Chapitre XXII - Achever

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Si tout se déroule comme prévu, la vie est tellement ennuyante. Sans un peu d'action, nous ne sommes rien. Nous sommes une tâche dans l'existence. Une tâche qui salit ce qu'elle touche. Nous ne sommes même pas capable de garder les choses comme on nous les a donnés. Toujours obligé de mettre un peu de soi. Juste pour "personnalisé". Mais à force de tout "personnaliser", plus rien ne nous ressemble puisque tout le monde fait pareil. Le monde s'arrête sur ce qu'il voit et non sur ce qui est écrit.

Jim s'en va. Il me souhaite un bon courage. Croit-il que c'est du courage que j'ai besoin ? J'ai dû fortement me tromper sur ce garçon. Il ne me connaît pas. Pourtant je lui ai dit tout ce que je savais sur moi, une fois. Il ferme la porte et je vois sa silhouette de l'autre côté. Il attend quelque chose. Il attend une réaction de ma part. Il attend. J'espère de tout cœur qu'il fasse demi-tour. Qu'il change sa décision. Je l'espère. Mes yeux fixent le beau brun. Celui-ci baisse la tête et s'en va. Voilà comment je peux vite perdre espoir. Il ne faut pas s'étonner ensuite, ni essayer de me faire changer car je ne peux pas. Je suis moi. Je suis la seule à avoir la capacité de me faire changer. Essayer de me contrôler c'est difficile. Je ne suis pas domptable mais je deviens naïve quand on réussit à m'enjôler. Malheureusement.

Je pleure. Mon esprit est noir, je vois la vie en noire. Je lui en veux d'être née. La vie n'est qu'une idiote. Elle n'a aucune pitié. Elle est sans crainte. Il y en a qui la prie, d'autres qui s'en servent pour se faire connaître. La vie sélectionne ceux qui vont la faire devenir puissante. Ce qu'elle veut, c'est maîtriser ce qu'elle peut, c'est maîtriser ce qu'elle a envie. Elle veut vaincre l'impossible en dominant la mort, en repoussant l'existence toujours plus loin. Alors qu'au départ, nous vivions heureux sans vivre longtemps. Plus nous vivrons longtemps, plus nous verrons des horreurs. Plus nous verrons la transformation des êtres humains et je ne suis pas sûre que ce soit une bonne chose. Cela divisera les sociétés, entre ceux qui voudront le nouveau monde et ceux qui préféreront vivre dans l'habituel, en prenant le risque d'être condamnés. La vie est une très grande manipulatrice que l'on suggère mais que l'on ne connaît pas. Nous ne savons rien sur elle. Nous ne savons pas quelle est son origine. L'être humain se fait endoctriner peu à peu. Il ne vit plus sous ses propres lois, mais sur celles de la vie. L'être humain ne réfléchit plus que par celle qui le tuera.

Je soupire. L'hôpital ne me soigne pas, il empire mon état. Je ne comprends pas ce que je fais ici. Désormais je suis soignée et réveillée. Qu'est-ce qui ne va pas ? Qu'est-ce qui semble aller ?

Tout à coup, alors que mes yeux commencent à se fermer, une infirmière entre. Je l'aperçois très mal. Elle a les cheveux bruns, coiffés en queue de cheval. Elle porte une jolie paire de lunette. Son regard est doux. Plus elle s'approche, plus je distingue la couleur qu'ils ont. Ce sont de jolis yeux marrons.

      - Je n'y crois pas... est-ce que vous êtes la fille de Jack Elton ? me demande t-elle.

Elle sert ses poings et affiche un immense sourire d'excitation.

      - Oui... dis-je doucement en fermant les yeux.

L'infirmière se met à crier et à hurler de joie. Je l'observe. C'est un manque de respect total. Comment le connaît-elle ? Je ne pensais pas qu'une femme serait si heureuse de la mort d'un homme. On souhaite souvent la mort de quelqu'un mais quand il meurt pour de bon, on regrette intérieurement. On souffre. On culpabilise. C'est pour cette raison que je souhaite la mort de personne.

Mais l'infirmière n'a pas l'air de culpabiliser, de souffrir ni de regretter. Non, tout au contraire.

    - Est-ce qu'il va bien ? me questionne t-elle.

Malheureusement, sa question n'est pas ironique du tout. Elle me pose cette question tout à fait naturellement. Elle me regarde à l'attente de ma réponse. Je comprends alors très vite que cette femme n'est pas au courant pour le suicide de mon père. Et pourtant, il date bien de quelques années déjà. Je lui dis :

Au rythme de mon cœurDove le storie prendono vita. Scoprilo ora