Chapitre 15

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Nous nous enfonçons dans la forêt, côte à côte. Je suis heureuse d'être ici avec lui, je me sens libre avec Caleb. Je n'ai pas besoin de mentir ou de me cacher, je me sens bien. Et malgré nos différences, je pense que quand une personne vous fait vous sentir aussi bien, on a pas en s'en éloigner. Un ami ne serait pas de refus ici. Il arrive à me faire oublier la raison pour laquelle je suis ici, comme une échappatoire où j'ai l'impression de m'enfuir du temps, des personnes du Cort et du Gouvernement. Cela me donne encore plus envie de continuer à le voir, quelques que soient les conséquences.
Ce qu'il m'a révélé sur les Particuliers ne fait qu'attiser ma curiosité. J'aimerais tellement en savoir plus, sur les Particuliers, sur ses dons, sur l'endroit où il vit, mais surtout sur lui. Mais nous avons du temps devant nous pour faire connaissance. Nous marchons toujours dans la forêt canadienne, des flocons de neige se mettant à tomber du ciel. Je lève les yeux vers le ciel, et arrête de marcher. Depuis que je suis ici, je suis toujours aussi émerveillés par ce phénomène météorologique. Je trouve ça aussi magnifique que la première fois que je l'ai vu. La sensation froide qui tombe sur mon visage a un certain côté réconfortant. Le blanc, qui n'est même pas caractérisé comme étant une couleur évoque à mes yeux, la pureté, le calme, une page vierge d'un livre et la possibilité de tout réécrire, de tout recommencer. Je regarde à nouveau devant moi quand j'entends du mouvement. Caleb s'est déplacé face à moi. Des flocons blanc créent un contraste incroyable avec ses cheveux d'un noir corbeau, ses yeux vairons me scrutant curieusement. Personne ne peut le nier, il est magnifique. Je lui souris, légèrement gênée qu'il m'ait vue dans ma torpeur.

_ Tout va bien ? Demande Caleb les sourcils froncés.

Je hoche la tête positivement en guise de réponse, et lui souris avant de me remettre à marcher à ces côtés. Je remarque rapidement le regard instant du Particulier sur moi. Il semble attendre une explication, et je ris nerveusement.

_ Je n'avais jamais vu de neige avant de venir ici...Là où je vivais, il ne neigeait pas. Et je trouve ça vraiment magnifique, expliqué-je donc.

_ Tu sais ici c'est pas ce qui manque ! Et ce n'est pas si exceptionnel que ça, répond Caleb.

Je jette un coup d'œil à Caleb il me regarde en souriant, un air moqueur sur le visage. Trop concentrée sur le visage du Particulier, je ne regarde pas où je met les pieds et glisse brutalement. Une seconde plus tard, me voilà paniquée, à dévaler une petite pente en roulant sur moi-même. Je sens la neige froide pénétrer mes vêtements et s'étaler sur moi. Je relève la tête quand j'arrête enfin de dégringoler, allongée sur le ventre, et me redresse dans la neige. Mon corps me fait mal, mais c'est supportable. Je soupire, qu'est-ce que je peux être maladroite. Mon frère me l'a toujours dis, " Attention Adelia, tu as deux pieds gauche ! " me disait-il. Et il a bien raison. Je suis une catastrophe ambulante. Un rire cristallin me fait sortir de mes pensées, et je grimace légèrement en tournant la tête pour voir Caleb se moquer de moi.

_ C'est bon, je sais que c'est ridicule, pas la peine d'en rajouter, râlé-je.

Mes joues sont probablement rouges tomates, je suis honteuse. C'est pathétique, et Caleb continue de rire. Il passe sa main dans ces cheveux, hilare.

_ Magnifique la neige, hein ? raille-t-il, les yeux brillants.

Il se moque de moi, si franchement que je le rejoins dans son rire. Caleb descend finalement la petite côte pour venir me rejoindre en riant encore un peu. Il est debout derrière moi, et agrippe ma taille pour me relever, sans aucune difficulté. Ses bras me lâchent une fois que je suis bien stable sur mes pieds. Je me tourne vers lui, et ris doucement.

_ Tu ne t'es pas fait mal ? s'enquiert Caleb en me regardant de la tête au pied pour vérifier si je ne suis pas blessée.

_ Non ça va t'inquiète pas, répondis-je rapidement, un sourire aux lèvres.

Nous remontons finalement pour revenir sur notre route. Caleb continue de me taquiner encore un peu par rapport à ma chute, nous faisant tous les deux rire. Décidément, ce Particulier ne cessera jamais de m'étonner. Est-ce que je me serais attendue à ce qu'il soit comme ça quand je l'ai sauvé ? Certainement pas. Je l'imaginais méfiant, froid, c'est ce qu'il m'a laissé penser la première fois que je l'ai vu. Mais il m'a tout de suite intrigué, alors j'ai eu envie de le revoir. Mais je n'aurais jamais penser en arriver là, et j'en suis heureuse.

_ Bon, on s'est assez moqué de moi ! lancé-je. Parlons d'autre chose...Parle moi de l'endroit où tu vis, ce que tu m'as montré la dernière fois, ça c'est pas mis en place du jour au lendemain j'imagine.

Caleb semble réfléchir à ce qu'il va bien pouvoir dire. Je ne pense pas qu'il puisse tout me dire sur l'endroit où il vit, par sécurité. Je peux le comprendre. Il finit par s'éclaircir la voix, et se lancer.

_ On appelle cet endroit le Centre, parce que géographiquement, il se situe au centre de la forêt, et que c'était le plus évident pour les créateurs du refuge. À la naissance du Centre, il n'y avait qu'une dizaine de survivants après la guerre dans le pays. Les Particuliers qui ont réussi à échapper aux humains, c'est eux qui l'ont créé. Ils sont partis de rien, puis après, certains d'entre eux sont partis jusqu'au États-Unis pour tenter de trouver des survivants, c'est comme ça que l'existence de ce refuge s'est diffusée partout dans le monde. Rapidement, les dizaines de personnes sont devenus des centaines, puis des milliers. C'était plus qu'un simple refuge, c'était un espoir. L'espoir d'être de nouveau libre. Nous sommes environ mille aujourd'hui. Au fil du temps, les humains ont développé des techniques pour nous coincer, et il est de plus en plus dur d'y échapper, explique Caleb, la voix rauque.

_ Je suis désolée, hésité-je tristement.

J'ai l'impression d'être responsable de tout ça, parce que c'est mon peuple qui fait subir ça au sien. Et ça me rend malade. Je me sens coupable d'avoir pu ressentir du bonheur, d'avoir été heureuse quand j'étais petite, quand d'autres étaient malheureux. Un malheur causé par les miens. C'est peut-être complètement stupide de se sentir coupable d'avoir été heureuse, et pourtant, c'est comme ça que je me sens. Dans notre monde, c'est ce genre de sentiment qui nous différencie, certains ce sentent coupables, d'autres n'ont aucun scrupule à les faire souffrir, aucune once de pitié, disant agir au nom du peuple. Ils s'éloignent de leur humanité pour devenir des monstres sans coeur.
Soudain, la main de Caleb se pose sur mon avant bras, me freinant dans la marche. Il se met face à moi, et plonge son regard fascinant dans le mien.

_ Tu n'y es pour rien, Adelia, fait-il, l'air sérieux. Tu n'es pas responsable de ce que ton peuple a fait. Les Particuliers aussi ont fait des choses horribles, nos deux peuples ont participé à cette guerre. Si mon peuple en était sorti vainqueur, que crois tu qu'il serai advenu de vous ? Ça aurait été pareil, voire pire. Il y a d'horribles personnes dans le monde, et tout ce à quoi ils pensent, c'est la vengeance et le pouvoir. Ils veulent diriger le monde, et d'autres veulent se venger du mal qu'on leur à fait... Mais je sais qu'il existe encore des personnes dans ce monde, humains et Particuliers, des gens biens qui croient encore que tout n'est pas perdu, que les deux peuples peuvent réussir à s'entendre. Adelia, tu fais partie de ces personnes, et ça, je le sais.

_ Comment peut tu en être sûr ?

_ Mon instinct, et ose me dire que je me trompe, répond Caleb d'un ton cinglant.

Je peux pas, parce qu'il a entièrement raison. J'ai toujours eu l'espoir qu'un jour nous pourrions vivre en paix. Cet espoir m'a été transmis par mes parents. Ils y croyaient eux aussi.

_ Et toi ? De quelles personnes fais-tu partie ?

Caleb ne répond pas tout de suite, se contentant de me regarder dans les yeux. Il a l'air crispé, peut-être un peu indécis, Répondre à cette question semble compliqué pour lui, et c'est intrigant.

_ Honnêtement, j'en sais rien, Adelia.

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