Sixième Sens

Chapitre I (1/6)

La jeune femme fût tirée de ses pensées par la petite mamie qui était entrée quelques minutes plus tôt. Elle se redressa en lui souriant avec bienveillance.

-Bonjour madame, comment puis-je vous aider ?

-Bonjour mademoiselle, je me demandais si vous aviez un bon livre à me conseiller. Quelque chose qui me fasse voyager vous voyez, avec de l'aventure et des belles histoires... Je viens de finir de lire tous les ouvrages que je possède chez moi et je m'ennuie un peu.

Clémentine savait déjà pertinemment ce qu'il fallait à cette femme, le livre en question était paru quelques années auparavant et elle avait eut un mal fou à se le procurer, mais elle avait réussit et il attendait maintenant sagement que sa future propriétaire vienne le récupérer.

-J'ai ce qu'il vous faut ! Ne bougez pas je reviens tout de suite.

Elle slaloma entre les cartons de réassort déposés devant son bureau pour se rendre jusqu'à l'étagère du rayon « poches » où elle avait rangé l'ouvrage dont cette femme avait besoin, en attendant qu'elle vienne le chercher. Elle revint vers elle quelques secondes plus tard, un sourire triomphant peint sur le visage .

-Tenez, je pense que ça colle à vos critères de recherches. J'espère que vous reviendrez vite me dire ce que vous en avez pensé !

Tandis qu'elle lui remettait le livre, la petite femme réajusta ses lunettes sur son nez afin d'en lire la quatrième de couverture. Clem vit son regard s'illuminer à mesure qu'elle parcourait le texte des yeux et quand elle eût finit sa lecture elle regarda la jeune librairie avec admiration.

-C'est exactement ça ! C'est exactement ce que je voulais. Comment avez vous fait pour viser si juste ?

-J'ai lu ce livre il y a quelques années et j'ai simplement pensé qu'il pourrait vous plaire, répondit la vendeuse humblement

-Vous êtes vraiment magique, lui répondit la petite femme les yeux brillants en lui tendant l'argent tandis que la jeune femme effectuait sa vente, merci beaucoup mademoiselle. Je reviendrais dès que j'aurais terminé ce roman soyez en sûre.

Mais Clémentine savait déjà qu'elle allait revenir, et quel livre il lui faudrait la prochaine fois. Elle était d'ailleurs en train de le commander.

Elle avait ressentie chez cette femme un besoin d'évasion si fort que les titres des livres qu'il fallait qu'elle lui procure s'étaient tout de suite imprimés dans son esprit et elle s'était empressée de les commander. La jeune libraire avait le sentiment qu'elle allait revoir cette femme souvent, et ce n'était pas pour lui déplaire. Elle adorait créer des liens avec ses clients, c'était sans doute pour ça que la librairie marchait si bien, et aussi parce qu'elle avait le don de trouver le livre parfait pour chacun d'entre eux. À quatre heures et demi un petit groupe d'enfants entra dans la librairie en bavardant gaiment, la jeune femme sourit et sortît de sous son bureau le petit paquet de bonbons du jour. Ils vinrent tous vers elle en prenant le temps de flâner entre les rayons. Elle adorait les regarder déambuler dans sa boutique, le nez en l'air, émerveillés par la tonne de livres présente sur les étagères. Elle n'en n'avait pas toujours pour eux, cela dépendait des semaines et puis ils n'avaient pas forcément les fonds nécessaires pour s'offrir un livre à chaque fois qu'ils venaient. Clem s'estimait déjà heureuse que leurs parents les laissent venir tous les jours - ou presque - et ne rechignent pas à leur acheter des livres comme c'est le cas de certains. S'il y avait bien quelque chose qui l'attristait dans ce métier c'était cela, le manque de considération de certains parents pour la littérature aussi bien enfantine que classique. Chaque fois elle s'efforçait de les convaincre que la lecture ne pouvait amener que des bonnes choses mais ce n'était jamais une tâche facile. La plupart du temps elle parvenait à les faire sortir de la boutique avec le ou les livres qu'elle avait pressentie pour eux mais certaines fois, malgré son don, ça ne fonctionnait pas et elle s'en désolait.

Depuis toujours elle se sentait investie d'une mission, comme si elle était née pour faire ce métier et transmettre au monde le goût de la lecture. Et c'est ce qu'elle s'employait à faire depuis qu'elle avait débuté son Master en alternance, et encore plus depuis l'ouverture de sa propre boutique, son petit bébé qu'elle avait retapé à neuf, tout en prenant soin de garder le côté vieille école qu'elle aimait tant dans sa jeunesse. Ainsi, elle avait gardé la disposition d'origine en changeant seulement les étagères pour des meubles plus grands et résistants sur lesquels elle pouvait ranger encore plus d'ouvrages. Elle pouvait ainsi donner à son magasin un air parfaitement rangé et organisé alors qu'elle manquait parfois de place pour mettre en rayon chacun des livres qu'elle se procurait. Clémentine mettait un point d'honneur à avoir à la fois des livres parus depuis un certain temps et les dernières nouveautés. À cela s'ajoutaient aussi les classiques de la littérature européenne pour enfants et adultes ainsi qu'un rayon de livres de collections sur l'Histoire, la nature, la photographie et d'autres thèmes du même genre, sans oublier l'énorme rayon dédié à la jeunesse qu'elle prenait un malin plaisir à agencer pratiquement toutes les semaines. Elle y avait installé des petits poufs et autres fauteuils afin que les enfants du quartier puissent s'y installer quand ils venaient lui rendre visite, c'était aussi une bonne chose pour les parents qui pouvaient les y laisser quand ils venaient faire un tour dans le quartier le week-end. Cela ajoutait du charme à sa boutique et elle aimait à se dire que c'est pour cela qu'elle était l'une des librairies les plus populaires du coin. Enfin pour ça et pour ses précieux conseils.

Cette fois encore elle fût tirée de ses pensées par les futurs écoliers qui venaient chercher leurs bonbons du jour, avant d'aller s'installer dans leurs fauteuils favoris pour y dévorer un livre ou deux. Ils repartirent une heure plus tard ravis de leur visite, comme toujours. Cette fois-ci la libraire n'avait pressentie aucun livre pour eux. Il arrivait parfois que son don ne se mette pas en route face à certains clients, ceux qui ne ressentent pas en leur fort intérieur le désir de découvrir un nouvel ouvrage, ou qui sont encore prit dans la lecture d'un autre. Mais ce n'est pas un cas de figure qu'elle rencontrait bien souvent, au contraire. Clémentine arrivait généralement à cerner un client potentiel simplement en passant près de lui dans la rue, ce qui expliquait qu'elle ait toujours un coup d'avance sur eux. Son « sixième sens », comme elle aimait à l'appeler, lui permettait de rendre les autres si heureux à travers leurs lectures qu'elle ne l'aurait échangé pour rien au monde.