Acte 1 Scène 3

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???


(??? rentre)

??? : Elle est quand même belle la vie qu'on lui a faite. Deux conseillers pour guider son parcours...parcours faramineux par ailleurs. Renommée internationale, acclamé par toutes les foules... (marque une pause) Bon certes, ses deux conseillers ne sont jamais d'accord et il a peur des foules. La poignée de sable de l'engrenage, tellement absurde et contre-productive qu'on ne peut que se demander comment ces défauts n'ont pas été remarqués lors de la conception... Cet angle de réflexion est mauvais. Car c'est justement le côté remarquable de ses défauts qui en font toute la saveur. Quel intérêt trouverions nous donc dans l'observation de ce personnage sans ces défauts qui le rendent ridicules ?

Nous pouvons donc être fiers de notre création, et pourtant...je doute que cela suffise à vous divertir bien longtemps. (Se tourne vers le public) N'est ce pas, cher public ? On ne vous voit pas très bien...(claque dans ses mains. La lumière éclaire le public)...ah, c'est mieux ainsi. Comment allez vous ? Bien, n'est ce pas ? Après tout, vous n'avez aucune raison d'aller mal. Parfait, parfait...

Je disais donc : je doute fortement que la vie actuelle de Jean Ernestin vous intéresse encore longtemps. Vous ne voulez pas d'un mauvais Vaudeville usant sans cesse des mêmes ressorts comiques graisseux. Non, ce que vous voulez, c'est une intrigue prenante, des registres variés, des rebondissements... Je suis en mesure de vous les apporter.

(??? sort un boitier de sa poche)

Ceci est un dispositif de ma création. Je l'ai baptisé "bombe scénaristique". Le principe est simple : une fois que j'aurais appuyé sur ce bouton, la bombe explosera. Mais elle ne touchera que les gens vêtus de gris. Vous savez, les spectateurs du festival. Ainsi, la vie de Jean Ernestin et de tous ces gens va prendre une tournure bien plus dramatique...

(??? se met alors à circuler dans le public)

Permettez moi de vous reposer la question : comment vous sentez vous ? Vous sentez vous compatissants, tristes, frustrés pour tous ces gens vêtus de gris qui n'ont pas mérité cela ? (marque une pause) Non. Vous vous sentez bien. Après tout, vous n'avez aucune raison d'aller mal. Je dirais même que certains d'entre vous n'attendent qu'une chose : c'est que j'appuie sur le bouton pour que l'histoire continue.

(??? revient sur scène)

Parce qu'au fond, vous n'en avez rien à faire de la vie de tous ces gens qui s'apprête à être bouleversée par un simple geste. Tout ce qui vous importe, c'est le spectacle. Vous resterez assis et apprécierez les pires atrocités, tant qu'elles sont commises sur scène. Preuve s'il en fallait une : je suis seul, pas spécialement musclé et je me suis baladé parmi vous avec le dispositif à la main. Il aurait suffi que quatre ou même deux d'entre vous se lèvent pour m'arracher la bombe des mains, et vous auriez sauvé la vie de toutes ces personnes.

C'est pourquoi vous pouvez d'ores et déjà admettre que ce qui va se produire est de votre faute...

(??? claque dans ses mains. La salle entière devient noire.)

...mais n'ayez crainte, vous aurez l'occasion de vous racheter.

(??? appuie sur le bouton. Un bruit d'explosion se fait entendre.)

La prise de sangWhere stories live. Discover now