8ème arrêt : Terminus

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Des bières et plusieurs danses plus tard, j'étais en route vers l'arrêt de bus afin de rentrer chez moi, mais je n'étais pas seule. Il était là, à côté de moi. Mon ami avait insisté pour que l'on parte en même temps parce que « la nuit est dangereuse pour une femme seule ! ».

Nous n'avions échangé aucun mot mais le silence entre nous n'était pas pesant. Il signifiait juste la fin de quelque chose qui n'avait jamais vraiment commencé. Nous ne savions rien l'un de l'autre, nous ne nous étions pas parlé une seule fois face à face.

« Il est déjà là. » dit-il en me faisant sursauter.

Nous nous sommes mis à courir jusqu'au dernier bus avant de nous engouffrer dans le monstre de métal. Il n'y avait que six personnes, plein de place libre mais lorsque je m'étais assise, il s'était mis à côté de moi, comme pour prolonger ce moment silencieux mais intime entre nous.

Fatiguée par cette journée folle, je commençais à somnoler et, dans un moment qui me surprit moi-même, je posais ma tête sur son épaule en fermant les yeux.

Il ne dit rien mais je sentis sa cuisse se rapprocher de la mienne. Sa main glissa de sa jambe jusqu'à la mienne et il commença à faire des petits cercles avec ses doigts.

J'étais tellement sereine. Les lumières du bus tamisées, le soleil d'été se couchant à peine à 21h30, son odeur chatouillant mes narines, son souffle sur mon crâne... Je ne voulais pas que ça s'arrête.

Dans un effort considérable, je relevais ma tête pour le regarder. Aucun mot jusqu'à ce que l'alcool me donne du courage supplémentaire...

« Je dors dans le bus parce que j'ai le mal des transports. Chaque matin, j'ai envie de vomir. » balbutiais-je maladroitement sans le quitter des yeux.

« Ah oui ? » dit-il tout simplement avant de rire et d'attraper une de mes mèches de cheveux qu'il tortilla entre ses doigts.

Je voulais lui dire que chaque matin j'espérais qu'il soit là, que chaque soir je priais pour faire le chemin du retour en l'observant. Mais rien. Le vide. Mon courage ne m'avait donné la force pour ne parler de ma cinétose, c'est tout. C'était pathétique.

« Tu peux dormir, je te réveillerais quand nous serons arrivés. » me dit-il avant de reposer sa main sur ma cuisse et de la caresser tendrement.

Je murmurais un petit « Merci » avant de reposer ma tête sur son épaule et de me laisser aller.

Arrivé à notre arrêt, il me réveilla, attrapa sa trottinette et sortit du bus. L'air était chaud et il faisait déjà nuit. Nous avons marché quelques mètres sans rien dire avant qu'au fameux croisement qu'il devait prendre nous nous arrêtions.

Il s'approcha de moi pour me faire la bise. Tout le monde aurait pu s'attendre à un baiser mais juste le fait de sentir ses lèvres sur mes joues me comblais et j'espère, lui aussi. Nous étions comme deux adolescents.

Je sentis qu'il voulait dire quelque chose de plus mais rien. Il n'avait pas le courage et moi non plus. Il déplia sa trottinette, échangea un « Salut. » avec moi et parti dans la direction opposée à la mienne.

Je ne pouvais pas bouger. Je voulais attendre qu'il ne soit plus dans mon champ de vision.

Il s'arrêta au loin et se retourna pour me regarder avant de repartir.

J'expirais doucement, le cœur battant encore à cent à l'heure avant de prendre mon téléphone et d'envoyer un sms à mon petit ami : « Il faut qu'on parle ».

Le type du bus, quelqu'un que je ne connaissais pas et n'aurai jamais envisagé aimer, grâce à un quotidien rodé sur une année, avait changé ma vie. Je n'en étais pas consciente à ce moment-là mais plus le temps passait et plus j'y repensais.

Merci «le type du bus ».

Le Type du BusWhere stories live. Discover now