Chapitre 46

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Je n'eus pas le temps de réagir. Je reçus un violent coup dans la mâchoire. Trop sonné, je reculai et observais Alexandre, hors de lui. Il me poussa de toutes ses forces en arrière, mais je ne fis rien pour l'arrêter. La phrase tournait en boucle dans ma tête. Ils avaient Daphnée. Mes craintes étaient fondées. Je rencontrai le regard fou de son meilleur ami.

- Si elle est morte par ta faute, je te tue ! explosa-t-il en s'apprêtant à me ruer de coup.

Je me redressai d'un bond avant de l'empoigner par le col de sa chemise et de le bloquer contre le mur.

- Réfléchis aux conséquences de tes actes avant d'agir, tu veux ? murmurai-je, menaçant.

Il me poussa et se dégagea de mon emprise, la mâchoire contractée et les muscles bandés.

- Et arrête de faire autant de bruit, repris-je. Nous risquons d'être entendus par ton maître. Je ne suis pas sûr qu'il apprécie de te voir inactif et avec de la compagnie.

Il grogna et partit brusquement s'asseoir sur un tabouret. Je voyais sa jambe droite tressauter, dans la faible luminosité. Je fermai les yeux et tentai de réfréner cette peur enflant en moi. Où était ma Daphnée ? Qu'étaient-ils en train de lui faire subir, en ce moment-même ? J'avais le ventre noué. Comment pouvais-je venir à elle ? Il m'était impossible de toquer à toutes les portes des maisons romaines et de vérifier l'intérieur. Si elle était en dehors de Rome, les chances de la retrouver étaient presque irréalisables . Les agresseurs pouvaient prendre toutes les directions possibles. J'étais complètement inutile pour elle.

Je m'adossais contre le mur et regardais à nouveau le papier, maintenant froissé. « Au moins, nous serons sûrs que plus jamais tu ne tromperas ta femme. » Mon cerveau réfléchissait à toute allure. Les personnes ayant fait cela avaient forcément un lien avec Rosa, si elles étaient au courant des fiançailles qui nous unissaient. Elles savaient également qui était Daphnée puisqu'elles l'avaient attrapée sans que je ne sois avec elle.

De nombreux patriciens avaient appris mon union avec Rosa, mais seul Sébastien savait que j'étais parti avec Daphnée. Sauf si la nouvelle s'était répandue par ses esclaves, sans qu'il ne puisse le contrôler... J'avais désormais une piste sur l'identité, mais cela ne m'avançait pas sur le lieu. Il fallait que je me dépêche.

Je ne pouvais pas me rendre chez Sébastien et lui extorquer des réponses. S'il me voyait, il me forcerait à me marier avec sa fille, ou il pourrait faire du mal à celle que j'aimais. Mon cœur était déchiré. Je ne voulais pas me marier avec Rosa, mais je souhaitais plus que tout retrouver Daphnée et la mettre en sécurité. J'allais me rendre chez Sébastien. J'étais prêt à payer le prix de mon inattention. Je me levai et me dirigeai d'un pas déterminé vers la sortie, sans un regard en arrière.

- Où vas-tu ? s'étonna Alexandre en redressant la tête.

- Il faut que j'aille chez Sébastien, c'est forcément lui.

- Mais tu es fou ! s'exclama-t-il. Si tu t'y rends, tu sais très bien ce qu'il t'attend ! Tu crois sincèrement qu'il va gentiment libérer Daphnée et la laisser partir, si tu arrives ?

Mes épaules s'affaissèrent. Il avait raison, ce n'était pas la bonne solution. Je soupirai et repartis m'asseoir en posant le papier que j'avais froissé, sur la table. Alexandre se frotta les yeux, et l'attrapa pour relire ce qui était écrit. Soudain, il fronça les sourcils et son regard s'éclaira. Je fus tout de suite plus attentif.

- Que se passe-t-il ? m'enquis-je.

- Le papier, regarde.

J'y jetais un œil, mais ne remarquais rien. Comme je ne comprenais pas, Alexandre m'éclaira. Il pointa du doigt une tâche sur le côté.

La tête baisséeWhere stories live. Discover now