Je suis né de la terre, enfant de goutte d'eau,
Ma mère m'a porté en sa chair blanche et douce,
Les abeilles se sont penchées sur mon berceau,
Et sur moi s'est couché un matelas de mousse.
J'ai grandi lentement, tutoyant la forêt,
J'ai grandi en laissant mes pieds s'enraciner,
J'ai poussé au soleil, et, sous les pluies de mai,
J'ai appris qu'il revient quand l'averse est passée.
Je suis grand maintenant, ma jeunesse verdoie,
Et au bout de mes doigts chantent quelques oiseaux,
Mon torse s'est corsé, mes jambes se déploient,
Mes muscles sont noueux et mon visage est beau.
L'été de ma vie vient, le vent levé languit,
Jusque dans mes cheveux, fait bruire ma couronne,
Et la chair de ma chair de mes bras désunie,
Se pose dans mon ombre aux lieux que j'environne.
Je vis paisiblement ma lente calvitie,
L'automne arrive après grand nombre de printemps,
Ma fibre se détend, mes mains se ramifient,
Et un petit hibou passe de temps en temps.
Le froid s'installe autour, et la neige me plait,
Elle embellit le monde et réjouit les hommes,
Elle fait sur mes branches un manteau guilleret,
Et dans la neige tombe ma dernière pomme.
