La confession

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La petite fille regardait les gouttes de pluie qui perlaient sur la vitre. Des vers translucides qui se frayaient un chemin sur la glace. Ou qui font une course en pente verticale. L'une d'entre elles particulièrement, attira son attention. Elle n'était pas la plus impressionnante, mais sa manière de zigzaguer et de quelque fois, paraître hésiter l'émerveillait. Cette goutte ne coulait pas dru comme toutes ses camarades. Elle paraissait réfléchir avant d'avancer, et se retenir de glisser. Mais au final, elle rejoignait la troupe. La petite fille souffla doucement sur la surface transparente. Une buée blanche vint s'attacher à la vitre ... La petite fille y posa son doigt boudinet et, rapidement dessina une croix avec des branches à longueurs égales. Un peu déformée. Le contact était glacé. Elle avait appris, que c'était comme cela qu'on protégeait les récoltes de la grêle, et la maison des éclairs. La petite fille sourit. Elle étala sa paume contre la fenêtre. Puis, soudain une autre main l'imita. Une plus grande, avec des articulations extrêmement poilues.

Andréa se réveillait en sursaut. Il respirait difficilement en tâtonnant avidement tout le lit. Ensuite, il se leva brutalement, manquant de glisser sur le rectangle de tissus étalé sur le plancher. Il accourrait hors de sa chambre. Le soir était tombé, il avait dormi tout l'après-midi et avait encore manqué un cours. Puis, changement d'attitude, il se recomposa un visage plus tranquille devant la porte ballante de sa sœur. Celle-ci, travaillait sur son lit. Lui tournant le dos. Courbée, elle semblait concentrée. Une vingtaine de partitions autour de sa personne. Claire affectionnait le violon. Et elle en jouait bien. Elle était en train de ranger ses affaires ... Elle ne se retournait pas. Il fixait son cou immaculé où luisait un fin collier d'or, offert par son petit ami à son anniversaire. Elle avait fait un minuscule chignon sauvage de sa chevelure. Des mèches folles pendouillaient partout. Andréa calma sa respiration. Il s'aperçut en même temps, qu'il avait les pieds nus. Il pianota indiscrètement sur l'encadrement en bois avec ses ongles courts. La jeune femme parut ne pas s'en soucier. Elle portait des écouteurs noirs assimilés à ses cheveux. Andréa s'accouda à la porte, patient. Elle devait écouter un de ses nombreux airs qu'elle avait enregistrés avec son téléphone. Elle ne se rendit compte de sa présence qu'au bout de cinq bonnes minutes. Enfin.

Andréa s'assit sur une chaise solitaire qui trônait au milieu de la pièce. Elle ôta ses écouteurs avec précaution : « Et alors, qu'est-ce que tu veux ? ». Tout de suite, les grands mots. Quand même, elle le connaissait par cœur. Ce petit Andréa. Il n'était jamais tout miel pour rien. Comme simple réponse, il eut un sourire inquiétant. Elle se souvint de la nuit, où il était venu se régugier dans son lit, avec ses vingt ans tout ronds. Ses jolies pommettes se crispèrent inconsciemment. Il démarra par une question : « Tu te souviens de la fois où, on est allé en vacances à la plage, quand on était petits. On logeait dans la maison d'une famille. Tu te souviens d'eux ? C'était génial, non ? ». Il jetait des regards perdus dans tous les coins. Claire voulut les rattraper. Cette question. Ce retour en arrière, ne la rassurait guère : « On est allé en vacances beaucoup trop de fois ... Qu'est ce que tu veux savoir ? ». Andréa croisait les bras, détaché : « Il y avait un homme. Un oncle. Qui buvait beaucoup ... Tu t'en souviens de lui ? Un jour, il est rentré sans son pantalon. Il criait comme un fou devant le portail et on a verrouillé la porte. Notre tante ne voulait pas qu'il entre, ». Une anecdote, amusante certes. Elle remit un de ses écouteurs : « Oui, je m'en rappelle. Il était surtout très bizarre cet oncle. Je ne lui faisais pas confiance. Je m'arrangeais toujours pour ne pas être au même endroit que lui ! ». Elle lui tourna momentanément le dos, pour ramasser quelques feuillets en désordre : « Toi, tu avais l'air de bien l'aimer par contre, ». Elle ne vit pas la face tout contorsionnée de son frère. Elle se mit debout gracieusement et inséra un disque dans un appareil : « Tu vas écouter ça ! Et me dire que je suis une virtuose après, ». Oui, elle était une virtuose, mais pour déceler les vraies chose, elle avait du chemin à faire ; Andréa était depuis un certain temps déconnecté du monde réel.

HumideWhere stories live. Discover now