Chapitre 17

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J'ai laissé Roméo en chaperon de la soirée avec pour seul mot d'ordre de veiller sur Keena et de faire en sorte que cet abruti de Lorenzo ne l'approche pas. D'ailleurs, quand j'y réfléchis...

« - Margaux ? Tu ne trouves pas que Lorenzo, ça rime avec Chorizo ? »

Ne me demandez pas pourquoi, c'est actuellement la seule pensée qui traverse mon esprit et je suis assez fier de ma blague. Assez pour en sourire tout seul du moins.

« - Toi, le coup il t'a atteint plus qu'on ne le pensait. Tu habites loin d'ici ?

- Non, à quelques rues seulement. Dans une vingtaine de minutes, on devrait être arrivés. Et toi ? Tu vas faire comment pour rentrer ?

- Moi ? »

Margaux marque un temps d'arrêt avant de reprendre la route.

« - Je suis une grande fille. Ne t'en fais pas pour moi. »

Mais cela ne répond pas à ma question à ce que je sache.

« - En tout cas, même si la soirée fut courte...Elle était pas mal, non ? Tu ne regrettes pas d'avoir chaperonné un gars comme moi ? »

Je sais que Margaux n'est pas vraiment le genre de fille à aimer ce genre de fête débile avec des ados séniles. Ou bourrés.

Pourtant, je la vois esquisser un léger sourire. Un sourire amusé.

« - C'était sympa. Je ne regrette pas d'être venue. Enfin...Grâce à toi. »

Pari gagné. J'ai réussi à amuser Margaux le temps d'une soirée.

« - Merci Milo. »

Et un deuxième bisou, un !

Je suis gâté ce soir.

« - Tu sais, c'est peut-être déplacé de ma part, mais...Je pense que t'es plus sensible que ce que tu ne veux bien montrer.

- C'est-à-dire ?

- Au lycée, tu as un côté « brute », qui effraie un peu. Je te l'ai dit, tu es toujours seule...Mais je crois que c'est parce que sous cette carapace tu caches un petit être tout sensible. En fait...Si je devais te comparer à quelque chose...Je dirais que t'es comme un fondant au chocolat. Tout dur à l'extérieur, mais tout coulant à l'intérieur.

- Je présume que c'est un compliment ?

- Ouais, en quelque sorte. Je suis désolé.

- Pour quoi ?

- Parce que je ne suis pas vraiment doué pour parler aux filles.

- Alors dans ce cas, ne parlons pas. »

Un silence s'installe alors entre nous. Mais ce n'était pas l'un de ces silences dérangeants. Ceux dans lesquels vous vous retrouvez souvent avec cette envie de dire quelque chose uniquement pour le briser. N'importe quoi tant que cette sensation de mal-être se dissipait.

Je la regarde, jouant alors avec ce petit appareil attaché à sa ceinture.

C'est la seconde fois que je prête attention à ce détail.

« - Dis-moi...

- Oui, je suis diabétique.

- Je n'ai pas fini ma question.

- J'y réponds avant. »

Et moi qui allais me pointer avec deux verres de coca ! Bravo petit génie. Meilleur moyen de tuer sa pote.

« - Mais je survis et cela ne m'empêche pas de vivre. Je ne cherche pas non plus à attirer la pitié.

- Oh, mais je n'ai pas pitié. Non...Je crois...Je crois que c'est plus de l'admiration.

- De l'admiration ?

- Ouais...Je veux dire...T'es tellement forte en apparence. Tu sais, je t'envie. Des fois, je me demande comment tu fais. Quel est ton secret. C'est idiot, non ? »

Je me sens gêné.

Je veux dire, plus je côtoie Margaux, plus je m'aperçois qu'elle est une personne carrément intéressante. Fascinante. Intrigante.

Pas une de celles qui vous intéresse « physiquement », mais je ne sais pas comment le décrire exactement. Je sais que Margaux m'intéresse. J'aimerais...Oui, j'aimerais apprendre à la connaître un peu plus. J'aimerais connaître ses secrets. Ses faiblesses et aussi égoïste que cela puisse paraître, j'aimerais être le seul à être dans la confidence.

« - Je n'ai pas de secret. Je n'ai rien. J'ai juste un fort caractère et ça me permet d'avancer et de vivre plus ou moins à ma guise, c'est tout. Je n'aurai rien à t'apprendre sur le sujet. »

J'aurais tellement aimé que ce soit le contraire et que tu m'apprennes à être un peu plus comme toi et un peu moins...comme moi.

« - Ah, on arrive chez moi. »

À peine ai-je mis un pied au niveau du seuil de la porte que ma mère déboule en ouvrant cette dernière en toute hâte comme si je revenais de je ne sais quoi. La dernière fois qu'elle m'a fait ça, c'était quand je suis revenu de colonie...Trois semaines de colonie. Pour elle, le temps a dû se dérouler autrement et son cerveau a dû me voir partir trois ans, je crois.

« - Milo Joseph Philibert ! Qu'est-ce que tu as au visage ? »

Rien. Un essai « make-up » pour Halloween.

« - Je suis tombé. Tu sais à quel point je suis maladroit quand je m'y mets. »

Je mens tellement bien que mon jeu d'acteur mérite un oscar.

« - Et mon cul c'est du poulet ? »

Ou pas.

« - Mon dieu... »

Ma mère s'arrête et s'aperçoit alors de la présence de Margaux. Sa bouche dessine au même moment un léger « o » de stupéfaction.

« - Bonsoir... »

Et Margaux qui ne dit rien.

Aide-moi bon sang !

« - Je suis Margaux, une amie de Milo.

- Bonsoir, enchantée ! La maman de Milo. »

Non, sans blague ?

« - Bon, rentre que je regarde ça de plus près. Margaux ? Tu rentres comment ? Tes parents viennent te chercher ?

- Oh...Euh...Non. Mais je vais appeler un taxi. Je raccompagnais juste Milo. »

Ma mère me fusille alors du regard en me faisant clairement comprendre que dans les bonnes manières, c'est le garçon qui raccompagne la fille et pas l'inverse.

Eh ! On vit au 21ème siècle non ? Les filles peuvent aussi raccompagner les garçons. Ce n'est pas interdit.

« - Tu habites loin d'ici ?

- Mais je vais me débrouiller, je vous assure ! Ça va aller. »

Ma mère attrape alors Margaux et l'entraîne à l'intérieur de la maison, refermant la porte et lui disant avec son plus beau sourire.

« - Ce n'est pas une heure pour qu'une fille se balade seule. Reste dormir ici. »

Chouette. Ma première soirée pyjama.

Mister Fleur BleuWhere stories live. Discover now