le groupe

5 1 0
                                    


La pluie s'abattait aisément sur le toit. Sur la tôle. Le petit garçon commençait à avoir froid. Il ne portait pas de chaussures. Il avait du les laisser quelque part mais où. Il se mit à scruter le sol. La forme remuait encore une deuxième fois. Cette fois-ci le froid lui pénétrait l'âme. Le petit garçon avait peur au fond de lui. Mais il ne se décidait pas à partir. Pour aller où. Il n'avait aucun secours nulle part. La maison était vide. Et l'eau s'imiscait par toutes les fentes. L'orage avait assombri les pièces et aucune ampoule ne voulait marcher. Encore un coup de tonnerre. Le petit garçon tressautait sur place. Le bruit fracassant s'échouait dans la chambre avec un écho surnaturel. Et puis, comme si la pluie avait été forcée de se taire. Le silence s'installait.

Coni voyait bien qu'Andréa ne dormait plus depuis un bon moment. Toutefois, il restait là ; le nez contre la table. Coni amorçait : « Ah, Daniel ... Je me demandais si tu pouvais me prêter ton manuel. J'ai oublié le mien. ». Andréa lui fit face. Il était venu le jour où il avait prononcé la première phrase depuis deux ans. Ce dernier était surpris. Puis baillait tranquillement. Coni crut que c'était pour le narguer. Puis : « Ouais, si tu veux. Alice a sûrement emporté le sien ... ». Andréa se penchait pour prendre le livre dans son cartable. Coni grimaçait. Il avait vraiment réussi à dormir le con. Il avait même les yeux humides à souhait. « Merci ». Qu'est ce qu'il pouvait encore lui demander maintenant. « C'est un plaisir ! ». Personne ne dit plus cela depuis lontemps. Il est sûrement gay. Dans quelle galère je me suis encore fourré cette fois, pensait Coni. A peine avait-il lancé cette phrase suspecte qu'Andréa avait remis son nez sur la table. Coni ne se décidait pas à partir. Il baladait son regard sur le jeune homme. Combien fut sa surprise quand il voyait émerger du sweet de celui-ci une marque bleue. Andréa cachait un tatouage dans son dos car personne ne l'avait jamais vu. Et personne n'en avait jamais parlé. Un tatouage quand même, ça se vante. Coni en avait lui-même sur chaque articulation de ses cinq doigts. Sur la main gauche. Il avait gravé « FAUST ». Il ne savait même pas ce que ce mot voulait dire. Mais les caractères gothiques sortaient bien. Et les filles trouvaient cela trop craquant. Alors pourquoi avoir un tatouage, si n'est ce pour le plaisir de le montrer à tout le monde. Sauf peut-être à,

_ C'est ma place, vire tes fesses de là !

C'était Alice. Elle avait la voix dure mais ses yeux reflétaient sa malice. Coni détournait le regard pour ne pas qu'elle lise sur son visage son ravissement. Un mot d'elle, et il était sur un petit nuage. Il toussa maladroitement : « Je discutais avec un copain, » Alice était perplexe. Coni ramassait le manuel calmement et s'en allait réjoindre ses vrais copains.

_ C'est ton ami maintenant ? Elle demeurait rigide. Elle n'aimait guère que des informations lui échappent.

_ Comme s'il suffisait de se parler dix secondes pour faire une grande amitié !

Alice se tut. Elle remontait ensuite le col d'Andréa pour que personne ne remarque le dessin affreux qu'il avait sur le dos. Alice n'avait jamais compris la nature sadique de son ami. Il avait commencé à treize ans. Sur un coup de tête, ils avaient tous les deux eu la bonne idée de se faire tatouer. Car c'était très en vogue à l'époque. Mais au dernier moment, elle s'était défilée. Elle avait d'abord cru que ce n'était qu'un jeu, comme ils avaient l'habitude de se lancer des défis débiles comme avaler un pot de piments verts ou donner des coups de pied à des ivrognes. Mais Andréa avait pris le truc du tatouage au sérieux. Et il l'avait fait. Cela avait commencé par une tête de mort sinistre qui souriait désagréablement juste au dessus de ses fesses roses. Puis chaque année, ils revenaient. Et elle assistait avec dégoût à la torture qu'Andréa faisait subir à son corps. Des chaînes. Quelques squelettes et des inscriptions en latin venaient compléter le tableau. Sa peau était désormais saturée. Mais ce qui choquait le plus Alice était la mine paisible de son ami après chaque séance, alors que des plus durs en sortaient complètement affligés.

HumideWhere stories live. Discover now