1er arrêt : Récurrence

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Novembre. La pluie sporadique, le froid qui s'immisçait dans nos habitudes, les arbres colorés et presque mis à nu. Un mois où l'on pense déjà à Noël et au Nouvel An, aux projets de vacances d'hiver, à la neige apaisante mais contraignante et aux examens d'avant et après fêtes.

Par chance, il faisait étonnamment beau pour un lundi matin, même le soleil avait décidé de nous montrer de quoi il était encore capable avant de disparaître jusqu'au printemps. Je me dirigeais vers l'arrêt de bus, mes écouteurs dans les oreilles et une veste légère mais assez chaude contre les coups de vents de l'automne.

Le bus avait du retard. Comme d'habitude. Je regardais mon téléphone toutes les cinq minutes avant de me décider à envoyer un sms à mon ami pour qu'il me garde une place dans l'amphi. Nous étions peu dans ma classe mais le cours du lundi matin avait lieu en amphithéâtre avec l'autre moitié de notre filière, celle avec qui nous avions très peu de cours en commun mais où le nombre d'élèves était bien plus élevé dans leur classe que la nôtre.

Je voyais enfin le bus arriver mais fus interpellé par une image qui me fit légèrement sourire : un garçon, surement étudiant comme moi, qui arrivait au loin sur sa trottinette. Sa trottinette.

Je trouvais ça marrant. Ça me faisait penser aux hommes d'affaires en trottinette qui pensait avoir la classe en costume sur leur « bolide » mais qui aurait eu encore plus de charisme sur une planche de skate. Une trottinette, ça me faisait penser à mon désir d'en posséder une étant gamine avant que l'on me comble par une paire de roller.

Je n'eus pas assez de temps pour le voir arriver jusqu'au bus, étant déjà engouffré dans ce dernier à la recherche d'une place et surtout d'une de mes camarades de promotion qui, semblait-il, avait déjà de sécher le premier cours de la semaine.

Je n'avais pas porté une grande attention au physique de ce type, je me souvenais juste de sa trottinette et ça m'avait fait sourire intérieurement pendant quelques secondes. Chaque matin je voyais des gens différents à l'arrêt de bus et je savais que je ne risquais pas de le revoir ou en tout cas de le remarquer parce qu'il m'avait eu l'air d'être très banal de loin.

C'était sans compter sur ce que j'appelle « la récurrence du quotidien ».

Prendre le même bus à la même heure, c'était ce que j'essayais de faire pour arriver à l'heure en cours mais étant amoureuse de mon lit, je n'arrivais même pas à répondre à cette exigence. J'avais donc établi des principes : en prenant le bus à 8h, j'arrivais 10 minutes avant le début du cours de 10h mais je me tapais les bouchons pendant 2h. En prenant le bus de 9h15, j'arrivais 10 minutes en retard mais je n'avais aucun embouteillage. Ma seule limite était de ne pas rater le bus de 9h30, dernier bus de la matinée, le prochain était à 10h45.

3 horaires : un sûr mais fatiguant, un normal mais me faisant arriver en retard et le choix ultime.

Un quotidien récurrent mais assez aléatoire qui m'empêchait de croiser les mêmes personnes à l'arrêt de bus. Même ma camarade de promo très gentille mais pipelette dès le matin qui m'empêchait d'apprécier ma somnolence quotidienne pour oublier mon envie de vomir.

J'ai appliqué ce plan dès novembre et j'ai remarqué début décembre une « anomalie » dans ce quotidien. Un élément qui revenait ponctuellement mais assez souvent pour que je l'identifie : la présence du type à la trottinette sur mes trois horaires. Il suivait le même plan que moi. Pas tous les jours mais très fréquemment.

Quand un élément surgit dans votre quotidien mais qu'il n'est pas marquant, vous l'ignorez. Vous l'observez une demi-seconde et retournez à votre réflexion sur ce que vous allez manger à midi.

Quand cet élément revient plusieurs fois, vous êtes obligé d'y porter plus d'attention car ce phénomène, ce « coup du destin » est intrigant. Et c'est ma curiosité naturelle qui m'y a poussé.

Un matin, assise sur le banc de l'arrêt de bus, je l'ai vu arriver sans sa trottinette et c'est ce qui m'a poussé à l'observer. J'avais envie de lui dire « Eh ben mec ? Elle est où ta bécane ? » mais c'était déplacé et surement insultant venant d'une inconnue, surtout qu'il était évident qu'il ne l'avait pas pris à cause de la pluie.

Il ne s'est pas abrité sous l'abri bus qui pourtant était bien vide à l'heure de mon 2ème horaire. La capuche de son sweat cachait ses cheveux dont j'avais le vague souvenir qu'ils étaient châtains, rien d'autre. La seule chose que je pouvais juger de lui, c'était son style vestimentaire que je ne trouvais pas exceptionnel.

Une légère écharpe, sweat bleu foncé sous une veste marron, un jean et des Vans. Je me suis dit « Des Vans ? Alors que c'est un type de la team trottinette ? » avant de rire intérieurement et de m'arrêter en regardant mes Converses... qui sont à la base des chaussures de sport et que je porte alors que la dernière fois que j'ai couru, à part après le bus, était à l'examen de sport en terminal.

Je jugeais un inconnu juste sur son style vestimentaire. Comme 90% de la population. C'était plus fort que moi, l'observatrice, d'essayer de deviner la vie de quelqu'un en jugeant ses vêtements.

Le bus étant enfin là, je m'y engouffrais comme chaque matin sans un regard de plus pour ce type avant de m'affaler dans mon siège, de poser ma tête sur la vitre et de rattraper un peu de mon sommeil perdu à regarder une série la veille au soir.

Le Type du BusTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang