2ème arrêt : Curiosité

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Cette récurrence quotidienne m'a poussé à, chaque matin où je voyais le type à la trottinette, l'observer un peu plus. Nous étions toujours à quelques mètres, pas assez proche pour connaitre la couleur de ses yeux ou sentir son parfum mais assez pour que je juge ses bouclettes et son air « ailleurs ».

L'hiver s'était bien installé et la pluie l'avait forcé à abandonner sa trottinette mais j'avais l'impression de le voir plus souvent, peut-être à cause de l'approche des examens qui se tiendrait à la rentrée en janvier.

Un matin, alors que j'avais pris mon « 1er horaire », le bus avait eu un très gros retard faisant s'agglutiner presque une trentaine de personnes à l'arrêt de bus dans le froid. J'avais maudit la compagnie de bus malgré le fait que j'étais consciente que ce n'était pas la faute des chauffeurs mais bien des embouteillages.

N'étant pas pressé mais surtout mal à l'aise avec le fait de rester debout pendant une heure contre des étrangers et sans une brise pour soulager ma cinétose, je m'étais assise sur le banc de l'arrêt de bus en regardant les passagers s'engouffrer dans le monstre d'acier.

J'envoyais un sms à ma camarade lui signalant que je prendrais le prochain bus mais je fus interrompu dans mon écriture par un réflexe que je n'aurais pu expliquer : j'ai tourné la tête.

J'ai tourné la tête pour espérer voir le type qui attisait ma curiosité et... il était là. Sa légère écharpe et ses cheveux châtains soulevés par le vent lorsqu'il courait vers l'arrêt.

Je n'ai pas pu m'empêcher de sourire. En le voyant arriver en courant, je me suis levé et ai pris une décision assez troublante : j'ai décidé de prendre ce bus blindé.

Le type m'ayant vu me lever alors qu'il arrivait devant le bus avait dû penser que je l'attendais lui avant de partir ?... Non. Qui sait ? La seule chose dont nous étions sûrs tous les deux, c'est que nous allions être coincés debout, côte à côte pendant une heure.

Ce fut étrange comme moment. J'étais tellement concentrée sur moi-même pour ne pas avoir envie de vomir mais à la fois tellement curieuse d'observer de plus près ce type.

Le regarder dans les yeux était trop gênant et surtout je ne voulais pas risquer de passer pour une folle. Mais les rares moments où le bus freinait et me poussait contre lui, je pouvais sentir son parfum boisé me chatouiller les narines.

Est-ce que lui pouvait sentir mon parfum ? Est-ce qu'il posait même un regard sur moi ? Aucune idée. Nous fûmes séparés à la descente du bus mais j'avais pu avoir une confirmation :

Il était bien étudiant dans ma fac.

Avec sa dégaine, je le voyais bien en droit ou en histoire. Il avait l'air d'être un rêveur, un type mi- sûr de lui, mi- paumé mais qui avait assez cran pour se foutre de l'avis des autres sur sa trottinette, je suppose.

Ce petit moment dans le bus a poussé ma curiosité et les matins où je le voyais arrivé, j'étais heureuse d'avoir ma petite distraction. Je lui inventais une vie, je m'imaginais ce qu'il faisait, comment il s'appelait, si un jour il changerait d'écharpe surtout avec le froid et la neige qu'ils annonçaient lorsque l'on avançait dans le mois de décembre.

Et puis un jour, ma curiosité a explosé.

Ce lundi matin j'avais pris mon « 1er horaire » et ne l'avait pas croisé, une pointe de déception infime dans le cœur. J'étais assise avec mes deux « acolytes » de toujours en amphi pour le fameux cours que nous avions avec l'autre moitié de notre filière.

Je préparais déjà mon carnet à dessin, sachant que le cours était souvent soporifique mais que je pourrais chopper les notes de quelqu'un d'autre avant le partiel, quand je l'ai vu.

Ce type était là. Il passa la porte de l'amphi et rejoignit ce qui semblait être ses amis au troisième rang. Mes yeux étaient gros comme des soucoupes.

Comment ai-je pu ne pas remarquer sa présence depuis la rentrée en octobre ?!

Le Type du BusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant