𝓬𝓱𝓪𝓹𝓲𝓽𝓻𝒆 𝓺𝓾𝓪𝓽𝓻𝒆

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«  Le jeudi est turquoise. Son heure à lui.  »

Mardi c'est bien moi qui suis arrivé en retard, mais ce jeudi après-midi c'est Thomas qui vient de passer la porte de classe après avoir loupé nos quatre cours de la matinée. Il a le visage fermé et paraît totalement différent d'hier midi. Je n'arrive pas même pas à savoir quel sentiment l'habite en ce moment, s'il est triste, énervé ou bien déçu. J'ai bien tenté de lui offrir un sourire en guise de salutation, mais il ne me l'a pas rendu bien trop occupé à se diriger comme un automate vers sa place. Si la déception est bien présente au creux de mon ventre, je suis plus préoccupé par l'état de mon voisin de classe que par ce que je peux bien ressentir. Un sourire non-rendu, je m'en remettrai.

— Salut, Tom ! lance joyeusement Minho en arrivant avant que le cours ne commence. On se permet une petite grasse matinée ?

— Bonjour Minho, répond simplement le brun avec un sourire et il semble se détendre. Tu devrais toi aussi en faire parfois, ça arrangerait un peu ton visage et tu ferais moins peur avec tes cernes.

Minho à la bouche grande ouverte, incrédule et moi j'explose de rire attirant l'attention des deux garçons sur ma personne. Blessé dans sa fierté, mon meilleur-ami se jette sur moi et s'attaque à mes cheveux en poussant des cris, tentant tant bien que mal de former des phrases pour se faire comprendre.

— Newt ! Dis-moi que j'suis beau comme ça ! hurle-t-il dans mes oreilles en me décoiffant. Mais comment as-tu pu me cacher que ma tête faisait peur ? Comment veux-tu que j'approche Sonya moi, meilleur-ami en carton !

Mon rire s'intensifie quand il évoque son horrible tête et Sonya. Le nombre de fois où nous avons eu la chance de pouvoir croiser la jeune fille – qui se trouve être sa crush – cette semaine ne se compte même plus sur mes dix doigts. Surtout qu'il n'a pas cessé de lui offrir sourire sur sourire, sans parler des clins d'œil et des yeux doux, de son visage de dragueur du dimanche et de sa bouche en cœur lorsqu'il fallait la quitter pour retourner en classe.

En essuyant une larme de joie qui se coince au coin de mon œil, je remarque que Thomas nous fixe un sourire tendre aux lèvres. Je constate qu'il va mieux, mais dès qu'il croise mon regard il se renfrogne automatiquement et détourne les yeux sans perdre une seconde. L'incompréhension se peint sur mon visage et teinte mon cerveau, mais Minho ne me laisse pas le temps d'y réfléchir puisqu'il se jette sur Thomas et lui hurle dans les oreilles qu'il est loin d'être moche et que les cernes lui donnent un côté charmeur, voir même mystérieux.

Je rigole de nouveau quand Thomas éclate de rire sous les arguments en carton de l'asiatique qui semble franchement convaincu de ce qu'il avance piteusement. Mais l'apparition de notre professeur à la porte de classe coupe court à nos rigolades et Minho se force à rejoindre sa place. Il nous lance un dernier noir et passe son doigt discrètement sous sa gorge comme un enfant. Thomas et moi lâchons un gloussement pour éviter de faire reprendre d'entrée de jeu par notre professeur et le cours commence.

Mon voisin ne perd pas une seconde, et il repart dans son monde. Son visage s'est de nouveau fermé alors que son regard reprend sa place sur l'extérieur. De cette façon, il me semble tellement loin et si inaccessible, impossible à atteindre même en tendant mon bras. Je laisse mon regard couler sur lui, de toute façon c'est un cours de français ... Je suis plutôt doué dans cette matière et dans le pire des cas je prendrais les notes de Minho, c'est le seul qui se donne la peine d'écouter le cours.

Je ne perçois pas vraiment ses yeux, juste ses lèvres. D'ailleurs, elles tremblent et je ne sais toujours pas si c'est à cause d'un énervement quelconque ou parce qu'il est triste. Pourtant, au fond de moi je me dis que j'ai bien une solution. J'ose espérer qu'il ne me repoussera pas, qu'il ne trouvera pas mon geste déplacé et que sa colère ou sa tristesse ne s'en verront pas décuplées. L'envie de rendre sa journée meilleure, de lui donner un peu d'attention anime mon mouvement.

Comme il l'a fait mardi, je caresse une première fois sa main et lui tire le même sursaut empreint de surprise. Mais il ne me regarde pas, ne dit rien non plus, seul son corps semble se détendre un peu plus. Je prends cela comme sa façon à lui de me dire oui, de me donner sa permission, de m'offrir son accord.

Alors cette fois, je glisse complètement ma main dans la sienne et la serre aussi fort que je le peux. Je m'en fiche de lui faire, je veux juste qu'il prenne conscience qu'il n'est pas seul peu importe la situation, peu importe que notre rapprochement ne date que de quelques jours. Je l'ai dans la peau depuis le premier jour, dans le viseur depuis qu'il est mon voisin de table et mon cœur se fait un devoir de lui venir en aide.

Je sens ses doigts qui tressautent, qui bougent. Il hésite, je le sais et ses yeux naviguent rapidement de la fenêtre à moi. Finalement, je ne sais pas ce qui le fait se décider mais sa prise sur ma main se resserre. Thomas tourne doucement sa tête vers moi et la laisse doucement tomber contre sa table ; la moitié de son visage s'en retrouve écrasé. Ses yeux sont fixés dans les miens et tant bien que mal je tente de calmer au maximum ma respiration qui s'emballe sans mon accord.

— Pourquoi ? demande-t-il tout bas.

— Pourquoi quoi ?

Il fronce les sourcils, il est mignon comme ça.

— J'en avais envie, je reprends aussi faiblement que lui. Comme toi mardi, je suppose.

Je ne suis pas sûr de ce que je dis, de ce que j'avance. Je n'ai aucune certitude, et je ne sais pas pourquoi ni-même comment je peux évoquer aussi sereinement ce qu'il peut bien ressentir, mais je le fais. Cela semble lui plaire – moi ou ma réponse, qui sait – puisqu'il entrelace nos doigts ensemble et retourne à la contemplation du paysage. Je reporte mon attention sur le cours de français, soulagé.

Je veux sa main dans la mienne pour toujours.

𝐇𝐢𝐬𝐭𝐨𝐢𝐫𝐞 𝐝𝐞 𝐣𝐨𝐮𝐫 𝐝𝐞 𝐬𝐞𝐦𝐚𝐢𝐧𝐞 | 𝑛𝑒𝑤𝑡𝑚𝑎𝑠Where stories live. Discover now