Chapitre 43 : La renarde et le chasseur

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Contre toute attente, cette petite explication avec Alice eut plus d'effet que prévu. Lorsque je lui avais annoncé que Thomas m'emmenait à Thiers, elle avait commencé à me demander de tout prévoir, avec l'hiver toujours rude, et de bien me protéger au cas où Thomas et moi finirions par... coucher ensemble – évidemment, elle l'avait dit en termes beaucoup vulgaires. Puis, elle avait poursuivi en me faisant presque promettre de lui raconter tous les détails croustillants. Pourtant, rapidement, elle s'était interrompue pour finalement s'excuser.

— Désolé, je ne voulais pas m'immiscer dans votre histoire, avait-elle dit. Pense juste à bien te protéger, hein ? Après, le reste n'appartient qu'à vous.

— Alice... Je sais que je t'ai demandé de me lâcher un peu mais ne t'éloigne pas pour autant à ce point ! Je voulais simplement avoir affaire moi-même aux genres de situations semblables à celle que je t'ai reproché. Qui serait ma meilleure amie si elle ne me demandait de lui raconter tous les trucs osés de ma relation avec mon petit-ami ? était ce que je lui avais répondu, plutôt surpris des effets du sermon que je lui avais donné.

Alors, elle m'avait offert un petit sourire timide pour finir par redevenir la fille déjantée et mystérieuse que je connaissais. Au fond de moi, la culpabilité était palpable. Je m'en voulais un peu de lui faire ce reproche, après tous les efforts qu'elle avait fourni lors de la mort de ma famille. Je savais qu'elle s'était sentie investie d'un devoir de protection. Sur le coup, même si je l'avais remarqué, je n'avais rien fait. Là, la mise au point avait été nécessaire. L' « incident » avec Arthur l'avait prouvé. Sans rien me dire, ce qui aurait été impensable auparavant, elle l'avait rabroué d'une manière plutôt violente. Peut-être que mes sentiments pour le concerné accentuaient involontairement la gravité de la situation, et je ne niais pas cette constatation. En être conscient suffisait.

Ce fut donc le cœur léger que je pus passer la seconde partie de mes examens. Le temps passa si rapidement que je fus surpris lorsque je vis un message sur mon téléphone de la part de Thomas qui me dit qu'il avait réservé les billets de train pour Thiers. Je le prévins immédiatement que je le rembourserais dès que nous nous verrions. Au fond de moi, j'angoissais un peu vis-à-vis de ces quelques jours. Certes, nous avions déjà passé plusieurs journées ensemble et même un voyage au ski, mais nous avions rarement été seuls à ce point. Thomas, lorsque nous débutions notre relation, m'avait dit qu'il supportait mal les « relations à distance ». Il avait expliqué ce terme comme un couple qui n'échangeait que par sms ou appel téléphonique. Mettre un cœur à la fin d'un prénom, d'après lui, n'avait rien de romantique par rapport à un simple repas entre amoureux, même si aucun baiser n'était échangé. Il n'avait pas tout à fait tort en parlant de dénaturation de la relation amoureuse à cause de tous ces moyens de communication, même s'il fallait vivre avec son temps. Seulement, il était facile de prendre uniquement quelques cas à part et les transformer en cas généraux. Thomas le savait mais cela ne l'empêchait pas de les prendre comme exemples.

Ainsi, si j'étais effrayé, c'était en raison de l'énergie que mettait mon petit-ami dans ces rencontres, quand bien même nous ne couchions pas ensemble. Je prenais cette angoisse comme quelque chose de positif. Si j'avais peur de quelque chose, c'était bien parce que j'y tenais. Alice avait fait le même constat quand j'avais évoqué ce séjour à Thiers, ça m'avait fait chaud au cœur. D'ailleurs, je me doutais qu'une partie de ce doute soit en partie dû à ma meilleure amie et ses sous-entendus salaces à peine masqués.

Quoiqu'il en dût, le lendemain, Thomas et moi prîmes le train en direction de Thiers, dans l'ouest de la France. Comme il était toujours blessé au bras, nous ne pûmes prendre la voiture et, donc, étions forcés de prendre le train. Celui-ci n'était pas direct et mettait donc un temps fou pour relier Lyon à Thiers. C'était l'un des problèmes en France : il était quasiment impossible d'aller dans les campagnes avec un train direct, le réseau étant surtout développé dans les agglomérations. Après plus de trois heures de trajet – au lieu d'une heure en voiture –, je découvris la petite maison des grands-parents paternels de mon petit-ami.

Loup des bois et des rêves (M/M)Where stories live. Discover now