla bruyamment sous le choc malgré la faiblesse du coup. La poignée grinça et soudain la pièce se retrouva baignée de lumière. Aveuglée, je roulai sur le côté pour échapper à la luminosité qui me brûlait les yeux. On me fit basculer sur le dos, puis quelqu'un me souleva. Mon corps se raidit, comme s'il savait quelque chose que j'ignorais. Je devais me souvenir, mais de quoi ? Ses bras se placèrent sous mes genoux et autour de ma taille, il était fort. Il me souleva et m'emmena sans peine. Les yeux fermés, je m'accrochai à son cou en serrant les dents pour résister à l'envie de hurler de douleur. Mes genoux et mes bras étaient écorchés. Mon corps blessé et mes articulations meurtries. Bercée par le rythme régulier de ses pas, je finis par replonger dans l'inconscience.

À mon réveil la douleur avait empiré. Je ne pouvais plus bouger la tête, mon cou me faisait trop mal. Comme si on me plantait des milliers d'aiguilles dans la nuque. Et j'étais si faible. Le sol était imbibé par un liquide poisseux et nauséabond qui souillait mes vêtements et collait à ma peau glacée. Si j'avais eu quelque chose dans le ventre, je l'aurais vomis. À la place, mon estomac se contractait dans le vide, secouant mon corps de spasmes douloureux qui faisaient remonter un goût acide sur ma langue. J'étais à nouveau dans l'obscurité angoissante juste troublée par le rai de lumière sous la porte. Il n'y avait plus de courant d'air pour chasser l'odeur. J'avais peur de bouger, peur de raviver des douleurs que je ne soupçonnais pas. Tremblante de froid mais pas seulement. Je ne me rappelais de rien mais sentais que mon corps, lui, se souvenait : je devais avoir peur. Non à cause de l'obscurité ou de l'inconnu. J'étais une proie prise au piège, je le savais. Si faible que je n'étais pas certaine d'avoir les yeux vraiment ouverts, étais-je seulement réellement en vie ? Et alors que je flottais en surface de ma conscience, je sentis qu'on me touchait. On agrippait ma cheville ! Quelque chose plantait ses griffes dans ma chair ! Je trouvais la force de hurler en direction de la lumière.

- À l'aide ! Il y a quelque chose ici ! Aidez-moi je vous en prie !