3. Un Bon Petit Jeu

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Blanche s'était retournée en proie soudain à un mauvais pressentiment. Le bruit crissant des pneus sur le bitume ne fut pas le moins du monde rassurant, au contraire. Comme si elle savait qu'au fond d'elle, il ne s'arrêterait jamais à temps.

L'amour est parfois un moteur très puissant. Et que tous les dieux lui en soient témoins, elle aimait énormément sa meilleure amie. Et en cet instant, alors qu'elle hurlait désespérément son nom, sans qu'elle puisse pour autant l'entendre, oubliant où elle se trouvait, se concentrant sur son crush du moment, elle fut reléguée au rang de petite écervelée.

Sans penser une seule seconde à son propre cas, qui était mal barré en passant, Blanche s'élança de toutes ses forces avec l'unique pensée d'espérer arriver à temps. Car oui, à ce stade, elle ne pouvait qu'envisager d'être assez forte pour ralentir les quelques secondes qui conduiront à une catastrophe monumentale, son univers entier à jamais anéanti, tandis qu'elle courait le diable à ses trousses.

Elle se souvient d'avoir prié, pendant les quelques secondes où elle avait couru, des secondes qui lui avait paru une éternité, tellement elle courait à en perdre haleine, son monde se mit à tourner au ralenti. Tous les dieux de toutes les mythologies y sont passées. Peu importe qui entendrait son appel. Elle prie en pensant qu'elle prendrait volontiers sa place.

Elle n'a jamais couru aussi vite. Si vite, que sa vision est devenue complètement floue. Elle est là. Juste là. Et la voiture aussi. Instinctivement, elle poussa Eva. Mauvais réflexe, elle pouvait tomber et se cogner la tête, ce qui pouvait être pire en fait.

Sauf que...

Blanche n'est plus là pour s'en inquiéter vraiment. Il n'y a désormais plus rien que du noir.

- Blanche !

***

- Oh ma tête ! s'exclama-t-elle en se redressant brusquement.

- Tout va bien ? lui demanda alors une voix inconnue au bataillon, dénuée d'intonation à ses oreilles.

Bien sûr que non ! Quelle question ! Ou plutôt qui est l'abruti qui la pose ? En tout cas qui que ce soit, il avait un timbre de voix qu'elle n'allait pas oublier de si tôt. Il était si glacial qu'il lui semblait derechef antipathique.

Troublée, elle finit par ouvrir les yeux. Yeux qui mirent un temps fou à faire le point. Un problème n'arrive jamais seul, c'est bien connu. Regardant le jeune homme qui venait de lui poser la question, elle se demandait sérieusement ce qu'elle foutait à ses côtés. Surprise par la beauté froide de l'homme, ses pupilles se dilatèrent. Tandis que sa bouche s'arrondit béatement.

- Aïe !

La bouche ouverte, trop grande, quelque chose de fulgurant, lui avait traversé la mâchoire pour finir sa course dans sa tempe droite qu'elle se mit immédiatement à masser. La douleur passa et elle se focalisa de nouveau sur l'inconnu. Comme tout le reste de sa personne, son visage était la perfection incarnée.

Il était bel homme, un euphémisme, bien qu'il la regardât avec indifférence, elle le détailla intimidée. L'inconnu était d'un blond cendré, les cheveux descendant jusqu'à sa nuque, de jolies pommettes, un teint de porcelaine, le tout rehaussé par des yeux vairons. L'un d'un vert émeraude qui ne semblait vraiment pas à sa place et l'autre d'un éclat doré. Aucun doute, trop canon pour être vrai, il la regardait. Par contre, son regard était dérangeant, comme s'il s'ennuyait fermement et qu'elle allait être son prochain divertissement. En fait, comprit-elle une seconde trop tard, c'est que chacun de ses yeux exprimait en même temps deux émotions différentes. La pupille dorée était chaleureuse et douce, à l'opposé de la verte.

Drake Magister - Tome 1 : Blanche (Terminée). Où les histoires vivent. Découvrez maintenant