Mister Fleur Bleu

Chapitre 9

On a attendu devant le gymnase, assis tous les deux à papoter d'un peu de tout et de rien. Je pense qu'on apprenait essentiellement à faire connaissance. Cela faisait déjà plusieurs mois que nous étions dans la même classe et pourtant, nous n'avons jamais pris le temps de parler elle et moi. Nous nous sommes contentés des banalités « Ça va ? T'as passé un bon week-end ? ». Là c'est différent. Là on parle de tout. De nos goûts, des films que l'on aimerait voir au cinéma et ça tombe bien, on aime à peu près la même chose Keena et moi.

J'ai trop de chance.

Niveau musique c'est pareil. Nous ne sommes pas difficiles, nous écoutons de tout, du moment que ça nous plaît.

« - Tiens, mais qu'est-ce que vous faites là tous les deux ? »

Roméo, les cheveux en bataille, sort, sac sur l'épaule et nous regarde, surpris. C'est vrai que théoriquement, on n'aurait pas dû se retrouver là.

« - Keena voulait te voir.

- Oh ! Ok...C'est gentil...Mais...À quel propos ?

- Tu avais des questions à lui poser, non ? C'était pas ça ?

- Ah, si, si ! Mais j'ai oublié. Ça me reviendra.

- Et toi Milo ? Tu as fini ton exposé avec Margaux ? »

Pas vraiment, non.

J'ai complètement abandonné Margaux pour me centrer vers un intérêt plus... « charmant » on va dire. Elle ne m'en voudra pas je pense...Elle doit comprendre.

« - J'ai aidé Keena pour son devoir de maths !

- Ah d'accord...Bon bah écoutez...on rentre ? Je ne vais pas rester toute la nuit au bahut moi ahaha ! »

On fit un bout de chemin et c'est étrange, mais, quand les gens se retrouvent dans un groupe de trois, il y en a toujours deux devant et un derrière. Je vous laisse deviner qui se retrouve au fond.

Pour autant que je sache, ça ne me gêne pas. Keena et Roméo ont l'air de bien s'entendre, même si ce dernier me fait plus de signes de tête qu'autre chose.

« - Bon, eh bien...C'est ici que nos chemins se séparent. Bonne soirée les garçons et j'ai hâte d'être à ce week-end !

- Oui, nous aussi ! »

Nous séparant, Roméo et moi prîmes la direction de la maison quand, au milieu du parc, Roméo s'arrêta.

« - Elle est sympa Keena, hein ?

- Ouais t'as vu ! Ce n'est pas vraiment le genre de fille qui se prend la tête et tout...Et puis elle est tellement belle.

- Ahaha ! Toi déjà, tu n'as pas un avis objectif. Il est biaisé d'avance. L'amour rend aveugle.

- Pas du tout !

- Milo...Sérieusement...

- Quoi ?

- Écoute, je voudrais faire un pari avec toi. Ok ?

- Si tu veux. Quel genre ?

- Si Keena vient au ciné, tu gagnes. Si elle ne vient pas, je gagne.

- T'es bizarre...qu'est-ce que je gagne ? »

Posant sa main sur mon épaule avec un léger sourire attristé, il me dit.

« - Tu gagneras plus que ce que tu ne crois mon pote.

- Tu sais, j'en viens à croire qu'un ballon t'a percuté la tête durant l'entraînement. T'es vraiment étrange ce soir, Roméo.

- Depuis quand ne le suis-je pas ? Hein ? Ahaha ! Et puis, au fond, ce n'est pas « être étrange », mais il y a une certaine situation qui semble se dessiner dans l'air et ça ne me plaît pas.

- Quel style ? Au fait ! J'allais oublier ! Keena m'a demandé si t'avais une copine..Mais t'en as pas n'est-ce pas ?

- Moi ? Une copine ? Ahaha ! La bonne blague. Non, les filles ne m'intéressent pas. Enfin, si, mais j'ai tellement la tête ailleurs entre le sport, les cours, qu'une copine, je saurais pas m'en occuper. Pourquoi elle t'a demandé ça ?

- Des bruits de couloirs apparemment...

- Des bruits de couloirs hein ? Tu vois, c'est exactement ça dont je te parle depuis tout à l'heure !

- De quoi ?

- Mais de « ça » !

- T'es aussi précis et clair qu'un manuel juridique. Tu le sais ça ?

- Écoute, faisons le pari. Si tu gagnes, juré mec, je te paye le prochain repas ensemble.

- Si tu veux... »

Je n'ai pas vraiment compris où Roméo voulait en venir avec toutes ces histoires. C'était bien la première fois d'ailleurs que je ne le comprenais pas. Il semblait inquiet. Soucieux. Préoccupé. Il avait un regard, comme l'un de ceux que l'on a quand on sait qu'une tempête approche.

Et il n'a pas tort au fond.

Une tempête se prépare et je n'allais pas la voir arriver.