Chapitre 43

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Le bruit du métal qu'on tordait retentissait dans la forge, malgré les cloisons qui la séparaient de l'endroit où était entreposé tout ce qu'ils vendaient. Mon cœur battait toujours aussi précipitamment. Je me mis à observer les lieux sombres, et n'aperçus qu'un homme, pour le moins musclé, qui avait son regard fixé sur moi. Il me regardait avec suspicion, mais finit par annoncer :

- Bienvenu à la forge Vulcain.

- Bonjour, est-ce qu'Alexandre serait ici ? On m'a dit qu'il travaillait à cet endroit, maintenant.

L'homme dont la grande barbe cachait la moitié de son visage, plissa les yeux, mais finit par répondre d'un ton bourru.

- Il est là, effectivement.

On entendait en effet le choc de deux métaux qui se rencontraient, à force d'être tapés l'un contre l'autre. Le forgeron n'avait pas l'air de vouloir continuer la conversation et me regardait d'un œil suspicieux. Je le comprenais, je devais faire peur, avec mes cheveux emmêlés et ma tunique qui allait bientôt tomber en lambeaux. Je finis par danser d'un pied sur l'autre, mal à l'aise.

- Aurais-je la possibilité de le voir ? voulus-je savoir.

Ma voix s'était faite toute petite. Je ne sais pour quelle raison, cet homme m'intimidait. Il marmonna dans sa barbe, visiblement peu ravi par ma question.

- Il a du travail, vous pourrez le voir dans quelques heures.

- Je vous en prie, plaidai-je en m'avançant. C'est très important et malheureusement, je n'ai pas beaucoup de temps devant moi.

- C'est cela, ou rien, me contra-t-il.

J'allais encore une fois protester, quand les bruits de métaux cessèrent. Des pas se firent entendre et une tête blonde familière apparut au seuil de la porte. Lorsque ses yeux bleus rencontrèrent les miens, ils s'écarquillèrent de surprise et il ne put s'empêcher de lâcher un cri de surprise.

- Nom de Jupiter !

L'émotion monta rapidement en moi et je souriais trop, les larmes aux yeux. Le barbu à côté de nous, nous observait les sourcils froncés, avant de soupirer.

- Je vous laisse quinze minutes.

Et il fit demi-tour. Alexandre, lui, continuait à secouer la tête, comme-ci il n'en croyait pas ses yeux. Finalement, il m'attrapa le poignet et me dirigea dans la pièce qu'il venait de quitter. Il faisait beaucoup plus chaud, et toutes sortes de métaux étaient entreposés ou chauffés à blanc. Légèrement nerveuse, je n'osais le regarder dans les yeux. Je finis néanmoins par le faire et ne rencontrai aucune colère. Je soupirai de soulagement.

- Je suppose que tu as eu la lettre.

Oui. Comme première phrase après quatre mois d'absence, j'aurais pu faire mieux. Il pinça les lèvres et s'assit sur un tabouret.

- Oui, j'ai eu la lettre, Daphnée. J'ai lu cette lettre un nombre incalculable de fois. Mais à chaque lecture, ma sensation restait la même. Cela faisait mal.

Il parlait d'un ton si sérieux, que cela n'était pas habituel. Il paraissait presque détaché et cela me fit peur.

- Tu sais, reprit-il, au début, j'ai bien cru que c'était une farce. Je me suis dit, non elle ne ferait quand même pas cela. Elle ne risquerait pas sa vie et n'abandonnerait pas ses frères pour un homme... Et bien si.

Il fit une pause avant de poursuivre, tandis que mon cœur se serrait.

- Pour tout te dire, je suis soulagé de te voir. A certains moments, je me disais que je ne te reverrai pas avant des années. Je te haïssais, car tu nous privais de toi, sans nous avoir demandé notre avis. Tu laissais derrière toi un enfant de dix ans qui avait besoin de sa grande sœur. Tu partais avec ton maître qui t'avait déjà fait souffrir. Mais tu sais ce que c'est le pire ? C'est que même dans ces instants, je ne t'en voulais pas, car je te comprenais. Tu n'étais plus esclave, tu étais heureuse et avec la personne dont tu étais tombée amoureuse.

La tête baisséeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant