3ème arrêt : Coïncidence

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« Eh ! Il faut que je te raconte une histoire. Tu vas me dire si c'est une coïncidence ou le destin ! »

J'avais facilement capté l'attention de mon ami en plein cours afin de lui raconter que presque chaque matin, un garçon prenait le même bus que moi-même quand mes horaires étaient variés et que je venais de remarquer que ce garçon était dans notre filière.

Mon ami me demanda de le montrer du doigt et j'attendis la fin du cours pour qu'il sorte et soit à vue. J'étais sûr que ce type n'avait pas non plus capté que j'étais dans sa filière.

- Il est... moyen, m'avait dit mon ami un peu déçu. Je pensais que tu l'avais repéré parce qu'il était beau.

- Non, c'est juste que je suis curieuse.

- Tu n'as pas un copain ?

- Je ne vois pas le rapport, je suis juste CURIEUSE. Et puis je ne connais rien de ce type, même pas son prénom.

- Appelons-le « le type du bus » alors !

- Vendu !

Le type du bus. Est-ce qu'il m'avait remarqué lui aussi ? Si oui, m'avait-il trouvé un surnom ?


Les vacances d'hiver commenceraient le lendemain et j'allais enfin pouvoir respirer de cette routine fatigante et me plonger dans les révisions en pleines périodes de fête... Ce n'était pas mieux à bien y réfléchir.

De tout petits flocons de neige tombaient mais rien ne pouvant bloquer la circulation et agiter les gens sur Facebook comme à l'accoutumée. Il y avait un peu de monde à l'arrêt mais pas le type du bus.

Une de mes camarades, pas la pipelette mais une plus calme, était présente ce matin-là, elle qui d'habitude prenait le bus bien plus tôt. Nous étions toutes les deux lasses et fatiguées d'avance de passer notre matinée à la Bibliothèque Universitaire afin d'avancer sur nos projets à envoyer par mail à nos professeurs avant les vacances.

Lorsque le bus arriva, nous nous sommes mis dans ce que j'appelle le « carré VIP ». Le carré de quatre places souvent occupé par des groupes d'étudiants le matin discutant de leurs cours de la journée. Elle s'était assise à côté de moi pour être dans le sens de la route, me laissant la fenêtre afin que je me concentre sur le paysage pour calmer ma possible envie de vomir.

Et je le vis entrer dans le bus.

Il était essoufflé par sa course et retira son écharpe pour la ranger dans son habituelle sacoche en bandoulière marron. Je fis mine d'écouter ma camarade attentivement tout en gardant un œil sur lui jusqu'à ce qu'avec surprise, il s'assoit en face de moi.

Je ne pourrai pas dire comme il me regardait mais je savais qui le faisait, je sentais ses yeux sur moi. Ma camarade déclara avoir des heures de sommeil à rattraper et lâcha sa tête en arrière pour faire une sieste. Je fis de même mais en posant ma tête sur la vitre et en me laissant porter par la route.

Je me souviens m'être réveillée lorsque l'on était coincé dans les embouteillages par ma camarade au téléphone avec un type de notre classe qu'elle prévenait de son retard. Après son appel, elle fit une petite blague sur lui qui me fit rire et lorsque mes yeux se dirigèrent vers le type du bus, ils croisèrent un fin sourire. Ce type se contentait de regarder par la vitre mais ne pouvait empêcher ses oreilles d'écouter notre conversation.

Je voulais placer des détails dans la conversation pour qu'il se rende compte que nous étions dans la même filière, en vain. De toute façon, avait-il vraiment autant remarqué ma présence que moi la sienne ?

Après être sorties du bus, ma camarade et moi avions rejoint d'autres amis devant la bibliothèque, dont certains camarades de l'autre partie de la filière que je ne connaissais pas.

Le type du bus arriva après nous et quand je pensais qu'il passerait son chemin, il s'arrêta devant un des hommes que je ne connaissais pas. Ils se serrèrent chaleureusement la main et je pus pour la première fois entendre le son de sa voix dans un simple « Salut, mec ! ».

Son timbre de voix n'était pas celui que je m'imaginais mais ma curiosité se réveillait à nouveau. Je voulais en entendre plus, en savoir plus sur lui, comment il s'appelait, pourquoi il venait en trottinette jusqu'à l'arrêt de bus, s'il vivait dans ma ville ou celle d'à côté, etc.

Tant de questions qui m'enflammaient mais qui me rapprochaient de l'évidence : m'intéresser à un inconnu de cette manière était malsain car j'avais un copain que j'aimais. Le type du bus n'était pas mon style d'homme et ne m'intéressait pas physiquement mais ma curiosité me poussait vers lui.


Retour des vacances = semaines de partiels.

Je ne pensais jamais au type du bus dans mon quotidien, je n'y pensais que lorsque je prenais ledit bus. Pendant la semaine de partiel, je partais beaucoup plus tôt de chez moi pour être bien en avance avant les examens donc j'avais très peu de chance de le croiser.

Mais nous avions un partiel en commun. 

Ce jour-là n'était glorieux pour aucun étudiant, beaucoup n'avaient que très peu révisé et pour ma part je n'avais lu qu'un livre sur les six exigés par notre professeur. Heureusement que je maîtrisais l'art de « blablater » pour rallonger mes phrases.

Ayant fini mon partiel, je me levai et descendis les marches de l'amphi avant de poser ma feuille devant le surveillant pour émarger jusqu'à ce que je me retourne et croise derrière moi le type du bus, sa feuille à la main, qui avait l'air surpris de me voir ici. Je me suis contenté de baisser les yeux en murmurant un « pardon » avant de récupérer mes affaires et de partir.

Il était maintenant au courant que nous étions dans la même filière.

S'il avait fini en même temps que moi, ça voulait dire que nous ferions le chemin du retour ensemble. J'étais déjà contente à cette idée. Pourquoi ? Toujours la curiosité de remarquer comment un élément du quotidien pouvait être récurrent.

Le type du bus était bien au rendez-vous, comme la foule de gens voulant rentrer chez eux. J'étais assise contre la fenêtre, je l'avais aperçu rentrée et était déjà satisfaite de cette coïncidence qui n'en était plus vraiment une jusqu'à ce que je sente quelqu'un s'asseoir à côté de moi.

« Pardon. »

Le type du bus. Il n'y avait plus beaucoup de place disponible et il avait choisi se mettre à côté d'un visage qu'il commençait à connaitre. Je ne saurais expliquer pourquoi mon cœur s'est mis à battre plus vite alors qu'il ne se passa rien pendant le trajet. Je sentais juste son parfum d'un peu plus près, c'est tout.

Nous sommes descendus en même temps et j'ai pu le voir courir vers un autre bus menant à une résidence de ma ville un peu plus éloignée : je savais maintenant à peu près où il vivait et pourquoi il avait une trottinette (à cause de la distance entre l'arrêt de bus et la résidence ainsi que l'absence de bus navette le matin).

Ma curiosité était presque satisfaite, maintenant, je voulais savoir comment il s'appelait.

Le Type du BusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant