la peur

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L'homme répéta sa requête, mais il semblait au petit garçon que le bruissement de la pluie lui servait de cache-oreilles. Le dernier mot se détacha, enfin perceptible : « ... Baiser, ». Le petit garçon sursauta, à l'intérieur de lui. Car son corps, au dehors était médusé. La voix retentit à nouveau, plus tranchante, comme un ordre : « Embrasse-moi ... ». Le petit garçon, comme une voiture téléguidée s'avança. De suite. Sans hésitation. Le sol était glacé. Les battements de son cœur s'accéléraient. Il s'arrêta près du lit, quand son genou rencontra la couverture qui pendait par-dessus le fer. L'homme avait fermé les yeux. Maintenant, ils formaient deux traits épais qui émergeaient de son visage asoupi. Le petit garçon se penchait très lentement. Du moins, l'homme s'était tu. Il offrait ses lèvres comme de la viande grasse au petit garçon. Sa respiration brûlante emplissait l'atmosphère de l'étroite chambre. Le petit garçon s'apaisait. Il ne savait pas, pourquoi il obéissait ainsi. Il ne savait même pas, pourquoi l'homme lui demandait de telles choses.

Le petit garçon scella ses paupières à son tour et déposa un furtif baiser sur la bouche de l'homme. Sa tête se mit tout de suite à bourdonner, il lui semblait que c'était le début d'une forte fièvre. Il s'éloignait rapidement. Heureux d'avoir accompli sa mission. Il expira de soulagement et tourna vivement le dos au lit comme un coupable. L'homme s'assit et lança : « Non pas comme ça. Comme à la télévision, ». Ce fut comme un coup de fouet qui frappa le petit garçon dans le dos. Il avait l'impression que le cauchemar ne s'arrêterait jamais. Et pour ne rien arranger, la pluie redoubla d'intensité.

Il avait déboulé dans la chambre et l'avait secouée brutalement. Claire s'éveilla lentement, encore emprisonnée d'un rêve que son subconscient s'évertuait à effacer. Elle se frottait les yeux calmement : « Qu'est-ce qui se passe ? ». La pièce était plongée dans le noir. La lumière apportée par la lune qui s'imiscait par la fenêtre lui montrait son frère frissonnant. De même, il parlait à voix basse : « Il y a quelqu'un dans la maison ... ». Elle ne le croyait pas. La maison était ce qu'il y a de plus securisée. Si une personne avait réussi à se faufiler, l'alarme se serait tout de suite déclenchée. Elle le raisonnait : « C'est pas possible ... Pourquoi tu n'as pas réveillé les parents ? ». Andréa ne répondit pas. C'était évident, pensa-t-elle, elle lisait dans le regard brillant de son frère, son dédain. Leurs chambres étaient côte à côte. Il lança en se remettant tout droit : « Et alors, tu viens vérifier ou pas ? ». Elle acceptait à contre cœur et balança ses petites jambes hors de ses draps chauds. En passant, elle attrapait un long baton qui ressemblait à une queue de billard. Elle avait l'habitude de le poser à son chevet. Juste au cas où ...

Il marchaient tous les deux dans le couloir. Elle devant, lui derrière. C'était étrange, en y repensant, Andréa était plus grand qu'elle, même si elle était l'aînée. Il était plus musclé. Dans ce genre de situation, peut-être que c'est le nombre d'années qui compte. Et l'expérience ? Elle serra son bâton. Ils arrivèrent jusqu'à la porte d'entrée. Claire tourna le poignet. Verrouillé. Elle reprit son souffle et alluma la lumière : « C'est ridicule ! ». Maintenant que le visage de son frère apparut dans la clarté de l'ampoule à 1000 watts, Claire comprit enfin. Il avait le visage d'un enfant qui avait été torturé par un cauchemar et qui cherchait une excuse pour réveiller une autre personne. Elle leur versait du lait. Andréa prit une part de la tarte du dîner. Il se servit un deuxième vert de lait. « Tu sais que tu vas devoir évacuer tout cela après ... » avisait-elle. Mais il prolongeait par une biscotte. Comme s'il appréhendait le moment d'aller se recoucher. Toutefois, Claire avait les paupières lourdes, elle se mit à bâiller. « Tu as envie de dormir ? ». Elle le jaugea : « A ton avis ? ». Elle serra son peignoir et entreprit de rejoindre sa chambre, son frère traînait derrière elle. Elle se coula dans sa couverture, brisée de sommeil. Elle s'aperçut soudain qu'il était resté sur le pas de la chambre. Un enfant, pensa-t-elle. « Allez, viens ... »

HumideWhere stories live. Discover now